« Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté d’aller au bout de ses réformes »
« Emmanuel Macron a réaffirmé sa volonté d’aller au bout de ses réformes »
Après l’interview d’Emmanuel Macron par Jean-Pierre Pernaut à 13 heures sur TFI, jeudi 12 avril, Nicolas Chapuis, chef du service politique du « Monde » a répondu aux questions que se posent les internautes et analysé l’intervention du chef de l’Etat.
Nicolas Chapuis, chef du service politique du Monde, a répondu aux questions des internautes autour de l’intervention d’Emmanuel Macron sur TF1 au journal de 13 heures.
Florian : Dans cet entretien, Emmanuel Macron parle beaucoup « d’effort » à faire. Est-ce encore audible alors que cela fait plus d’une décennie que ce terme revient régulièrement dans la bouche des personnes au pouvoir ?
Nicolas Chapuis : En effet, le mot est revenu plusieurs fois dans la bouche du président de la République. Parfois, c’était pour en demander (par exemple pour les retraités), parfois c’était au contraire pour assurer qu’il ne demandait pas « d’effort » supplémentaire (pour les cheminots). De manière générale, le chef de l’Etat a essayé d’adopter l’attitude d’une personne qui « entend » les problèmes des Français, notamment ceux qui vivent dans des zones rurales, qui « entend » les inquiétudes. Mais sur la plupart des sujets, il a réaffirmé sa volonté d’aller au bout de ses réformes.
DidierK : A propos de la dette de la SNCF : « La dette ? Elle sera pour partie progressivement reprise, à mesure que les réformes le sont. L’Etat va en prendre une partie ». A-t-on une idée du montage imaginé ?
Cette partie de l’interview n’était en effet pas très précise. C’est une petite avancée. Il reconnaît que le passage en société par actions implique une reprise de la dette. Notre spécialiste des transports, Eric Béziat, explique que le chiffre communément admis est celui de 35 milliards d’euros au minimum pour que le ratio d’endettement de l’entreprise soit compatible avec ce type de société. Mais nous n’avons pas plus d’information sur les modalités.
Olive : Comment les propos du président sur la réforme de la SNCF (pas de privatisation, maintien du statut pour les agents en place) vont-ils être accueillis par les différentes organisations syndicales et, plus généralement, par les cheminots ?
Si le ton se voulait conciliant, rien n’a changé sur le fond du discours. Il ne devrait donc pas avoir d’effet sur les négociations.
F1spirit : A-t-il parlé du mouvement étudiant en cours ?
Oui, à la toute fin de l’émission et de manière assez rapide. Il en a limité la portée, considérant qu’une infime partie des établissements est concernée. Il a également eu cette formule sur la tenue des examens : « Les étudiants doivent comprendre, s’ils veulent leurs examens, qu’ils doivent les réviser, car il n’y aura pas d’examen en chocolat dans la République. »
Noux : Aucune question sur la loi asile et immigration… ?
Non. Alors que le texte est étudié à l’Assemblée nationale (et qu’une partie du groupe de députés LRM renâcle), ce point n’a pas été abordé. Gageons qu’il le sera largement lors de la prochaine intervention du chef de l’Etat, interviewé dimanche soir par Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel sur RMC, BFM-TV et sur le site de Mediapart.
W : Macron a fait pas mal de pédagogie, et n’a pas particulièrement rendu de coups à ses opposants politiques. Peut-on supposer que dimanche prochain sera nettement plus politique ?
Le ton de l’interview y est pour beaucoup. Jean-Pierre Pernaut a dès le début beaucoup insisté sur la colère des usagers de la SNCF face à la grève. En miroir, Emmanuel Macron s’est presque retrouvé à défendre les cheminots, en expliquant que ce ne sont « pas des privilégiés ». Sur la loi travail, le reportage de TF1 montrait un patron d’entreprise qui demandait que la loi aille encore plus loin dans la baisse des charges, à l’opposé des revendications des syndicats par exemple. On peut parier qu’Edwy Plenel ne prendra pas cet angle-là dans ses questions dimanche… Le chef de l’Etat était venu sur TF1 pour ajouter un verbe à sa rhétorique habituelle : « unir ». Il a donc passé l’émission à expliquer qu’il entendait les critiques, même si sur le fond il n’entend pas bouger ou alors seulement à la marge.
Plouf : Je n’ai pas entendu parler du ruissellement ? La suppression de l’ISF a t-elle été évoquée ?
Non le chef de l’Etat n’a pas repris la rhétorique du ruissellement mais en revanche il a repris son expression des « premiers de cordée », pour la préciser : « Il faut qu’on mène ceux qui réussissent à réussir mieux et plus vite. Sinon ils s’en vont ailleurs. Mais ces premiers de cordée doivent aider le pays, en investissant ici, en embauchant ici. » Dans sa volonté d’adoucir l’effet de cette expression qui avait provoqué quelques émois, le chef de l’Etat s’est même emmêlé dans ses métaphores… « Certains pensent que pour que la cordée tienne il suffit que les premiers galopent. Ce n’est pas vrai. »
Seb : L’entretien est-il une réussite pour Emmanuel Macron ?
C’est toujours très difficile de répondre à cette question que vous êtes nombreux à poser. Ce serait à vous de nous le dire : par définition l’entretien est réussi si les téléspectateurs sont convaincus. Ce qu’on peut dire c’est que le président était venu avec plusieurs objectifs.
Le premier était manifestement de faire passer le message qu’il n’est pas sourd aux inquiétudes qui montent dans la société, alors qu’une partie de l’électorat populaire décroche dans les études d’opinion. Mais s’il a répété à plusieurs reprises qu’il entendait les Français, s’il a refusé de critiquer les cheminots ou ceux qui s’opposent à ses réformes, il n’a sur le fond rien cédé.
Le second message était de rajouter à son mantra « Libérer et protéger » un troisième verbe : « unir ». Il semble s’inquiéter d’éventuelles fractures dans la société française, entre urbains et ruraux, riches et pauvres, retraités et actifs… qui seraient créées par sa politique.
Le troisième message était plus sous-jacent. Il a laissé entendre que si certains pouvaient penser que le volet « protection » était moins visible que les mesures d’économies ou de libéralisation, il ne serait pas oublié à l’avenir et que les Français devaient être un peu patients. D’une certaine façon, il admet que le « en même temps » ressemble quand même beaucoup à un « l’un après l’autre ». Hollande avait expliqué que son quinquennat se déroulerait en deux phases avec une deuxième consacrée à la redistribution après avoir réalisé les efforts dans la première. On n’en est pas si loin.
Mariedith : Qu’a écrit le président aux enfants de l’école sur la feuille blanche ?
TF1 a montré la photo du mot sur Twitter : « Merci beaucoup pour votre accueil dans cette superbe classe. Je compte sur vous pour bien apprendre et demain prendre votre part de notre beau pays. Amitié. »