« Ce soir-là et les jours d’après » : la vie après la tragédie
« Ce soir-là et les jours d’après » : la vie après la tragédie
Par Catherine Pacary
Un scénario tronqué, une sortie reportée : la fiction sur les attentats du Bataclan pâtit d’un excès de bien-pensance.
Comment et quand parler de l’horreur ? Quel est le temps de décence pour qu’une fiction puisse s’emparer d’un drame ? Deux ans après les attentats du 13 novembre 2015, qui ont tué 131 personnes, France 2 annonçait le tournage de Ce soir-là et les jours d’après, sur l’attentat au Bataclan. Plus précisément sur les voisins, les secouristes, les médecins qui, dans la nuit, ont porté secours aux victimes et éprouveront le besoin de se revoir « les jours d’après ». Des liens forts vont se tisser entre eux, comme entre les deux héros, Karan (Simon Abkarian) et Irène (Sandrine Bonnaire), qui vont vivre une « grande histoire d’amour impossible », annonçait la production.
Trop tôt. La journaliste Claire Peltier, dont le compagnon a été tué au Bataclan, se dit « choquée » et lance une pétition – qui atteindra 40 000 signatures. Face au tollé, le film est ajourné fin 2017. S’ensuivent de longues négociations entre la réalisation, la production et les associations de victimes. Et, beaucoup de temps plus tard et avec l’assurance qu’un débat suivra le film, Ce soir-là et les jours d’après est enfin programmé, avec dix-huit mois de retard.
Une gestation difficile qui laisse des traces. Le film de Marion Laine (Un cœur simple, 2008 ; A cœur ouvert, 2012) est lourd, englué dans le drame et la bien-pensance. Sandrine Bonnaire y incarne si bien le malheur… Son personnage, Hélène, directrice de maternelle, a la compassion facile mais entretient des rapports conflictuels avec sa fille, Céline (Juliette Lamboley, excellente), qui travaille aux urgences à la Salpêtrière, à Paris. A leurs côtés, Karan est un homme d’affaires afghan qui a le charme et le charisme douloureux de ceux qui ont traversé des épreuves – Simon Abkarian a vécu au Liban pendant la guerre civile. « On ne peut pas dire la souffrance de ceux qui ont perdu un proche, avait-il prévenu lors de la présentation à la presse fin mai. Cela nous oblige à être plus justes. C’est pourquoi il y a eu des discussions sur le scénario. »
« L’humour comme protection ultime »
Le film effectivement ne colle pas avec la personnalité de son scénariste, Nicolas Mercier, optimiste invétéré (révélé par la série Clara Sheller). Lorsqu’il a proposé ce sujet, il y a d’instinct cherché la lueur d’espoir : « Au milieu de ce chaos, de haine et de violence, une seule chose positive a été l’aide apportée, sans réfléchir, par des voisins, des passants », explique-t-il. D’où le thème retenu. Pour l’étayer, il visionne des documentaires et une scène le marque. Celle d’un jeune homme, criblé de balles, qui raconte des blagues à ses sauveteurs – « l’humour comme protection ultime ». Il s’en inspirera pour le rôle de Samira (Naidra Ayadi, épatante), jeune femme énergique qui ne sait pas si elle remarchera un jour mais choisit d’épouser l’homme qui l’aime.
« Je déteste m’appesantir sur le drame », explique Nicolas Mercier. Or « toute la part de comédie qui devait parsemer cette histoire tragique a été gommée ». Ce n’est pas totalement vrai. Quelques scènes restent drôles, lors du mariage ou dans le parking. Une en particulier les surpasse toutes, celle tournée dans la salle de garde de l’hôpital, lorsque la médecin chef (Elsa Tauveron, « géniale ! », insiste le scénariste) distribue les tours de garde aux internes. « Ma scène préférée », confirme Nicolas Mercier. « J’aurais voulu que tout le film soit ainsi. » Il n’est pas le seul.
Téléfilm de Marion Laine (Fr., 2018, 90 min), suivi à 22 h 40 du débat « Attentats : la vie après », présenté par Julian Bugier.