Les spots bleus clignotent, la musique se lance, la salle applaudit en rythme et un jeune homme monte sur scène et lance : « Good evening everyone ! » Tout au long de cet après-midi du samedi 29 octobre, dix équipes se sont relayées sur le podium d’une salle de l’hôtel Sofitel d’Alger pour présenter leur projet de start-up dans le cadre de la compétition internationale SeedStars. Dans un anglais parfois un peu haché, les représentants de SihhaTech s’appliquent à présenter leur création : un site qui permet de trouver un médecin spécialiste ou un dentiste dans sa commune et de prendre rendez-vous en ligne. Le jury s’interroge : « Avez-vous bien étudié votre marché ? Il me semble que les besoins ne sont pas à Alger, mais plus à l’intérieur du pays. »

Réseautage et potentiels investisseurs

Dans la salle, les participants, badges de couleurs épinglés sur leurs vestes, sont penchés sur leurs smartphones. Les présentations sont filmées et publiées sur Twitter, Facebook, Snapchat ou Periscope dans la foulée. Alors que l’université algérienne semble souvent déconnectée du monde de l’entreprenariat, nombreux sont les jeunes venus chercher un conseil, une idée, ou de l’aide. Dhia-Eddine, 24 ans, vit à Tipaza, à 70 km à l’ouest de la capitale : « J’ai besoin de réseautage et j’espère participer à SeedStars l’année prochaine avec ma start-up qui recense les formations privées », explique-t-il. Lamia et Wassim, 22 ans tous les deux, sont étudiants à l’Ecole polytechnique d’Alger. Il y a quelques semaines, ils présentaient un prototype de compteur d’électricité intelligent dans une autre compétition. « Nos études ne nous donnent pas de clés pour lancer une entreprise. Ici, on se renseigne sur ce qu’il nous reste à apprendre, on cherche des personnes qui pourraient nous aider, et de potentiels investisseurs », expliquent-ils.

En milieu d’après-midi, le hall se remplit pour une pause-café. Les cartes de visites s’échangent. Hillel Trabelsi, responsable commercial de 36 ans, présente ses amis à d’autres connaissances. « Un événement comme SeedStars peut avoir un impact. On voit bien que les barrières administratives se lèvent. Aujourd’hui, on peut créer un registre de commerce en quelques jours. » Karim Embarek, manager d’une entreprise de communication sur Internet, est plus dubitatif : « Il faudrait que les entreprises privées pensent à donner une chance aux acteurs du web ! » Il reste encore cinq présentations à écouter. Le public se fait turbulent. Face au jury, un candidat s’exprime péniblement. Un autre présente un projet de plateforme de gestion de tâches payant en fonction de l’utilisation. « Ça existe déjà et c’est gratuit », soupire un jeune homme en veste noire.

« Une vraie volonté collective »

Alors que le jury délibère, Samir Abdelkrim, spécialiste des start-up sur le continent africain, raconte au public des success stories africaines. « Les entreprises peuvent briser un statu quo. Au Nigeria, les espaces collaboratifs ont permis aux start-up d’émerger. De la même manière, SeedStars permet de décloisonner, d’échanger. Les entrepreneurs en ont besoin. »

A 18 h 30, les spots se remettent à clignoter. Le projet Dalil (« guide », en arabe) remporte la compétition. Cette application destinée aux aveugles reconnaît les objets à proximité, prévient des obstacles et aide à s’orienter. Les organisateurs annoncent que tous les participants bénéficieront d’une formation gratuite en anglais et à la prise de parole en public. Le sponsor de l’événement, l’opérateur téléphonique Djezzy, remet un chèque de 2 millions de dinars algériens (environ 16 500 euros) aux gagnants.

Chems-Eddine Bezzitouni, organisateur de la compétition, tire un bilan positif de cette deuxième édition de SeedStars en Algérie : « Grâce aux mécanismes d’appui, les entrepreneurs sont aujourd’hui capables de transformer des problématiques quotidiennes en opportunités. Il y a de vraies avancées techniques dans les solutions présentées par les candidats. Bien sûr, il faut renforcer les compétences managériales et interpersonnelles, mais il y a une vraie volonté collective. Les acteurs publics et privés, les jeunes talents, les jeunes entrepreneurs sont présents et, en parallèle, l’Etat fait la promotion du made in Algeria. »

Fin de la journée, les hôtesses d’accueil font des selfies dans le hall. Sur les marches d’escaliers, un diplomate sourit : « C’est un bon signal. Ils ont montré que des Algériens peuvent prendre des initiatives, que le secteur privé est prêt à financer des projets. Il faut maintenant que les gagnants se servent de l’argent pour développer leur projet jusqu’au bout. »