Angelique Kidjo : « La jeunesse africaine est actrice de son devenir »
Angelique Kidjo : « La jeunesse africaine est actrice de son devenir »
Propos recueillis par Diane-Audrey Ngako
La chanteuse béninoise a reçu le prix de l’Ambassadeur de la conscience 2016 décerné par Amnesty International.
La chanteuse Angelique Kidjo lors de l’ouverture de la quatrième édition du festival Nollywood Week Film à Paris, début juin 2016. | Nollywood Week
A Paris, à l’occasion de la quatrième édition du festival Nollywood Week Film, organisé du 2 au 5 juin, la chanteuse béninoise Angélique Kidjo revient sur son engagement militant et sur son expérience dans le cinéma. Elle est à l’affiche du dernier film du Nigérian Kunle Afolayan, The CEO, dans un rôle de méchante où elle surprend et brille. Entretien.
Vous venez de recevoir le prix de l’Ambassadeur de la conscience 2016 par Amnesty International à Dakar. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Angélique Kidjo Je dénonce depuis le début de ma carrière les manquements de nos hommes politiques, notamment vis-à-vis de la liberté d’expression et des droits humains. Beaucoup se sont moqués de moi en affirmant que cela ne mènerait à rien. Ce prix montre qu’ils ont eu tort. J’ai partagé ce prix avec trois mouvements de jeunes militants africains : Y’en a marre (Sénégal), le Balai citoyen (Burkina Faso) et Lutte pour le changement (LUCHA, République démocratique du Congo). Ils nous montrent que la jeunesse africaine est actrice de son devenir.
Pensez-vous que tous les artistes africains doivent être des militants ?
Non, chacun fait ce qu’il veut comme il l’entend. Ma musique n’est pas spécialement engagée. J’estime être témoin de mon temps et que mon rôle est de parler de ce qui m’entoure. Le silence tue plus que les bombes atomiques et j’ai décidé de ne jamais me taire.
Quelle est la dernière expérience qui vous a marqué dans votre vie militante ?
Je reviens du Bénin où nous avons enregistré une chanson avec des artistes locaux pour lutter contre le mariage des enfants. A Cotonou, j’ai rencontré des filles de 13 ans qui ont été mariées de force, souvent à l’insu de leurs parents, car elles ont été kidnappées. Les personnes à l’origine de ce trafic le font souvent dans des zones reculées du pays. En tant que mère, il m’est insupportable d’imaginer ma fille dans cette situation. Dans tous les pays africains, nous devrions créer une association de femmes où nous pourrions nous soutenir.
Existe-t-il un lien entre vos engagements et l’expérience que vous venez de vivre en tant qu’actrice dans le film de Kunle Afolayan, présenté à Paris ?
The CEO, qui raconte l’histoire du recrutement d’un dirigeant d’une multinationale africaine, envoie un message à la jeunesse du continent : elle n’a pas besoin d’aller se noyer en mer, l’Afrique peut lui offrir un avenir. J’ai aimé l’idée de réunir un casting africain et pas seulement nigérian. En Afrique, nous ne réalisons pas souvent les choses ensemble. Cela permet de combattre les clichés qui nous éloignent.
Le film nigérian à l’honneur dans un festival à Paris
Durée : 02:18
Comment avez-vous rencontré Kunle Afolayan ?
Nous nous sommes rencontrés dans l’avion en février 2015, je revenais des Grammy Awards et lui d’un festival panafricain où il était allé présenter son film October 1. Sachant que j’étais béninoise, il m’a directement parlé en yoruba. Il m’a dit qu’en écrivant le synopsis de son futur film, The CEO, il avait écrit un rôle en pensant à moi.
Nous devions tourner en juillet 2015, mais il n’a pas eu les fonds nécessaires à temps et le tournage a été décalé à septembre. J’ai pris dix jours pour faire ce film avec lui à Lagos.
Etait-ce votre premier film ?
Non, j’avais joué dans un film qui s’intitulait People I know avec Al Pacino et Kim Basinger aux Etats-Unis. Il devait sortir le 11 septembre 2001 mais, à cause des attentats, il n’est jamais été en salles. Je crois qu’il est sorti en DVD l’année d’après.