Les Bleues se réunisent autour d’Amendine Henry, la capitaine, après leur victoire face à la Corée du Sud (4-0) le 7 juin au Parc des Princes. / KENZO TRIBOUILLARD / AFP

« Allez les Bleues, allez les Bleues, allez ! ». La foule compacte, réunie dans ce bar du XIIIe arrondissement, entonne en cœur un classique, aujourd’hui conjugué au féminin. « Allez les Bleues », s’égosille la centaine de fans et de curieux qui se sont retrouvés dans la péniche, qui fait office de bistrot sportif pour la soirée, afin d’encourager les joueuses de Corinne Diacre pour leur premier match du Mondial, vendredi 7 juin dans la soirée au Parc des Princes, face à la Corée du Sud. Les plus chanceux sont confortablement installés sur des chaises, réparties en rangées sur toute la longueur de la pièce rectangulaire. Les autres sont debout, ou assis en tailleur devant le grand écran qui a été installé pour suivre le match.

Parmi les supporteurs qui arborent fièrement le drapeau tricolore sur leurs joues, on retrouve Annie, Cassandre, Juliette et les autres joueuses de l’équipe de football de Sciences Po Paris. Ces amies sont avant tout des coéquipières. Cette soirée, c’est un peu la leur. Ensemble, elles ont créé en début d’année L’Équipière, un média destiné à promouvoir le football au féminin, grâce auquel elles ont coorganisé cette projection du premier match des Bleues, avec une association féministe.

« Je suis plus stressée pour les filles que pour les garçons »

A quelques minutes du coup d’envoi, Juliette est surexcitée. Une bière à la main, elle avoue être « plus stressée pour les filles que pour les garçons. L’année dernière, je m’en fichais s’ils perdaient. Là, on est en France, j’ai tellement envie qu’elles gagnent ! ». Juliette est la gardienne de l’équipe, ses joueuses préférées, « c’est les défenseuses, j’adore [Griedge] Mbock ». Quand à la 30e, la numéro 19 marque d’une superbe reprise de volée, Juliette est extatique, ses yeux azur pétillent alors qu’elle fixe l’écran. C’est d’une seule voix que la salle hue le recours à la VAR (video assistant referee, en anglais, l’arbitrage vidéo) et la décision d’invalidation du but. « C’était quand même une action magnifique », relativise Juliette, soutenue par ses coéquipières.

Quelques instants plus tard, les joueuses ambiancent le bar, en célébrant le but de Wendy Renard, qui, de sa tête, permet aux Bleues de mener 2-0 « Wendy Renard, c’est notre meilleure joueuse », scandent les footballeuses, les unes applaudissant, les autres brandissant leurs verres.

L’atmosphère est plus respirable à la mi-temps, l’heure de la pause cigarette a sonné, le bar se vide. Les footeuses débriefent la première période. Ces moments sont importants pour elles, en tant que joueuses et en tant qu’équipe. « Quand je regarde un match féminin, étant donné que je joue, forcément je perçois les enjeux différemment. Pratiquer le foot ça me fait apprécier les anticipations. Je m’identifie, je me demande ce que je ferais à leur place. Par exemple, tout à l’heure j’ai trouvé que Gaëtane Thiney jouait trop solo, j’étais saoulée en tant que joueuse », rigole Cassandre, 22 ans, qui joue dans l’équipe universitaire depuis ses 18 ans.

« Avec notre équipe, on organise des évènements pour regarder les matchs toutes ensemble. On a des joueuses très calées qui nous donnent des infos pointues. Et puis c’est l’occasion de se charrier, de se lancer des “Ouais, Cassandre regarde ça, prends-en de la graine !” Ce sont des expériences importantes pour notre collectif. »

« Une façon d’avoir des modèles à qui s’identifier »

Les bras croisés, son verre vide à la main, Annie acquiesce. « Pour moi, regarder un match de foot, ça me donne de toute façon envie de jouer », lance-t-elle dans un éclat de rire alors que le match reprend. « En tant que joueuse de milieu, je suis très attentive à certaines actions. A chaque match d’une équipe féminine que l’on regarde, je me mets dans leur position et je m’y vois. C’est une façon d’avoir des modèles à qui s’identifier, à qui on veut ressembler. C’est important », insiste la milieu défensif. Annie est aussi sensible à d’autres faits : « les blessures, je me suis fait des entorses des deux chevilles », explique la joueuse dans un rictus, sous le regard compatissant de ses partenaires, qui louent son courage. A la 83e, une expression de douleur déforme le visage angélique d’Annie, lorsque Eugénie Le Sommer s’écroule à terre. « Non, pas les chevilles ! », s’exclame-t-elle. Mais Annie est rapidement rassurée.

Les Bleues s’imposent 4-0. Le bar explose de joie. Coéquipières, amis et inconnus se sautent dans les bras. « Il manque quand même énormément de nos joueuses, elles sont quasiment toutes au stade ce soir ! », crie Cassandre pour couvrir la liesse. Ce n’est que partie remise. Car les joueuses n’attendent que de se réunir à nouveau, mercredi 12 juin, pour regarder le match des Bleues face aux redoutables Norvégiennes.

Sarah-Lou Bakouche

Notre sélection d’articles sur la Coupe du monde féminine