Rock, techno, classique… : sept livres sur la musique
Rock, techno, classique… : sept livres sur la musique
Le lundi, le service culture du « Monde » propose aux lecteurs de « La Matinale » un choix de concerts, de festivals, de clips, d’ouvrages…
LA LISTE DE LA MATINALE
Couverture de « Lisa Della Casa. Evocation », de Christophe Capacci, aux éditions Avant-Scène Opéra. / ÉDITIONS AVANT-SCÈNE OPÉRA
Biographies, études thématiques sur un genre, une période, souvenirs autobiographiques, dictionnaires, recueil façon « cent meilleurs disques »… L’édition fait régulièrement une belle place aux ouvrages consacrés à la musique. Que cela soit au sein de structures spécialisées ou dans des maisons généralistes. La rubrique musiques du service culture a choisi quelques parutions récentes, dans le domaine du rock, de la musique classique, du flamenco…
« Kurt Cobain. Nirvana 1967-1994 », de Daniel Goldberg
Couverture de « Kurt Cobain - Nirvana 1967-1994 », de Daniel Goldberg, aux éditions Kero. / ÉDITIONS KERO
Mark Spector, fidèle manager de Joan Baez, définit sa profession ainsi : « C’est là que tout se décide. » Le livre de Danny Goldberg, manager du groupe Nirvana de 1990 à 1994, offre un regard privilégié sur ce métier de l’ombre, à travers le prisme d’un destin exceptionnel, celui de son leader Kurt Cobain, qui s’est suicidé en 1994.
Le point de vue de Goldberg se distingue du mythe rock entretenu autour de la formation grunge de Seattle (Etat de Washington), pour nous plonger dans l’œil du cyclone médiatique déclenché par leur second album Nevermind (30 millions d’exemplaires vendus). En dépit du fossé générationnel séparant le businessman de 42 ans et le musicien de 24 ans issu de la culture rock alternative, une complicité naît entre eux, quasi paternelle.
Appuyé de témoignages de premier plan – dont ceux de l’ancien bassiste Krist Novoselic et de l’épouse turbulente de Cobain, Courtney Love –, Goldberg retrace l’ascension fulgurante du groupe, puis l’addiction aux drogues et la descente aux enfers. Vingt-cinq ans après, la personnalité de Kurt Cobain, tiraillé entre intégrité artistique et ambition d’atteindre le grand public, demeure toujours aussi complexe à cerner. Franck Colombani
« Kurt Cobain. Nirvana 1967-1994 », de Daniel Goldberg, Kero, 330 p., 17,50 €.
« M. Offenbach nous écrit », textes réunis par Jean-Claude Yon
Couverture de « M. Offenbach nous écrit », textes réunis et présentés par Jean-Claude Yvon, aux éditions Acte Sud. / ÉDITIONS ACTES SUD / PALAZZETTO BRU ZANE
« Parce que c’était lui, parce que c’était moi. » Jacques Offenbach aurait pu reprendre à son compte le célèbre constat de Montaigne sur une amitié privilégiée. Le compositeur dont on célèbre, bien discrètement, en 2019, le bicentenaire de la naissance a en effet trouvé en Hippolyte de Villemessant (1810-1879) un soutien de la première heure et dans le journal de celui-ci, Le Figaro, une tribune utilisée en maintes occasions, de 1854 à 1880.
De savoureuses lettres ouvertes comptent parmi les 110 textes que Jean-Claude Yon a réunis et annotés avec une précision documentaire et une mise en perspective qui avaient fait le prix de la biographie publiée en 2000 chez Gallimard. Toutefois, les passes d’armes à fleurets mouchetés ne sont pas légion car Offenbach sait aussi bien manier la plume que la presse. Aujourd’hui, un conseiller en communication ne lui serait d’aucun secours.
Ses idées sont souvent en avance sur leur temps. A preuve le concours de composition d’une opérette, qu’il a organisé en 1857 et dont le premier prix est allé à un inconnu d’à peine plus de 18 ans, nommé Georges Bizet. Pierre Gervasoni
« M. Offenbach nous écrit », textes réunis et présentés par Jean-Claude Yon, Actes Sud/Palazzetto bru Zane, 480 p., 13 €.
« Der Klang Der Familie – Berlin, la techno et la chute du mur », de Denk et Von Thülen
Couverture de « Der Klang Der Familie – Berlin, la techno et la chute du mur », de Felix Denk et Sven Von Thülen, aux éditions Allia. / ÉDITIONS ALLIA
A l’heure où, à la Philharmonie de Paris, l’exposition « Electro, de Kraftwerk à Daft Punk » (dont on conseillera le luxuriant catalogue, édité par Textuel, 256 p., 45 euros) met en perspective la riche histoire des musiques électroniques, cet ouvrage des Allemands Felix Denk et Sven Von Thülen, publié en 2012, tout juste traduit en français, plonge dans la passionnante épopée de la scène techno berlinoise.
Constitué d’une mosaïque de témoignages (DJ, journalistes, organisateurs, patrons de clubs, fêtards…) assemblés en chapitres thématiques, le livre dessine une fresque ultra-vivante de la rencontre d’une ville brusquement réunifiée – et quasi jumelée à Detroit (Michigan) – et d’une musique offrant la bande-son idéale de sa libération, dans des lieux se réinventant dans une explosion d’endomorphine, de drogue et de sexe.
Jusqu’à l’inévitable réappropriation commerciale, combattue par les résistants de l’underground. Stéphane Davet
« Der Klang Der Familie – Berlin, la techno et la chute du mur », de Felix Denk et Sven Von Thülen, Allia, 400 p., 25 €.
