TV : La fée empotée et l’ogre anorexique
TV : La fée empotée et l’ogre anorexique
Par Thomas Sotinel
Notre choix du week-end. Une fable hésitant entre la stylisation et la satire sociale, signée du duo Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri (dimanche 5, à 20 h 55, sur France 2).
Au bout du conte - Bande Annonce
Durée : 02:08
Difficile de savoir si c’est la faute à Facebook, ou si la phrase « C’est compliqué » se serait de toute façon imposée comme élément d’état civil. Entre marié et célibataire, parent et sans enfants, cette zone grise du « C’est compliqué » qui permet d’éluder les questions s’est étendue comme de la moisissure. Pour sortir de cette indécision, Agnès Jaoui s’est emparée de la plus simple (en apparence du moins) des formes de récit : le conte.
Avec son coscénariste Jean-Pierre Bacri, elle en a composé un entrelacs qui reprend toutes les figures de la vie intime – le mariage et la séparation, l’éducation des enfants, l’entrée dans l’âge adulte, l’arrivée de la vieillesse, la disparition. Il y aura plein de fois avant d’arriver au bout de ces contes, mais à la fin on pourra se retourner et discerner clairement le chemin parcouru, et la morale de l’histoire. Ce n’est pas si compliqué.
Sandro (Arthur Dupont) tient lieu de prince charmant, étudiant en musique très doué qui croise le chemin de Laura (Agathe Bonitzer), une princesse héritière dont le père (Didier Sandre) est probablement un roi cruel et trop aimant, et la belle-mère (Béatrice Rosen), une sorcière.
Agathe BONITZER (Laura) et Arthur DUPONT (Sandro) | THIERRY VALLETOUX / © Les Films A4 / La Cinéfacture / France 2 Cinéma / Hérodiade / Memento Films...
On croisera aussi une bonne fée un peu empotée, Marianne (Agnès Jaoui), comédienne à la peine qui gagne sa vie en mettant en scène des petits enfants dans les patronages, et Pierre (Jean-Pierre Bacri), ogre anorexique qui tente de faire peur aux autres pour qu’ils ne l’accablent pas de leur affection. Enfin, sur les chemins de la forêt, le loup a les traits de Benjamin Biolay. Si l’on possède bien son Perrault et son Grimm, on repérera les modèles originels qu’Agnès Jaoui met au service de sa vision du monde. Celle-ci n’a pas beaucoup changé depuis Le Goût des autres. Il s’agit, dans les histoires qu’écrivent Jaoui et Bacri, de cerner les travers de l’époque et de les jauger à l’aune d’une morale qui se veut à la fois stricte et généreuse.
Il est arrivé que le premier terme l’emporte sur le second. Au bout du conte penche du côté de la générosité et de la clémence. Les scénaristes ne croient bien sûr pas plus à la magie qu’à la religion (ils font aussi le portrait d’une jeune adolescente saisie d’un accès de foi catholique qui afflige ses parents), mais, ici, ils en reconnaissent la nécessité.
Au bout du conte, de et avec Agnès Jaoui, avec Jean-Pierre Bacri, Agathe Bonitzer, Arthur Dupont, Benjamin Biolay
(Fr., 2013, 112 min).