Affaire Théo L. : des images de vidéosurveillance montrent l’interpellation du jeune homme
Affaire Théo L. : des images de vidéosurveillance montrent l’interpellation du jeune homme
La vidéo filmée à Aulnay-sous-Bois montre notamment que le pantalon du jeune homme n’a pas été baissé par les policiers mais que ceux-ci ont bien blessé Théo L.
L’interpellation violente de Théo L., filmée par les caméras de surveillance d’Aulnay-sous-Bois, le 2 février 2017. / Europe 1
Un an après les faits et l’affaire qui s’en est suivie, Europe 1 publie, lundi 29 janvier, l’enregistrement vidéo de l’interpellation de Théo L. (22 ans), le 2 février 2017, par quatre policiers de la brigade spécialisée de terrain (BST) à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), lors de laquelle le jeune homme a été gravement blessé par l’introduction de la matraque d’un policier dans son anus.
A la suite de cette interpellation, un médecin avait constaté une déchirure anale de dix centimètres et une perforation du colon, lui prescrivant soixante jours d’incapacité totale de travail (ITT). L’affaire avait très rapidement été médiatisée et pris une ampleur nationale, quelques mois après la mort d’Adama Traoré lors d’une interpellation policière à Beaumont-sur-Oise.
Un enregistrement vidéo éclaircissant
La vidéo montre d’abord Théo monter les marches et rejoindre quatre amis. Un premier policier arrive quelques instants plus tard face au groupe et leur demande un contrôle d’identité en les orientant vers un mur à l’abri de la caméra, alors que ses trois autres collègues peuvent être vus arrivant derrière le groupe en voiture.
Quelques instants plus tard, le contrôle d’identité dégénère et les quatre amis de Théo L. échappent aux policiers. Théo L., lui, apparaît aux prises avec trois policiers pendant que le quatrième tient à distance les quatre autres en les menaçant avec sa bombe de gaz lacrymogène.
Le jeune homme de 22 ans finit par tomber mais se débat et reçoit plusieurs coups de matraque dans le dos et sur la tête. Deux policiers finissent par lui plaquer les mains sur un muret et tentent de le menotter, ce que Théo L. refuse. C’est à ce moment précis que le policier à sa gauche utilise son bâton télescopique et lui porte un coup à l’anus, perforant son caleçon. Théo s’écroule immédiatement et est ensuite menotté par les forces de l’ordre.
Il apparaît que le pantalon de Théo L. n’a pas été baissé par les policiers, contrairement à ce qu’il avait d’abord affirmé, mais est tombé au cours de l’altercation. Une version que lui-même a finalement accréditée lors d’une audition le 3 mars 2017 par la juge. « Si tu ne serres pas ton pantalon avec le cordon, logiquement, il descend tout seul. Et puis je prends mes pantalons en XL, ce n’est pas ma vraie taille. (…) Quand l’un des policiers m’a attrapé, mon pantalon a glissé. Ils tiraient vers le bas quand même, mais je ne pense pas que c’était volontaire. Ils essayaient de me maîtriser. Et comme mon pantalon n’était pas bien attaché, il tombait », a-t-il ajouté. « Comme je vous l’ai dit, la première audition, je n’étais pas en état », s’est défendu le jeune homme, précisant que la commissaire avait insisté pour qu’il témoigne et qu’il n’avait pas relu le procès-verbal.
Pour le reste, le témoignage de Théo L. correspond aux enregistrements vidéos de l’interpellation. Après qu’il a été menotté, on peut voir l’altercation se poursuivre hors du champ des caméras municipales, le long du mur où les cinq jeunes ont été confrontés au contrôle d’identité, selon un document amateur publié par Le Parisien, avant que les quatre agents ne l’emmènent dans leur voiture.
Le doute persiste sur l’existence de la volonté de pénétration
Confronté à la vidéo dans le bureau de la juge d’instruction, le policier auteur du coup de matraque ayant blessé Théo L. a reconnu son geste mais nie toute intention de pénétration, ajoutant avoir voulu frapper les jambes, alors même qu’un de ses collègues se trouvait toujours à terre, entre les jambes du jeune homme à ce moment-là.
Deux formateurs de police dont l’expertise a été requise pour l’enquête estiment que le geste peut s’expliquer par « la volonté du policier d’exercer un point de pression au niveau des parties charnues des fesses », geste préconisé « pour créer une déstabilisation physique et maîtriser le récalcitrant ». L’un d’eux estime que le policier « n’avait ni la capacité, ni l’intention de percuter une zone aussi précise que l’anus ».
L’enregistrement vidéo de l’interpellation violence de Théo L. montre un policier (à gauche du jeune homme) lui porter un coup de matraque dans les fesses, le blessant gravement. / Europe 1
Dans le rapport de l’inspection générale de la police nationale, les enquêteurs considèrent pour leur part que « l’élément intentionnel pouvant caractériser le viol [n’est] pas établi ». « C’est un coup destiné à faire mal, pour l’obliger à lâcher prise. (…) Il a provoqué une blessure épouvantable, mais pour nous, il n’y a ni volonté de viol ni volonté d’humiliation », a confié un enquêteur de l’IGPN à Europe 1.
Des conclusions que la juge d’instruction n’a pas retenues. Les quatre policiers ont été mis en examen : trois pour violences volontaires en réunion et un pour viol aggravé. L’administration a depuis décidé de réintégrer trois d’entre eux. L’un dans une autre commune de Seine-Saint-Denis, un second en province, tandis que le troisième a depuis quitté les forces de l’ordre pour changer de profession.