« A la recherche d’Ingmar Bergman » : bazar raisonné
« A la recherche d’Ingmar Bergman » : bazar raisonné
Par Jacques Mandelbaum
La réalisatrice Margarethe von Trotta brosse un portrait sans vraie perspective du cinéaste suédois, né il y a cent ans.
S’il est une chose qu’il serait souhaitable d’épargner à Ingmar Bergman, c’est bien un centenaire (l’homme est né le 14 juillet 1918 à Uppsala, en Suède). Figure canonique du cinéma d’auteur, monument d’un art auquel il a légué le continent de l’exploration intérieure, Bergman, déjà statufié de son vivant, aspirerait sans doute à se passer, mort, du prurit commémoratif. Ce documentaire qui lui est aujourd’hui consacré n’en est pas moins la première pierre posée pour une démonstration de force qui culminera au mois de septembre avec l’intégrale de son œuvre projetée à la Cinémathèque française.
S’il faut, en vérité, se réjouir de ces initiatives qui saluent à juste raison un génie du cinéma, force est d’admettre qu’un document comme celui qu’on nous propose aujourd’hui, sans être dénué d’intérêt, tombe précisément dans les travers de l’hommage de circonstance. A la recherche d’Ingmar Bergman ne trouve en effet rien que l’amateur éclairé ne sache déjà. C’est sans doute que son auteure, l’actrice et réalisatrice allemande Margarethe von Trotta, qui l’a connu, ne s’est résolue à rien d’autre que de faire le tour de la montagne, tâche immense, sans doute, mais dénuée de perspective et condamnée à ressasser les vérités premières.
« Il ne m’a jamais manqué »
Point de vue personnel, témoignages de proches, de collaborateurs ou de critiques, extraits de films, extraits d’entretiens avec l’auteur, archives d’époque, tout y est en termes de méthode exploratoire, mais rien n’est vraiment interrogé ni creusé, les filets ne nous ramènent qu’un condensé de l’histoire officielle, où l’anecdotique voisine avec l’analyse cinéphilique. Les chefs-d’œuvre tant classiques que modernes (du Septième Sceau à Fanny et Alexandre), le génie de la direction d’acteurs, le rapport névrotique aux femmes et à la famille, la personnalité difficile.
Dans ce bazar raisonné, certains témoignages claquent néanmoins, tels celui de Daniel Bergman, fils du metteur en scène et de la pianiste Käbi Laretei. Agé de 55 ans, fils de deux grands artistes dévorés par leur art, et particulièrement d’un père insoucieux de sa descendance, Daniel, qui garde un souvenir amer de son enfance, a malencontreusement choisi de faire le même métier que son père, qui l’autorise à dire de lui : « Depuis sa mort, il ne m’a jamais manqué. » Ce personnage, poignant, pourrait faire l’objet d’un film à part entière. On aurait aimé que celui dans lequel il figure suggère avec une égale force de conviction pourquoi Ingmar Bergman manque à tant de gens.
A la recherche de Ingmar Bergman - Bande-Annonce
Durée : 01:31
Documentaire de Margarethe von Trotta (1 h 40). Sur le Web : www.epicentrefilms.com/A-la-recherche-de-Ingmar-Bergman--Searching-For-Ingmar-Bergman--Margarethe-von-Trotta