A l’aéroport JFK à New York : « Où est passée notre démocratie ? Ce n’est pas mon pays »
A l’aéroport JFK à New York : « Où est passée notre démocratie ? Ce n’est pas mon pays »
Par Marie Bourreau (New York, Nations unies, correspondante)
L’application stricte du décret anti-immigration de Donald Trump a provoqué la plus grande confusion à l’aéroport new-yorkais.
La police de l’aéroport de New York tente d’empêcher des contre manifestants de pénétrer dans le bâtiment, après la mise en œuvre du décret anti-immigration de Donald Trump. | STEPHEN YANG / REUTERS
Toute la nuit, les yeux de Mariam sont passés du panneau des arrivées à l’écran de son téléphone portable. Le vol en provenance de Londres a atterri depuis plus de deux heures, mais le flot de passagers n’a toujours pas livré Farhad, son petit ami, dont elle n’a aucune nouvelle. Réfugié iranien, comme elle, il possède une carte verte. Mais il détient aussi l’une des sept nationalités visées par le décret antimusulman signé par Donald Trump vendredi 27 janvier.
Il est monté dans l’avion quelques heures à peine après la décision du nouveau locataire de la Maison Blanche, qui interdit pour trois mois l’entrée dans le pays pour les ressortissants iraniens, irakiens, libyens, somaliens, soudanais, syriens et yéménites. L’application stricte du décret par la police de l’immigration à l’arrivée aux Etats-Unis – y compris pour les ressortissants disposant de papiers valides – a provoqué la plus grande confusion dans les aéroports du pays. Sur les 325 000 passagers arrivés samedi 28 janvier aux Etats-Unis, 109 personnes auraient été retenues aux douanes sous la menace d’une expulsion vers leur pays d’origine a admis Sean Spicer, le porte-parole de la Maison Blanche sur la chaîne ABC. Finalement, 81 d’entre elles auraient obtenu l’autorisation de rentrer sur le territoire, selon le New York Times.
« Let them in!, let them in! »
La mobilisation a duré toute la nuit. Alors que les familles attendaient avec anxiété des nouvelles, au terminal 4 de l’aéroport JFK, une foule jeune et spontanée a convergé aux cris de « Let them in!, let them in! » (« Laissez les entrer !, laisser les entrer ! ») En quelques heures, environ deux mille personnes, qui s’étaient passé le mot sur des réseaux sociaux, ont envahi les trois étages du parking et la zone de dépose de passagers. Sur les panneaux brandis par les manifestants, des statues de la Liberté en larmes et des mots de bienvenue pour les réfugiés. « Nous sommes venus dire au monde que les Etats-Unis, ce n’est pas ça », s’insurge David, infirmier en pédiatrie, qui manifeste avec son compagnon. « Le rêve américain n’est pas mort. Nous devons encore y croire et prouver au monde que nous valons mieux que ces mesures racistes. »
Une étoile jaune barrée du mot « juive », Nancy rappelle que sa communauté est aux avant-postes de cette mobilisation « Nous ne laisserons jamais une telle chose se reproduire. Nous sommes tous des immigrés ici ! Cette nation existe parce que nous sommes là ! Nous serons extrêmement vigilants. Donald Trump est un autocrate. Et la première règle d’un autocrate, c’est de faire tout ce qu’il a promis de faire. Ce ne sont pas des mots en l’air… ce n’est pas juste de la rhétorique… » prévient-elle.
« Ce n’est pas mon pays »
En une semaine, Donald Trump « a mis K.-O. debout les défenseurs des droits civiques », s’inquiète Raphael, qui milite au sein de l’ACLU, une des principales associations de défense des libertés. « Où est passée notre démocratie ? Ce n’est pas mon pays. Je n’en reviens toujours pas ! Nous avons envoyé des militaires dans les pays arabes pour rétablir la démocratie. Et maintenant, cela se passe chez nous. Là, juste sous nos yeux, à New York. » s’insurge Raphael encore incrédule après cette folle semaine.
Au terminal 1, Mariam reçoit enfin une double bonne nouvelle. Une juge fédérale de l’Etat de New York a en partie bloqué dans la soirée l’application du décret de Donald Trump pour les titulaires de papiers en règle. Farhad peut enfin gagner la sortie, presque résigné. « Ce n’est pas un sentiment nouveau de ne pas être le bienvenu… En tant qu’opposant, j’ai dû fuir mon propre pays. Et maintenant, sans raison, je ne suis plus le bienvenu ici… c’est une disgrâce. Je suis dans les limbes des politiques internationales. »