Le nouveau calcul des aides personnalisées au logement pénalisera les jeunes actifs
Le nouveau calcul des aides personnalisées au logement pénalisera les jeunes actifs
Par Isabelle Rey-Lefebvre
La réforme va ajuster le montant de l’APL aux ressources des bénéficiaires chaque trimestre, alors que le système actuel prend en compte les revenus d’il y a deux ans.
La loi de finances pour 2019, en cours de vote, prévoit un nouveau coup de rabot sur les aides personnalisées au logement. Il y avait déjà eu, le 1er octobre 2017, la retenue de 5 euros par mois aux 6,5 millions d’allocataires, jugée, quelques mois plus tard, comme une « mauvaise décision » par Julien Denormandie, devenu, depuis, ministre chargé de la ville et du logement, mais surtout la ponction sur le budget des organismes HLM, de 800 millions d’euros, en 2018, et 873 millions d’euros, en 2019. La nouvelle réforme entend ajuster le montant de l’APL aux ressources du bénéficiaire d’un trimestre à l’autre, afin de rompre avec l’ancien système qui prenait en compte ses revenus d’il y a deux ans.
Le mécanisme peut paraître plus juste, s’adaptant aux évolutions des ressources en temps réel, mais il va faire beaucoup de perdants parmi les allocataires, et un seul grand gagnant, l’Etat qui compte économiser ainsi 900 millions d’euros. Une telle évaluation, quasi instantanée, est rendue possible par l’instauration du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu qui permet à la caisse d’allocations familiales de connaître le revenu du mois précédent.
Baisse graduelle
Les apprentis et les jeunes travailleurs risquent d’y perdre beaucoup, puisqu’ils bénéficiaient, jusqu’ici, de l’allocation maximale. Leurs ressources deux ans avant la formulation de leur demande, étant nulles ou très faibles. Par exemple, un apprenti de 24 ans, logé en résidence habitat à Gennevilliers (Hauts-de-Seine) pour un loyer mensuel de 399 euros, qui gagne 750 euros par mois, touche, selon l’ancien système, 366 euros d’APL. Demain, il ne percevra plus que 165 euros, soit 200 euros de moins chaque mois. Logé dans le parc privé avec un loyer de 580 euros, il subira une perte d’allocation de près de 500 euros sur l’année.
La baisse doit être graduelle car le calcul des ressources se fera sur les douze mois précédents, non pas sur le seul chiffre du dernier mois, mais elle provoque la colère des associations d’étudiants. La FAGE, l’UNEF, la Jeunesse ouvrière chrétienne de France, le Forum français de la jeunesse, les comités locaux pour le logement autonome des jeunes – qui accueillent, chaque année, 16 000 apprentis et stagiaires dans ses résidences – ont réagi d’une même voix par un communiqué daté du 29 novembre. « Ces allocations ne sont pas seulement une aide au logement, mais une véritable aide à l’entrée dans la vie active et dans un premier logement autonome pour ceux que l’on appelle les primo-installants, rappelle Jérôme Cacciaguerra, directeur pour l’Ile-de-France de l’Union pour l’habitat des jeunes. Ils sont, pour la plupart, très courageux, ont intégré la mobilité et la précarité que la société impose aujourd’hui, et doivent affronter le logement cher dans les métropoles, là où se trouvent leurs formations et les emplois. »
Le collectif des organisations craint que le nouveau calcul mette à mal la nécessaire sécurisation lors de l’entrée des jeunes dans la vie active et demande pour eux une APL forfaitaire qui leur garantisse un « reste à vivre » décent. Ils seront peut-être sauvés par la technique car la transmission des données du fisc à la Caisse nationale d’allocation familiales et les indispensables logiciels sont loin d’être au point, et la réforme n’entrera pas en vigueur au 1er janvier 2019. Le gouvernement espère le printemps, mais ce sera plus sûrement en juillet. Ce qui laisse un peu de temps pour aménager son dispositif.