A Paris, les riverains de l’avenue Kleber se préparent à un samedi noir, et protègent leurs fenêtres. / BENJAMIN GIRETTE / HANSLUCAS POUR "LE MONDE"

Alors que la tension et l’angoisse sont maximales au sommet de l’Etat, le président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand a annoncé, vendredi 7 décembre, à l’Agence France-Presse (AFP) que « le président, lucide sur le contexte et la situation », avait décidé d’attendre avant de prendre la parole comme le réclament une partie de l’opposition et des manifestants. Afin de ne « pas mettre d’huile sur le feu », Emmanuel Macron ne s’exprimera qu’« en début de semaine prochaine ».

Le collectif des « gilets jaunes libres » a, lui, demandé à être reçu vendredi par Emmanuel Macron, pour « calmer » la France qui se trouve « au bord de la guerre civile », a annoncé un de ses représentants, Benjamin Cauchy, à l’AFP. L’Elysée n’a pas réagi dans l’immédiat.

Trois semaines après la première grande mobilisation contre la hausse de la taxe sur les carburants, le gouvernement se prépare au pire et craint une nouvelle flambée de violences pour « l’acte IV » du mouvement des « gilets jaunes ». Un dispositif « exceptionnel » de 89 000 membres des forces de l’ordre, dont 8 000 à Paris, sera déployé sur tout le territoire pour tenter d’éviter les mêmes scènes d’émeutes que samedi dernier, notamment sous l’Arc de Triomphe.

Les appels au calme de tous bords politiques

Alors que des dizaines d’appels à manifester à Paris se concurrencent sur les réseaux sociaux, l’exécutif et désormais une partie de l’opposition ont multiplié les appels au calme, jeudi. Devant le Sénat, Edouard Philippe a solennellement demandé aux « gilets jaunes » de ne pas se rendre à Paris pour « éviter qu’ils soient pris au piège que leur tendent les casseurs ». L’Elysée a dit craindre « une très grande violence » samedi.

La requête du président aux partis politiques, aux syndicats et au patronat « de lancer un appel clair et explicite au calme » semble avoir été entendue. Le groupe socialiste de l’Assemblée nationale a lancé « un appel à la responsabilité », quand le chef de file des sénateurs Les Républicains (LR) Bruno Retailleau a appelé le gouvernement à « casser les casseurs ». Le président du groupe LR à l’Assemblée Christian Jacob a aussi demandé « à ce qu’aucun acte de violence sur les personnes et sur les biens ne puisse être commis ».

Le groupe communiste de l’Assemblée a, à son tour, appelé à ce que les manifestations se déroulent « dans le calme et la sérénité ». L’ancien président François Hollande a, lui, incité « à la mesure et au refus de toutes les formes de violences », tout comme les sept principaux syndicats – CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, l’Unsa et la FSU. La présidente du Rassemblement national, Marine Le Pen, a, elle, souhaité des « mobilisations pacifiques ».

En revanche, le député Insoumis (LFI) François Ruffin a balayé l’appel au calme de l’Elysée, estimant que « ceux qui jettent de l’huile sur le feu sont ceux qui disent que le cap est bon ». Enfin les députés socialistes, Insoumis et communistes ont annoncé qu’ils déposeraient lundi une motion de censure contre le gouvernement.

Emmanuel Macron, cible numéro un

Plusieurs responsables de la majorité font également état de « remontées inquiétantes ». Des élus et leurs familles ont été intimidés. Des proches collaborateurs de M. Macron ont reçu des menaces de mort jusque sur leur téléphone. « Si je ne me fais pas casser la gueule d’ici la fin du mandat, je considère que j’aurai de la chance. Je me dis que ça va arriver, dans ce climat violent, d’hystérisation », dit une députée La République en Marche (LRM).

« La température est montée particulièrement haut », a déclaré sur LCI la secrétaire d’Etat à la transition écologique Brune Poirson qui dit avoir échangé avec des préfets « dont les familles ont été menacées ». Une « partie du peuple est en train de se soulever », a estimé le ministre de l’agriculture Didier Guillaume, décrivant un président « inquiet ».

Le président de la République est plus que jamais la cible numéro un des « gilets jaunes ». Sur tous les barrages, les appels à la démission fusent. Sur les réseaux sociaux, les mots d’ordre évoquent un renversement des institutions : « dissolution de l’Assemblée nationale », « Manu, on arrive ! », « Pot de départ de Macron ! » ou encore « Tous à la Bastille ».

En attendant, Paris et d’autres grandes villes se préparent à vivre un nouveau samedi noir. La tour Eiffel et le Louvre resteront fermés, tout comme les commerces sur les Champs-Elysées, point de crispation principal. A Bordeaux, une dizaine d’établissements culturels et espaces publics seront fermés. Six matchs de la Ligue 1 de football ont d’ores et déjà été reportés.