Après les débuts contrastés de Snapchat, le high-tech américain hésite à entrer en Bourse
Après les débuts contrastés de Snapchat, le high-tech américain hésite à entrer en Bourse
LE MONDE ECONOMIE
Introduit le 2 mars, le titre de Snap accuse une baisse de 15 % depuis le début de la semaine. Pinterest ou Dropbox attendent pour se lancer.
Les introductions en Bourse (IPO) du high-tech américain tardent à venir. Les débuts boursiers de Snap, jeudi 2 mars, représentent en effet « l’arbre qui cache la forêt », regrette un professionnel du secteur.
Après deux années moroses (seulement 21 opérations en 2016 et 28 en 2015, contre 62 en 2014), un rebond était pourtant espéré pour 2017. « Ce n’est pas le raz de marée que tout le monde attendait, poursuit ce spécialiste. Il a fallu attendre deux mois pour voir la première introduction. Et la situation ne semble pas près de s’arranger ».
« Risques significatifs »
Dans ce contexte, l’IPO de Snap était particulièrement attendue. Si elle a connu un excellent départ, l’action a, depuis, perdu plus de la moitié de ses gains initiaux. Introduit à 17 dollars (16,14 euros), le titre de la société de Venice Beach (Californie) avait entamé son premier jour de cotation à 24 dollars, et dépassé la barre des 29 dollars le lendemain. Depuis le début de la semaine, il accuse une chute de plus de 15 %. Mercredi 8 mars, il a clôturé à 22,81 dollars.
Cette chute s’explique en partie par un vaste mouvement de ventes à découvert de la part de traders pariant sur la baisse de l’action au cours des prochains mois. Mais elle montre aussi que la partie est encore loin d’être gagnée pour la maison mère de Snapchat, l’application qui permet d’envoyer des photos et des vidéos éphémères. Sur les huit analystes financiers qui suivent le titre, six recommandent de le vendre. Et pas un seul ne conseille de l’acheter.
En cause : un net ralentissement de la croissance du nombre d’utilisateurs et une aggravation des pertes (515 millions de dollars, soit 489 millions d’euros, l’an passé pour un chiffre d’affaires de 405 millions de dollars). « Il existe des risques significatifs sur l’activité, comme la concurrence agressive d’entreprises beaucoup plus grandes », souligne Brian Wieser, analyste chez Pivotal Research, qui a fixé son objectif de cours à 10 dollars.
Deux tests se profilent pour Snap. D’abord, la publication, fin avril, des résultats financiers du premier trimestre. Ensuite, le 31 juillet, quand une partie des investisseurs et des employés du groupe seront autorisés à vendre les actions qu’ils possèdent, ce qui provoque généralement des pressions à la baisse. En attendant, « il est peu probable que d’autres entreprises se précipitent pour entrer en Bourse », prédit Matthew Kennedy, du cabinet Renaissance Capital.
Si l’action de Snap parvient à se maintenir, cela pourrait ouvrir la voie à d’autres opérations. Parmi les prétendants figurent le réseau social Pinterest, qui a recruté fin 2016 un directeur financier, étape cruciale avant une IPO, le service de stockage en ligne Dropbox, qui attend la bonne opportunité depuis plusieurs années, ou encore la plate-forme suédoise de streaming musical Spotify. Les débuts boursiers d’Uber et d’Airbnb sont davantage anticipés pour 2018.
Mauvais signal
Profitant du bond des levées de fonds en 2014 et 2015, ces sociétés sont valorisées entre 8,5 et 68 milliards de dollars. Des niveaux qui pourraient être difficiles à justifier devant des investisseurs de Wall Street de plus en plus exigeants avec les pépites annoncées de la Silicon Valley. Fin 2015, Square, le spécialiste du paiement en ligne, s’était ainsi introduit en Bourse à prix cassé. Et Snap a fixé un prix d’introduction inférieur à ses espoirs.
Par ailleurs, ces groupes grand public ne constituent qu’une petite partie des candidats à une IPO, dont la majorité propose des services ou des logiciels aux entreprises. « Ces sociétés ont des valorisations très élevées et un modèle économique qui n’est pas très visible pour les investisseurs, note le même professionnel du secteur. Pour entrer en Bourse, elles vont devoir accepter des valorisations inférieures. A la place, certaines recherchent de plus en plus un acquéreur. »
Fin janvier, l’abandon à la dernière minute de l’IPO d’AppDynamics a donné un mauvais signal. L’éditeur, qui conçoit des outils d’analyse pour les développeurs d’applications, a préféré être racheté par Cisco pour 3,7 milliards de dollars, soit deux fois plus que la capitalisation qu’il visait lors de son introduction. Les marchés scrutent désormais l’entrée en Bourse de Mulesoft, qui devrait avoir lieu la semaine du 13 mars sur le New York Stock Exchange. « Elle pourrait être aussi importante que celle de Snap », juge M. Kennedy.
Et d’ajouter : « Plus le temps passe, plus ces sociétés développent leur activité et plus l’écart de valorisation [avant et après l’entrée en bourse] se réduit ». Problème : tout le monde ne dispose pas de la trésorerie nécessaire pour attendre le timing idéal. En effet, les levées de fonds auprès des traditionnels venture capitalists, les fonds de capital-risque, sont de plus en plus compliquées à mener.