Le Bangladesh coupe l’internet mobile pour réprimer les manifestations étudiantes
Le Bangladesh coupe l’internet mobile pour réprimer les manifestations étudiantes
Le gouvernement tente de maîtriser les manifestations étudiantes qui ont éclaté dans le pays pour réclamer une meilleure sécurité routière après la mort de deux jeunes percutés par un bus.
Des étudiants bangladais manifestent à Dacca, samedi 4 août, pour le septième jour consécutif. / MUNIR UZ ZAMAN / AFP
L’internet mobile a été coupé dans de vastes territoires du Bangladesh, ont annoncé dimanche des responsables et médias locaux, alors que les autorités tentent de réprimer des manifestations d’étudiants qui durent depuis une semaine et ont dégénéré en violences.
Les services Internet 3G et 4G ont été coupés pour 24 heures depuis samedi soir, a rapporté le journal à plus grand tirage du pays, Prothom Alo, après que 115 étudiants ont été blessés lors de heurts avec la police qui a tiré des balles en caoutchouc en direction de manifestants. Au cours de la semaine écoulée, des milliers d’étudiants ont bloqué une partie de la capitale Dacca pour réclamer une meilleure sécurité routière après la mort de deux jeunes percutés par un bus qui roulait trop vite.
Les réseaux sociaux étaient inondés de messages de Bangladais dans l’impossibilité de se connecter à Internet via leurs téléphones portables, tandis que des réseaux sans fil et câblés ne semblaient pas affectés. Le directeur de la Commission bangladaise de régulation des télécommunications (BTRC) a déclaré que celle-ci avait été informée d’une « décision » en ce sens du gouvernement, sans préciser ce que le gouvernement avait exactement exigé. « La BTRC a ralenti le fonctionnement d’Internet », a déclaré de son côté un responsable des télécommunications, qui a requis l’anonymat. Cette décision vise à essayer de limiter la capacité de mobilisation des étudiants.
« Nous voulons des routes sûres »
Selon des témoins, la police avait tiré samedi des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes en direction des manifestants, et des milices pro-gouvernementales avaient aussi attaqué les manifestants, y compris des personnes fuyant vers les hôpitaux voisins pour y recevoir des soins. « Nous nous sentons tous en danger, ici. Nous voulions une manifestation pacifique. Nous ne voulons pas de problèmes. Pourtant, des balles de caoutchouc ont été tirées sur nos frères », a raconté un étudiant, Sabbir Hossain.
La police a nié avoir tiré en direction des manifestants. De son côté, le ministre des transports, Obaidul Quader, avait rejeté des accusations selon lesquelles des membres du parti au pouvoir ont attaqué les étudiants.
Le gouvernement du Premier ministre Sheikh Hasina, au pouvoir depuis 2009, fait face depuis plusieurs mois à d’importantes manifestations de citoyens réclamant la fin du système de recrutement du service public, vieux de plusieurs décennies et jugé discriminatoire. Redoutant que le mouvement étudiant ne se transforme en manifestations antigouvernementales avant les élections législatives prévues plus tard dans l’année, plusieurs ministres influents ont enjoint les étudiants de retourner en classe, sans succès.
Dès samedi matin, ils étaient des milliers de jeunes, vêtus d’uniformes scolaires, à défier la pluie pour bloquer les principales intersections de la capitale. Des adolescents parfois âgés de 13 ans ont été vus sur les routes fréquentées de Dacca en train de vérifier si les conducteurs de bus et de voitures avaient des permis en règle et si les véhicules étaient en état de circuler.
Des étudiants bangladais bloquent un carrefour à Dacca, jeudi 2 août 2018, pour protester contre l’insécurité routière chronique du pays. / A.M. Ahad / AP
« Nous ne nous arrêterons pas tant que nos demandes ne seront pas satisfaites. Nous voulons des routes sûres et des conducteurs prudents », expliquait un manifestant, Al Miran. La colère de ces jeunes a explosé après la mort, le week-end dernier, d’une fille et d’un garçon, renversés par un bus qui roulait à vitesse excessive.
Au Bangladesh, le secteur des transports est largement considéré comme corrompu, non réglementé et dangereux. La nouvelle de la mort des deux jeunes, qui s’est rapidement répandue sur les réseaux sociaux, a provoqué une colère générale. Face au blocage, le ministère de l’Éducation avait fermé les lycées jeudi 2 août, espérant apaiser les troubles, et promis aux adolescents de prendre en compte leurs requêtes sur la sécurité routière.