Manifestation devant le ministère de la justice espagnole pour protester contre le premier verdict du procès de « La Meute », le 26 avril 2018 à Madrid. / SERGIO PEREZ / REUTERS

La plus haute instance judiciaire espagnole a aggravé à quinze ans de prison les condamnations prononcées contre cinq hommes en requalifiant les faits en « viol ». Cette affaire, captisée « La Meute » en raison du surnom collectif que se donnaient les accusés, avait été le détonateur d’une grande mobilisation féministe l’an dernier.

Ces cinq hommes avaient violé collectivement une jeune fille de 18 ans en juillet 2016 à Pampelune, en pleines fêtes de la San Firmin. Moins d’un quart d’heure après l’avoir rencontrée, ivre, ils lui avaient fait enchaîner fellations et rapports sans préservatifs dans l’entrée d’un immeuble, avant de voler son téléphone et de la laisser à moitié nue. S’en vantant sur un groupe WhatsApp, les cinq hommes avaient diffusé des images de leurs agissements.

« Authentique scénario d’intimidation »

Leur condamnation en première instance en avril 2018 à neuf ans de prison pour abus sexuel – et non pour viol – et leur remise en liberté provisoire avaient entraîné d’énormes manifestations à travers le pays. Cette peine avait été confirmée en décembre par une juridiction d’appel, qui avait estimé qu’il n’y avait pas eu violence et qu’il était trop difficile de déterminer s’il y avait eu intimidation, les deux conditions nécessaires pour conclure au viol, selon le code pénal espagnol.

Mais la Cour suprême a cassé ces deux décisions de justice et considéré que les faits « ne pouvaient constituer un délit d’abus sexuel », mais étaient bien constitutifs « d’un viol ». Décrivant un « authentique scénario d’intimidation », les cinq magistrats, dont deux femmes, ont souligné qu’« à aucun moment la victime n’avait consenti aux actes sexuels commis par les accusés ». Ils ont conclu – à l’unanimité – qu’il y avait bien eu viol au regard du droit espagnol, qui exige des preuves d’intimidation ou de violence. Elle considère que la jeune femme a « adopté une attitude de soumission », sous l’emprise d’une « angoisse et un stress intense » et n’a pu que subir les « dix agressions, avec pénétrations orales, vaginales et anales ».

L’un des accusés a été, en outre, condamné à deux ans supplémentaires pour avoir volé le téléphone portable de la victime. Cette décision de la Cour suprême va entraîner l’incarcération des accusés, qui étaient en liberté provisoire et n’ont pas assisté à l’audience.

De son côté, l’avocat de la défense avait sollicité l’acquittement des accusés, en soutenant que la jeune femme avait bien « décidé d’avoir des relations » avec l’ensemble du groupe. Selon lui, les accusés ne pouvaient se rendre compte qu’elle n’était pas consentante, parce qu’elle n’avait pas crié ni résisté. Il a par ailleurs assuré que ses clients n’avaient pas eu « de procès juste » car « la société » avait réclamé leur condamnation à coups de manifestations retentissantes.