Comment le programme de Benoît Hamon a pris des airs de campagne
Comment le programme de Benoît Hamon a pris des airs de campagne
Par Mathilde Damgé
Au-delà d’une constance indéniable sur ses thèmes majeurs, le candidat PS a multiplié les nouvelles promesses, au gré des opportunités et des actualités de la campagne.
Benoît Hamon, candidat PS à la présidentielle 2017, anime un meeting de campagne au palais des sports Saint-Sauveur, à Lille, mercredi 29 mars. | JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH-POLITICS POUR LE MONDE
Force est de reconnaître à Benoît Hamon une constance dans ses thèmes de campagne, en particulier sur les points clivants qui le distinguent de ses adversaires à la présidentielle. Taxe sur les robots, reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle, revenu universel… Mais le nombre et le contenu de certaines de ces propositions ont considérablement évolué en quelques mois. L’exemple du revenu universel est le plus flagrant : quand sa version initiale, présentée en septembre 2016, évoquait 600 euros par mois pour tous les majeurs, la dernière mouture, du 9 mars, limite le nombre de bénéficiaires et déduit les aides existantes du dispositif (et, le 30 mars, Benoît Hamon a évoqué sur France Info la possibilité d’un revenu universel à 400 euros).
Au crédit du candidat socialiste, lui et son concurrent à droite, François Fillon, ont tous deux dû dévoiler une première version de leur programme dès la fin 2016, avant les primaires imposées par leurs partis. La nécessité de se positionner sur des sujets apparus dans les derniers mois ou de réajuster des engagements s’est donc davantage imposée que pour des candidats dont la campagne était plus courte et moins contrainte.
« Réarbitrer » des engagements
L’équipe de Benoît Hamon expliquait déjà mi-mars qu’elle allait « réarbitrer » un certain nombre de promesses : « Certaines mesures ont pu être aménagées ou supprimées. En effet, notre programme n’est pas figé. Construit durant les primaires, affiné ces derniers mois, il a vocation à être encore enrichi par le travail mené grâce à nos référents thématiques, politiques et experts. »
Ce qu’a confirmé Benoît Hamon. Interrogé sur France Info sur le passage d’un tiers à une moitié de représentants des salariés dans les conseils d’administration des entreprises, l’ancien ministre frondeur a reconnu avoir « fait évoluer [ses] propositions à partir de dialogues avec les organisations syndicales ».
« Je considère que, quand les propositions qui sont faites apparaissent meilleures, il faut savoir faire évoluer ses propositions. »
De fait, il semble qu’experts et référents n’aient pas chômé sur l’évolution du programme : depuis le 12 janvier, lors du premier débat télévisé de la primaire, date à laquelle nous avons finalisé notre premier comparateur de programmes, il a énoncé pas moins de 217 nouvelles promesses de campagne, soit un total de 330 engagements au 25 mars.
Les Décodeurs
Autisme, domotique, zéro déchet, etc., on dénombre pas moins de vingt « plans » ambitionnés par le candidat Hamon (vingt et un si l’on inclut le grand plan de transition écologique qu’il veut impulser au niveau européen), soit quatre fois plus qu’il y a six mois. Cette inflation planificatrice est d’ailleurs l’une des manifestations du raffermissement du ton du candidat au fil de la campagne.
Autre facteur expliquant la multiplication des promesses : la prise en compte de certains thèmes qui étaient moins présents au lancement de la campagne, en septembre 2016. Le printemps a ainsi vu éclore sept nouvelles propositions concernant spécifiquement les agriculteurs (suite au Salon de l’agriculture), quatre concernant les femmes (Journée internationale des droits des femmes) et neuf engagements ont semblé répondre à l’affaire des emplois présumés de l’épouse et des enfants de François Fillon.
Le thème européen émerge aussi de façon plus structurée – tant sur le fond du programme qu’au niveau de la communication qui en est faite – en raison de l’implication de l’économiste Thomas Piketty dans la campagne et dans la foulée de l’élection du nouveau président du SPD en Allemagne, Martin Schulz, qui a offert le soutien de son parti à son homologue français.
Edulcoration et glissements sémantiques
Parallèlement à un renforcement du discours de Benoît Hamon, force est aussi de constater une édulcoration du programme officiel du candidat sur certains thèmes polémiques ou concernant certains engagements formulés de façon technique.
Ainsi, « un plan résolu de sortie du diesel à l’horizon 2025 » s’est transformé en « sortie maîtrisée du diesel à horizon 2025 pour les voitures neuves », quand la « brigade antidiscrimination » au sein de l’Etat subissait un glissement sémantique et prenait la forme du plus policé « corps de contrôle ».
« J’établirai une clé de répartition de l’accueil des demandeurs d’asile entre les pays membres de l’Union européenne en imposant la participation de tous les Etats membres en fonction de leur capacité », a pris un tour plus minimaliste, « je soutiendrai une révision du règlement de Dublin fondée sur les valeurs d’accueil et de solidarité entre les Etats de l’UE ».
L’équipe de campagne a beau affirmer que les engagements de décembre sont maintenus, la nouvelle formulation les rend tout de même moins engageants pour le candidat, a fortiori quand les anciennes ne sont plus consultables (le site a été remanié le 27 mars et seul le nouveau programme est désormais consultable).
Les propositions enregistrées en décembre sur le site ne sont plus consultables. | benoithamon2017.fr
Référendums et conférences
Plus notables, de véritables reculs ont été entérinés sur des points majeurs. C’est le cas, on l’a vu, du revenu universel, mais aussi de points décisifs de la VIe République, étendard du député des Yvelines. Par exemple, la définition du « 49.3 citoyen » (qui permet à 1 % du corps électoral d’imposer, soit qu’une proposition de loi soit examinée par le Parlement, soit d’en soumettre une à référendum), a été assortie de précautions, « sous condition de représentativité des signataires et de participation au scrutin et dans des domaines déterminés ».
Autres exemples, la reconnaissance du vote blanc et le droit de vote aux élections locales aux étrangers extracommunautaires seront désormais soumis à référendum – alors que le candidat s’engageait à l’origine à les mettre en œuvre une fois président.
Si la référence au « référendum » permet de prendre des distances avec certaines promesses, un autre élément de langage a fait son apparition, la « conférence » : conférence sociale pour statuer sur le revenu universel, conférence citoyenne qui se penchera notamment sur les promesses d’introduire de la proportionnelle aux législatives, d’instaurer un septennat unique, ou de limiter le cumul de mandant des élus dans le temps, ou encore des « conférences de consensus lorsqu’est établie l’existence d’un lourd impact écologique d’un grand projet d’investissement local ou national ».
Certes, l’équipe de campagne justifie certains élagages par la nécessité de s’adresser aux électeurs avec un tract synthétique, mais il est frappant de voir certains chiffrages disparaître de la communication officielle. Ont ainsi été emportés, avec les contraintes de l’argumentation à trois semaines du premier tour, les 5 milliards d’euros de budget participatif accordés aux « grands projets » des citoyens ou les 400 millions d’euros consacrés à la transition vers une politique agricole commune (PAC) plus « verte ».