L’écologiste Yannick Jadot refuse d’être le « candidat de la fin du monde »
L’écologiste Yannick Jadot refuse d’être le « candidat de la fin du monde »
Par Rémi Barroux
Invité par La Fabrique écologique, en partenariat avec « Le Monde », le candidat d’EELV a défendu une vision de l’écologie large, ancrée sur les réalités sociales, économiques et internationales.
Le candidat écologiste, Yannick Jadot, au petit-déjeuner de La Fabrique écologique, à Paris, le jeudi 5 janvier. | Photo : R.Bx.
Invité par La Fabrique écologique à présenter son programme en matière d’environnement, le candidat officiel d’Europe Ecologie-Les Verts (EELV), Yannick Jadot, n’a pas eu trop de mal, jeudi 5 janvier, à dérouler ses principales mesures devant un public composé, en grande partie, de représentants d’ONG environnementalistes. Abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), arrêt de celui du tunnel ferroviaire sous les Alpes pour le Lyon-Turin – « une folie, une incroyable gabegie financière de 25 milliards d’euros pour un projet inutile » –, la relance d’un dispositif d’écotaxe pour les poids lourds, abandonné par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, le soutien à l’économie circulaire, à l’agriculture bio…
Tous les thèmes des écologistes trouvent donc naturellement écho dans le programme dessiné par Yannick Jadot, qui devrait être présenté officiellement le 11 janvier. Interrogé sur les rythmes de sortie du nucléaire, l’ancien dirigeant de Greenpeace a évoqué le calendrier concocté lors de l’accord entre le Parti socialiste et les écologistes en novembre 2011, soit la réduction de la part du nucléaire dans la production électrique à 50 % en 2025 et la fermeture progressive de vingt-quatre réacteurs, dont l’arrêt immédiat de la centrale alsacienne de Fessenheim.
Mais le champion écologiste, crédité de 2 à 4 % des intentions de vote dans les différents sondages de fin 2016, ne veut ni restreindre la portée de sa candidature, ni que celle-ci tombe dans la caricature. « Je n’ai pas envie d’être le candidat de la fin du monde, a déclaré Yannick Jadot. Que l’on ne nous raconte pas que l’écologie c’est le retour à la bougie, alors que s’il y a une idéologie, un programme qui a besoin de toutes les innovations, technologiques, sociales, financières pour bâtir le monde de demain, c’est bien l’écologie. »
« Godille électorale »
Ironique sur les conversions écologistes récentes de certains, comme l’ex-premier ministre aujourd’hui candidat à la primaire socialiste, Manuel Valls, M. Jadot s’impatiente quand on lui demande si l’écologie est de gauche. « Moi je me demande surtout comment être de gauche sans être écologiste ? », lance-t-il.
Pour autant, Yannick Jadot reconnaît les erreurs de l’écologie politique. « L’écologie a beaucoup souffert de ce quinquennat, on en sort totalement déstabilisé. Cela fait trop longtemps qu’on fait de la tactique, de la godille électorale », a-t-il déclaré à la cinquantaine de participants au petit-déjeuner de La Fabrique écologique, troisième invité après Nathalie Kosciusko-Morizet (Les Républicains) et Benoît Hamon (PS). « Il ne faut pas être obsédé par la politique nationale, l’écologie ce sont des militants qui mènent des batailles dans des associations, des élus de terrain. Mais on a eu tendance à penser qu’un secrétaire d’Etat aux carottes râpées était plus important que la mairie de Grenoble », a poursuivi Yannick Jadot, qui propose néanmoins la création d’un poste de « vice-premier ministre en charge de l’écologie, pour assurer la transversalité de la transition écologique, qui n’est pas qu’une question environnementale ».
Parmi les thèmes abordés longuement, le candidat écologiste est revenu sur les questions d’alimentation et d’agriculture, avançant la nécessité de changer de modèle et dénonçant la tentation de verdissement du productivisme agricole. « Au pays de la bonne bouffe, il est extraordinaire de lire chaque jour dans les journaux que notre alimentation est devenue suspecte », s’est-il inquiété.
Refusant, selon lui, de jouer sur les peurs, le candidat veut surfer sur l’engouement pour de nouveaux modèles, tels que le succès du film Demain l’a illustré. Mais, conscient que « les gens adorent Demain mais ne votent pas écolo », il prévient : « le sujet n’est pas d’inventer le monde de demain, car celui-ci est déjà là, mais il vit en marge des politiques publiques nationales ». Il faut donc l’ancrer dans la réalité des territoires et des choix de développement.
« Un monde d’addition des intérêts nationalistes »
Partisan d’une Europe solidaire, contre les replis nationalistes et le mondialisme dérégulateur, Yannick Jadot compte relocaliser les emplois par le développement des petites entreprises, des artisans, des coopératives. Il annoncera prochainement sa proposition de créer des « contrats territoriaux de transition écologique » qui, élaborés par les collectivités territoriales, l’Etat, les entreprises, les syndicats et les associations, permettront d’identifier toutes les formes de cette transition, de les organiser, notamment au niveau professionnel, et d’en assurer le financement.
La période actuelle est lourde de risques, analyse Yannick Jadot. « Avec Trump et Poutine, nous avons un nouveau monde de collaboration pour le pire, protectionnisme pour Trump et expansionnisme côté Poutine, un monde d’addition des intérêts nationalistes. Nous sommes près de la rupture, avertit l’écologiste, mais aussi près d’un basculement possible, positif. On ne doit plus penser l’infinité du marché mais la finitude de la planète. »
Convaincu que son discours répond à l’urgence de l’actualité, l’ancien de Greenpeace croit fermement possible de sortir l’écologie de la niche électorale dans laquelle celle-ci s’est installée.