Rugby : la justice saisie dans l’affaire Laporte
Rugby : la justice saisie dans l’affaire Laporte
Par Yann Bouchez, Adrien Pécout
A l’issue d’une enquête interne sur des soupçons de favoritisme, le ministère des sports va saisir le procureur de la République.
Bernard Laporte à Londres, le 25 septembre. / Paul Childs / Action Images via Reuters
Le feuilleton des soupçons de favoritisme concernant Bernard Laporte va désormais se jouer sur le terrain judiciaire. Les deux inspecteurs généraux de la jeunesse et des sports chargés d’enquêter sur les pressions que M. Laporte, président de la Fédération française de rugby (FFR), ont rendu leur rapport à Laura Flessel. La ministre des sports des sports a prévu de saisir le procureur de la République d’un article 40. Elle devrait envoyer un courrier, mardi 5 décembre, après en avoir informé le dirigeant.
Le ministère des sports avait ouvert une enquête interne, le 30 août, pour en savoir plus sur une possible intervention du patron de la FFR, afin de changer la décision de la commission d’appel en faveur de Montpellier. Patrick Lavaure et Martine Gustin-Fall, les deux inspecteurs généraux, ont auditionné une vingtaine de personnes impliquées dans ce dossier. D’après leurs conclusions, des doutes subsistent encore quant à la teneur d’un appel téléphonique de Bernard Laporte à Jean-Daniel Simonnet, le président de la commission d’appel de la FFR. Des pressions ont-elles été exercées ? Quelle a été influence de cet appel dans l’allégement des sanctions contre le club de Montpellier, dont le président, Mohed Altrad, était en relations d’affaires avec M. Laporte ?
Ces questions restent à éclaircir et ont poussé le ministère à solliciter le procureur de la République en vertu de l’article 40 du code de procédure pénale, selon lequel « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République ». Ils devront lui transmettre toutes les informations récoltées dans le cadre de leur mission.
Pressions sur la commission de discipline ?
Depuis août, M. Laporte a dû faire face aux révélations du JDD et de L’Equipe : le 30 juin, six mois à peine après son élection, le tout nouveau président aurait recommandé à la commission d’appel fédérale de réduire des sanctions prises en première instance par la commission de discipline de la Ligue nationale de rugby envers le Montpellier Hérault Rugby, notamment après le déploiement dans le stade de banderoles de supporteurs hostiles à la Ligue. Or, il se trouve que « Bernie » avait déjà signé auparavant un contrat personnel d’image avec l’entreprise de Mohed Altrad, patron d’une firme spécialisée dans le bâtiment et président du club montpelliérain. D’où les soupçons de favoritisme.
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Dans son édition du mercredi 18 octobre, L’Equipe révèle deux nouveaux éléments qui ajoutent au trouble. D’abord, la synthèse préparatoire rédigée où les juristes de la FFR livrent leurs préconisations, le 28 juin. Ce texte se destine aux trois juges chargés de l’affaire en appel. Ensuite, deux jours plus tard, la notification finale de la commission d’appel qui reprend sensiblement les mêmes éléments que la synthèse préparatoire.
A une différence près : à la sixième et dernière page du texte, un paragraphe de la notification finale invoque le bon comportement des spectateurs du stade de Montpellier en règle générale et précise que, « dans ces conditions, une forte amende assortie d’une suspension de terrain serait une mesure disproportionnée quand bien même cette suspension résulterait de la révocation d’un sursis. »
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Cette volte-face surprenante a entraîné un net allégement des sanctions prises en appel par la commission fédérale, qui a finalement abaissé l’amende à 20 000 euros et fait disparaître la suspension de terrain, alors que la commission de la LNR avait infligé en première instance 70 000 euros d’amende et une suspension du stade, qui avait déjà fait l’objet d’une première sanction en 2015.
Bernard Laporte nie tout favoritisme, mais il a renoncé à son contrat individuel avec Mohed Altrad qui devait lui rapporter 150 000 euros en échange d’au moins quatre conférences. Signé en mars, le contrat collectif de la FFR avec Mohed Altrad existe toujours, cependant : le logo du groupe est inscrit sur le maillot de l’équipe de France. Le groupe Altrad a également été associé à la candidature française à l’organisation de la Coupe du monde 2023, remporté par la France le 15 novembre.