Les doutes des journalistes américains à propos de Twitter
Les doutes des journalistes américains à propos de Twitter
Par François Bougon
Outre-Atlantique, de plus en plus de figures de la presse dénoncent l’agressivité qui règne sur le réseau social. Certaines n’ont pas hésité à le quitter.
Maggie Haberman, correspondante du « New York Times » à la Maison Blanche, a annoncé en juillet qu’elle ne tweeterait plus qu’en cas de forte actualité. Pour elle, le réseau social est désormais envahi par « la méchanceté ». / Bryan Bedder / AFP
Une certaine fatigue semble avoir gagné les journalistes américains présents sur Twitter, où règnent en maître le président Donald Trump et ses imprécations incessantes – près de 40 000 Tweet et plus de 54 millions d’abonnés. Il y a quelques années, le réseau social était vu comme une planche de salut pour une presse traditionnelle bousculée par Internet, en quête d’audience et de renouveau. On parlait d’« engagement » avec le public. Le participatif était mis à toutes les sauces. Bref, Twitter était le lieu où il fallait être pour tout reporter ne voulant pas rater le train de la révolution numérique.
Ces derniers temps, cependant, plusieurs défections ont marqué les esprits. En juillet, la correspondante du New York Times à la Maison Blanche, Maggie Haberman, a annoncé, après « presque neuf ans et 187 000 Tweet », qu’elle ne tweeterait plus qu’en cas de forte actualité et pour signaler ses articles. Dans un texte publié par son journal, elle s’est expliquée plus longuement qu’en 140 signes (la taille d’un Tweet).
« Jeu vidéo de la colère pour de nombreux usagers »
« Twitter a cessé d’être le lieu où je pouvais apprendre des choses que je ne savais pas, glaner des informations sans erreur sur une grosse actualité ou m’engager dans une discussion et avoir raisonnablement confiance dans le fait que les critiques des gens étaient de bonne foi », a-t-elle expliqué. Pour elle, le réseau social est désormais envahi par « la méchanceté », la « colère partisane toxique », la « malhonnêteté intellectuelle » et le « sexisme ». C’est devenu un « jeu vidéo de la colère pour de nombreux usagers »,« un énorme et inutile gaspillage de temps et d’énergie mentale ».
D’autres ont fait un choix plus radical : quitter purement et simplement Twitter et ses gazouillis délétères. A l’image de Jay Caspian Kang, qui travaille pour le magazine du New York Times et le site Vice News. Lui a supprimé son compte sans fournir d’explications. Le patron du réseau social, Jack Dorsey, a répondu en personne – sur Twitter bien sûr – à Maggie Haberman. A cette dernière, qui s’inquiétait du fait que la plate-forme était un endroit où la nuance et les « discussions sérieuses » n’avaient pas leur place, il a répondu : « C’est ce que nous aimerions le plus corriger. »