Affaire Khashoggi : le Sénat inflige un désaveu à Donald Trump
Affaire Khashoggi : le Sénat inflige un désaveu à Donald Trump
Par Gilles Paris (Washington, correspondant)
Les sénateurs américains ont envoyé mercredi le signal fort qu’ils souhaitent punir l’Arabie saoudite pour son rôle dans le meurtre du journaliste. Un camouflet pour le président des Etats-Unis.
Le roi Salman remet une médaille d’honneur à Donald Trump, en 2017. / Evan Vucci / AP
Donald Trump a essuyé un véritable désaveu au Sénat sur le dossier saoudien, mercredi 28 novembre. Une nette majorité de démocrates et de républicains (63 voix contre 37) s’est prononcée en faveur d’un examen en séance plénière d’un projet de résolution visant à couper l’aide militaire américaine dont bénéficie l’Arabie saoudite dans la guerre qu’elle conduit au Yémen. Cette résolution, soutenue initialement par le sénateur républicain Mike Lee (Utah) et par l’indépendant Bernie Sanders (Vermont) avait échoué il y a six mois à recueillir les voix nécessaires.
L’affaire Jamal Khashoggi, et le soutien sans nuances apporté par Donald Trump au prince héritier Mohammed Ben Salman, ont fait se raviser un nombre significatif d’élus républicains. Le prince est en effet considéré par le renseignement américain, selon la presse, comme l’instigateur de la disparition du dissident au consulat saoudien à Istanbul, en Turquie. Le président a mis en avant des contrats d’armement et l’ancienneté de l’alliance avec Riyad pour se justifier.
Sourde oreille
Dans la matinée, le secrétaire d’Etat Mike Pompeo et son homologue à la défense, James Mattis, s’étaient pourtant efforcés de convaincre les sénateurs de renoncer à une initiative jugée inopportune. Une tentative cependant d’autant plus mal reçue que la directrice de la CIA, Gina Haspel, avait renoncé pour sa part à se rendre au Sénat, au vif mécontentement des élus.
Gina Haspel est officiellement la seule responsable de l’administration de Donald Trump à avoir écouté les enregistrements relatifs à l’assassinat de Jamal Khashoggi, résident américain et chroniqueur du Washington Post, qu’assure détenir la Turquie. La veille, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, avait affirmé devant la presse de la Maison Blanche n’avoir pas jugé nécessaire d’en prendre connaissance au motif qu’il ne comprend pas l’arabe.
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Résolution symbolique
Dans une tribune publiée par le Wall Street Journal, le patron de la diplomatie américaine avait pourtant défendu avec force les arguments avancés par Donald Trump pour expliquer sa mansuétude vis-à-vis d’un prince qui a multiplié les décisions controversées depuis son accession aux plus hautes responsabilités du royaume.
Mike Pompeo avait lourdement insisté sur l’importance de la relation avec Riyad dans le contexte des tensions avec l’Iran. Devant les sénateurs, le secrétaire d’Etat a mis en avant le rôle jugé modérateur des Etats-Unis dans une guerre à l’origine d’une crise humanitaire et sanitaire probablement sans guère de précédent dans la région.
La résolution du Sénat reste pour l’instant symbolique compte tenu du peu d’intérêt qu’elle suscite à la Chambre des représentants. Mais des sénateurs comme le républicain Lindsey Graham (Caroline du Nord) menacent de bloquer des textes et des nominations tant qu’ils n’auront pas obtenu les réponses qu’ils exigent de l’administration. Et la Chambre des représentants, où les démocrates seront majoritaires à partir de la rentrée parlementaire de janvier, devrait se montrer à partir de cette date beaucoup plus réceptive aux arguments du Sénat.