Le Tour de France du cycliste masqué : tout en retenue
Le Tour de France du cycliste masqué : tout en retenue
Par Antoine Vayer (ex-entraîneur de Festina)
Pendant la Grande Boucle 2016, notre chroniqueur Antoine Vayer fait parler le cycliste masqué, 15 grands Tours dans la musette. Des mœurs du peloton…
Le peloton durant la 10e étape du Tour de France, mardi 12 juillet, entre Escaldes-Engordany et Revel. | Jeff Pachoud/AFP
Bronzage bicolore, noir et blanc au cou, à mi-bras, à mi-cuisses, maigre comme un clou, le réseau veineux apparent et gonflé sur tout le corps, les jambes mieux épilées qu’une Miss… Un coureur du Tour à poil, c’est plutôt tue-l’amour. Aucune poignée d’amour – justement – sur laquelle sa femme puisse s’accrocher. Sa notoriété, son portefeuille et ses qualités humaines peuvent séduire une fan de vélo, mais pas sa plastique ni sa virilité.
Le coureur est dans la privation, de manger gras ou trop sucré, de parler vrai, de se coucher tard, de pouvoir faire un petit résultat sportif valorisant – s’il n’est pas leader – et, bien sûr, de faire l’amour. Il est toujours fatigué. C’est frustrant. Il assume, même quand cela le gratte. Historiquement, les relations sexuelles sont considérées comme détériorant la force musculaire d’un guerrier. Le campionissimo Binda expliquait qu’une clé de ses succès était son unique rapport sexuel par an. Certains ont vendu des méthodes pour entraver leur érection afin que le sang n’afflue pas ailleurs que dans leurs jambes. Beaucoup de coureurs s’abstiennent les veilles d’épreuve. Le Tour, c’est trois semaines à tenir, et le coureur dort en chambre double avec un autre coureur, de toute façon. C’est long.
Des bienfaits de l’onanisme
Le cycliste sait maintenant que la sollicitation du système sexuel peut améliorer le comportement agressif, et que l’onanisme n’est plus considéré comme une menace pour la société, qui rendrait malade, que ce n’est pas plus un péché, même s’il a une vie de moine. Les tenniswomen ont parlé en premier des bienfaits de l’autoérotisme antistress avant un match.
Les vieilles idées selon lesquelles les heures de selle et la pression sur le nerf du périnée troublent l’érection, et, pour les femmes, que les frottements rendent celles-ci nymphomanes, sont révolues. C’est davantage les accros aux somnifères, les « nonoxés », qui ont des troubles. Le règlement qui excluait les femmes de la caravane du Tour a été abrogé. L’acte sexuel déculpabilisé est assumé, bien que quasi impossible ni souhaité dans la Grande Boucle.
Quelques-uns ont dit se masturber « à la limite de l’éjaculation » juste avant un départ de contre-la-montre, parce que « cela faisait monter le taux de testostérone ». Ce sont les mêmes qui font des UV l’hiver, hors saison, avec maillot et cuissard pour garder leurs marques de bronzage « cycliste pro ». Des jeunes, en peine de joies et pleins de croyances. La relation entre le coureur et sa femme n’est pas basée sur le sexe pendant sa carrière. Elle est la priorité n° 2, après le vélo. La femme le sait, se dévoue à la carrière de son homme.
Donc, le peloton, en manque mais envieux et pas rancunier, félicite souvent le vainqueur, comme, hier, Matthewsà Revel, par un : « Bravo, tu nous as tous bien baisés ! » Respect à Robert Millar, l’Ecossais meilleur grimpeur du Tour 1984, membre du British Cycling Hall of Fame, contrôlé positif en 1992 à la nandrolone, un produit dérivé de l’hormone mâle, la testostérone. Robert s’est fait opérer, a changé de sexe et s’appelle désormais Philippa York.
Antoine Vayer a collaboré à « Je suis le cycliste masqué » (Editions Hugo & Cie, 2016).