Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse à Washington, mercredi 31 juillet. / MARK WILSON / AFP

Après dix ans de croissance ininterrompue, la Réserve fédérale américaine (Fed) a abaissé mercredi 31 juillet son principal taux d’intérêt pour la première fois depuis 2008, sur fond de reproches incessants de Donald Trump de ne pas stimuler assez la première économie du monde.

Citant les « incertitudes » concernant l’économie mondiale et la faiblesse « persistante de l’inflation », la banque centrale a réduit les taux directeurs d’un quart de point de pourcentage, pour les fixer dans la fourchette de 2 % à 2,25 %, contre 2,25 % à 2,50 % actuellement. Mardi encore, Donald Trump avait réclamé une « forte » baisse des taux. Mercredi, le comité monétaire a laissé la porte ouverte à un nouveau geste, affirmant qu’il agirait de « manière appropriée pour soutenir la croissance ».

L’année dernière, la Fed avait relevé le loyer de l’argent d’un quart de point quatre fois, mais elle considère maintenant que la faiblesse de la croissance mondiale et que l’inflation résolument basse exigent une politique monétaire plus accommodante.

Malgré ce changement de direction monétaire, la description de l’activité économique par les membres du comité de politique monétaire de l’institution dans son communiqué a peu évolué par rapport à la dernière réunion il y a six semaines. Les gains d’emplois restent « solides », la progression des investissements des entreprises est « molle » et l’inflation « demeure sous la cible de 2 % ».

« Je m’oppose ici [à l’idée] qu’il s’agit du début d’un long cycle de baisse [des taux d’intérêt]. Ce n’est pas ce que nous voyons actuellement », a déclaré mercredi le patron du Trésor américain, Jerome Powell, lors d’une conférence de presse. « Ce n’est pas dans notre perspective ni dans nos prévisions », a-t-il ajouté, alors que de nombreux économistes s’attendent à au moins une autre baisse cette année.

Dans le sens de Donald Trump

La Réserve fédérale a aussi décidé d’arrêter, deux mois plus tôt que prévu, la réduction de son bilan et le délestage des bons du Trésor qu’elle détient. Cette diminution de ses investissements dans les obligations d’Etat avait pour effet implicite de tirer légèrement les taux d’intérêt à la hausse, ce qui irritait notamment le président Donald Trump, prompt à se plaindre du renchérissement du coût du crédit.

Tout en défendant son indépendance, la Fed agit finalement dans le sens de ce que n’a cessé de réclamer le président américain. L’hôte de la Maison Blanche, qui brigue un second mandat, réclame des taux bas qui favorisent le consommateur, diminuent le coût de la dette et dopent le Dow Jones à Wall Street.

Encore lundi, Donald Trump s’était plaint dans un tweet : « L’[Union européenne] et la Chine vont à nouveau baisser les taux d’intérêt et injecter de l’argent dans leurs systèmes, ce qui facilitera la vente de leurs produits. En attendant, et avec une inflation très basse, notre Fed ne fait rien – et va sans doute faire bien peu en comparaison. Dommage ! »

La décision de la Fed n’a pas fait l’unanimité au sein du comité monétaire. Deux membres de la Réserve fédérale – Esther George de la Fed de Kansas City et Eric Rosengren de celle de Boston – se sont prononcés contre la décision. Ils auraient préféré maintenir les taux en l’état.

Plusieurs économistes craignent qu’une baisse des taux ne stimule indûment l’économie, en renforçant les risques d’une bulle financière, notamment du côté des emprunts des entreprises, ou en faisant resurgir l’inflation. C’est la première fois, depuis que Jerome Powell a pris les rênes de l’institution en février 2018, que le comité monétaire est si divisé.

Si l’inflation est stagnante à 1,4 %, la croissance économique américaine est encore solide à 2,1 % au deuxième trimestre, et le taux de chômage est proche de son plus bas niveau depuis cinquante ans (3,7 %). Onze ans après la crise financière, le Trésor américain rejoint ainsi les autres grandes banques centrales du monde dans leur politique accommodante.

La Banque centrale européenne, qui a maintenu les taux à zéro, a ouvert la voie la semaine dernière à une série de remèdes anticrise, allant d’une ou plusieurs baisses de ses taux à une possible reprise de ses rachats de dette, en brossant un tableau sombre des perspectives économiques dans la zone euro. Quant à la Banque du Japon, elle continue de reconduire sa politique monétaire ultra-accommodante.