De qui Macron est-il le nom ?
De qui Macron est-il le nom ?
Par Françoise Fressoz
Dans sa chronique, Françoise Fressoz analyse « Macron président, la fin de l’innocence », documentaire diffusé lundi 7 mai sur France 3.
Inédit et inclassable. Pour se faire élire président de la République, le 7 mai 2017, Emmanuel Macron avait joué à fond la carte de la rupture et de la nouveauté en creusant, accompagné d’une solide baraka, les failles d’un système politique à bout de souffle. Installé depuis un an à l’Elysée, le chef de l’Etat continue de revendiquer sa singularité, évite toute référence à ceux qui l’ont précédé, omet même de définir ce qu’est le macronisme. Mais dans le documentaire « Macron président, la fin de l’innocence », réalisé par le président de La Chaîne parlementaire, Bertrand Delais, et diffusé lundi 7 mai sur France 3, il en dit suffisamment sur son rapport à la fonction et sur sa vision du pays pour que deux noms remontent immédiatement à la surface : il y a du Valéry Giscard d’Estaing et du Charles de Gaulle en lui.
Avec le premier qui entra à l’Elysée en 1974 à l’âge de 48 ans, Emmanuel Macron partage la jeunesse, la tête bien faite, un profil d’inspecteur des finances et surtout une immense ambition, celle de ne pas simplement réformer le pays mais de le transformer en profondeur. Je réformerai sans relâche jusqu’à « transformer le réel », dit en substance le président de la République et cela suppose non seulement d’enchaîner les projets mais de faire en sorte que les mentalités évoluent, que « quelque chose de l’esprit change » Les conditions de son élection – être parvenu à rassembler sur son nom la droite et la gauche modérées acquises à la mondialisation – lui font caresser l’ambition de reprendre ce que n’avait pas pu réaliser son lointain prédécesseur : rajeunir, décrisper, fluidifier le fonctionnement de la société française à partir du postulat que l’individu est un être social responsable auquel l’État doit offrir les conditions de son épanouissement.
« Une histoire d’absolu »
Cela suppose d’atténuer les tensions sociales, de rendre de l’optimisme au pays, d’insuffler, sans le clamer, la dose de libéralisme que la France peut supporter et de repenser les rapports sociaux. Au bout d’un an, le ministre de l’économie Bruno le Maire tente de redéfinir l’utilité sociale de l’entreprise exactement comme avait tenté de le faire, en vain, Michel Durafour, le ministre du travail de « VGE » en 1976 à travers le rapport Sudreau.
Mais Emmanuel Macron emprunte également beaucoup au général de Gaulle dans sa façon de lier intimement l’Histoire avec un grand H et la politique, d’entremêler la politique extérieure et les affaires internes. Les réformes qu’il mène dans l’hexagone découlent directement de la vision qu’il a du rôle de la France en Europe et de sa place dans le monde. Il s’agit de renouer avec la grandeur passée, de faire vibrer « la voix » de la France, comme si l’incantation et la projection extérieure étaient le meilleur remède au défaitisme et au déclinisme. D’où l’ambition proclamée du chef de l’Etat de changer l’Europe. Ou encore son discours prononcé le 25 avril devant le congrès américain, quelques heures après sa rencontre avec Donald Trump, et qui était un rappel historique des valeurs partagées : « liberté, tolérance, égalité des droits ».
Du documentaire diffusé lundi 7 mai restera la longue tirade présidentielle contre le risque de voir le pays réduit « à un syndic de copropriété », une assemblée « de petit-bourgeois » alors que la France c’est tellement plus que cela : « une histoire d’absolu, un amour de la liberté au-delà de tout, une volonté d’égalité réelle ». Évidemment, le risque c’est d’en faire trop, de porter symboliquement la France à un niveau de puissance qu’elle n’a plus. Mais si Emmanuel Macron reconnaît sa part de risque, il semble résolument croire en sa bonne étoile. Et là, ce n’est plus à Giscard, ni à de Gaulle, qu’il fait penser mais à Bonaparte.
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