Kevin Mayer : « Je ressens le manque de décathlon »
Kevin Mayer : « Je ressens le manque de décathlon »
Propos recueillis par Anthony Hernandez
Après son échec des championnats d’Europe, le champion du monde du décathlon a décidé de tourner la page en participant au décastar de Talence mi septembre. Il revient sur sa désillusion berlinoise.
Kevin Mayer a déjà digéré la déception de son échec lors des championnats d’Europe à Berlin. / Matthias Schrader / AP
Comment digérer l’échec lorsque l’on est habitué à gagner ? À Berlin, lors des derniers championnats d’Europe, le décathlonien Kevin Mayer a subi une grosse désillusion en manquant complètement la deuxième des dix épreuves, le saut en longueur. Grand favori, le champion du monde a abandonné. Quelques jours plus tard, l’athlète français a repris l’entraînement et se prépare pour le décastar de Talence les 15 et 16 septembre.
Votre mésaventure berlinoise vous a-t-elle privé de vacances ?
Je fais les vacances que j’avais prévues initialement mais avec beaucoup plus d’entraînement et beaucoup moins de loisirs. Mentalement, je suis quelqu’un qui passe très vite à autre chose. Je ne pense pas beaucoup au passé. Tout ça est clairement derrière moi et je me suis déjà fixé d’autres objectifs.
Cela a dû être compliqué pendant quelques jours…
Oui, c’est sûr que depuis un an les championnats d’Europe étaient mon objectif. J’ai pris un coup de massue derrière la nuque. Au bout de trois à quatre jours j’ai réussi à relativiser et à passer à la suite.
Vous vous êtes excusé auprès du public. Normalement, ce sont plutôt les footballeurs qui s’excusent après une défaite auprès des supporteurs de leur club. Quel rapport avez-vous avec votre public ?
Je suis assez proche de mon public et très actif sur les réseaux sociaux. Je donne beaucoup et je montre par exemple mes entraînements. Je reçois énormément de messages de soutien. Bien sûr, je fais ce sport en priorité pour moi mais je sens l’attention que les gens portent à ma carrière et du coup ça m’a déçu pour eux qu’ils n’aient pas plus de spectacle que ça.
Revenons sur ce concours de la longueur. Étiez-vous trop fort, trop rapide ce jour-là ?
C’est ça, mes sensations étaient différentes de d’habitude. Je n’ai pas su les gérer. C’est très bon signe car on a travaillé énormément la longueur cette année. On s’est rendu compte qu’il fallait donner tout l’engagement possible, sinon on ne saute pas loin. Avec le surplus de forme, je n’ai pas retrouvé mes réglages et ça s’est retourné contre moi.
Il n’y avait vraiment pas la possibilité d’assurer ?
Si et j’ai essayé. ; J’ai reculé d’1 mètre et j’ai regardé la planche pour essayer de ne pas mordre lors du troisième essai. Mais il y a plus de vent et reculer n’a servi à rien. J’ai tout fait pour ne pas mordre et ce n’est pas passé.
Est-ce parce que vous aviez le record du monde en tête que vous avez préféré abandonner ?
Je n’avais pas le record en tête même si certaines personnes m’en parlaient. J’étais tout simplement en forme et je ne pouvais pas changer tous mes repères. Le problème n’était pas de continuer ou pas. J’ai tellement pris un ascenseur émotionnel que je ne pouvais plus. Mon corps ne répondait plus. On a discuté avec mon entourage pour savoir si je poursuivais. Mes jambes tremblaient et j’aurais fait de mauvaises performances.
Cette année, vous n’avez donc réalisé aucun décathlon. Ressentez-vous un manque presque physique ?
Je m’entraîne pour ça. C’est pour ça que je participe au décastar, en raison de cette grande frustration de ne pas avoir pu m’exprimer. J’espère pouvoir le faire à Talence. Dès que la déception est passée, j’ai retrouvé l’envie de retourner sur les stades d’entraînement. Je sais que beaucoup m’en ont voulu pour cet abandon. C’était un choix de raison.
Berlin est-il un rappel à l’ordre ou une expérience positive pour l’avenir ?
Il s’agit d’un rappel à l’ordre positif. Je commençais à être blasé de faire des décathlons. Tout s’enchaînait bien pour moi ces dernières années. C’est vrai que ce petit coup de poignard dans le dos m’a fait prendre conscience que j’avais besoin du décathlon. Je ressens ce manque et ça me motive encore plus.
Vous organisez dimanche une initiation au décathlon ouverte au grand public sur la plage de Saint-Jean-de-Monts. N’avez-vous pas peur de vous faire chambrer ? Plus sérieusement, est-ce important de retrouver aussi vite son public ?
Écoutez, je ne suis pas connu pour ne pas avoir de répartie (Rires). Non, je n’ai pas du tout peur. Les gens viennent pour partager le décathlon. C’est sûr que cela aurait été mieux pour mon événement de faire un résultat à Berlin mais bon on a rempli les inscriptions en un jour… Beaucoup de personnes m’envoient des messages à propos de ça. La journée va être belle.
L’année prochaine, les Mondiaux auront lieu à Doha du 29 septembre au 6 octobre. Allez-vous comme vous en avez pris l’habitude ne faire qu’un décathlon, celui des Mondiaux, ou pensez-vous en réaliser un deuxième ?
Honnêtement, je n’ai pas encore décidé. Je termine ma saison 2018 tard avec le décastar qui n’était pas prévu (15 et 16 septembre). L’an prochain, le décastar sera programmé fin juin à cause des Mondiaux décalés. C’est une période intéressante pour moi. Il est certain que j’y serai mais je ne sais pas le nombre d’épreuves sur lesquelles je m’alignerai. Une chose est certaine, plus on vise haut, plus on fait attention aux blessures. Un décathlon à très haut niveau est traumatisant mentalement et physiquement.