« Lisa Della Casa. Evocation », de Christophe Capacci
Couverture de « Lisa Della Casa. Evocation », de Christophe Capacci, aux éditions Avant-Scène Opéra. / ÉDITIONS AVANT-SCÈNE OPÉRA
Quel jeune homme passionné d’opéra n’a rêvé un jour d’approcher une voix aimée, d’être admis dans son intimité, de devenir, fût-ce à la dérobée, le témoin de cette mystérieuse alchimie qui s’incarne en ceux qui pratiquent avec le même goût l’art et la vie ?
C’est le cas de Christophe Capacci, conseiller artistique de l’Opéra-Comique, auteur du premier livre en français jamais écrit sur la soprano Lisa Della Casa (1919-2012). Cantatrice mythique, rencontrée alors qu’il avait 25 ans, voix d’argent – legato aérien, noblesse de la ligne, longueur du souffle – dont il ne s’est jamais dépris.
Moins biographie que jeu de souvenirs, la plume alerte et poète de Capacci suit un parcours glorieux, qui, de 1941 à 1971, vit la cantatrice suisse s’épanouir dans Mozart, et Mozart en elle (la Comtesse avec Kleiber, Elvira avec Krips), se livrer dans Wagner, dont elle fut une interprète non wagnérienne, et surtout se fondre corps et âme dans la musique de Richard Strauss (dix rôles en trente ans), dont elle reste pour l’éternité l’Arabella suprême, rôle qu’elle chantera plus de 150 fois.
Nulle tentation hagiographe ou même simple exercice d’admiration dans le portrait de cette femme que sa beauté fit comparer à Liz Taylor et Ava Gardner. Mais l’évocation d’un être de chair, dont il dit les faiblesses, l’orgueil et le déplaisir, ainsi que le terrible coup du sort que fut la rupture d’anévrisme qui laissa sa fille totalement hémiplégique.
Une discographie exhaustive complète le portrait de cette grande dame du chant trop tôt retirée, hommage sensible à « la moins chanteuse des chanteuses d’opéra. » Marie-Aude Roux
« Lisa Della Casa. Evocation », de Christophe Capacci, Avant-Scène Opéra, 192 p., 32 €.
« Girls Rock », de Sophie Rosemont
Couverture de « Girls Rock », de Sophie Rosemont, aux éditions NiL. / ÉDITIONS NIL
Si le rock’n’roll s’est d’abord imposé comme la chronique des désirs et frustrations des adolescents mâles de la fin des années 1950 et 1960, Sophie Rosemont rappelle que les femmes se sont, dès l’origine, approprié ces guitares et chants rebelles pour graver quelques-uns des plus passionnants épisodes de cette musique.
A travers des chapitres thématiques bourrés d’anecdotes, retraçant les destins croisés de « cavalières solitaires » (la pionnière Sister Rosetta Tharpe, Joni Mitchell, PJ Harvey…), de meneuses d’hommes (Chrissie Hynde, Siouxsie Sioux…), d’émancipatrices en chef (Tina Turner, Björk, Catherine Ringer…), de militantes (Joan Baez, Patti Smith…), d’instrumentistes (Meg White, Tina Weymouth…) ou de chanteuses aux fins tragiques (Janis Joplin, Amy Winehouse…), l’auteure bouscule une histoire officielle faisant trop souvent la part belle à une vision virile et patriarcale du rock. S. D.
« Girls Rock », de Sophie Rosemont, NiL, 345 p., 20 €.
« Camarón de la Isla, La douleur d’un prince », de Francisco Peregil
Couverture de « Camarón de la Isla, la douleur d’un prince », de Francisco Peregil, aux éditions Les Fondeurs de briques. / ÉDITIONS LES FONDEURS DE BRIQUES
Après l’avoir entendu chanter à Montreux (Suisse), en juillet 1991, Quincy Jones jurait ne s’être « jamais trouvé aussi prêt de quelqu’un ouvrant ainsi son âme ». Camarón de la Isla, cantaor, chanteur gitan de flamenco, l’un des plus grands de tous les temps, passés et sans nul doute à venir, chavirait et marquait tous ceux qui l’approchaient.
Cette biographie écrite par Francisco Peregil, journaliste au quotidien El Pais, publiée en 1993, puis rééditée en 2014 et 2017 en Espagne, raconte le chanteur, ses fulgurances et ses fragilités, au travers des témoignages de ceux qui l’ont côtoyé, accompagné et enduré.
On y croise les guitaristes – Paco Cepero, son premier accompagnateur, Paco de Lucia, Tomatito –, mais aussi ses gardes du corps (ou secrétaires particuliers), Ricardo Pachon, directeur commercial d’une fabrique de meubles qui deviendra son producteur et Marcelo Camus… son psychiatre. Patrick Labesse
« Camarón de la Isla, la douleur d’un prince », de Francisco Peregil, Les Fondeurs de briques, collection « Instrumental », 175 p., 18 €.
« On a tué John Lennon – New York, 8 décembre 1980 », de Jacques Colin
Couvertire de « On a tué John Lennon – New York, 8 décembre 1980 », de Jacques Colin, aux éditions Le Castor Astral. / ÉDITIONS LE CASTOR ASTRAL
Nouvelle collection de l’éditeur Le Castor astral, « A Day in The Life » (un jour dans la vie), s’intéresse à un groupe, un ou une artiste soliste, à partir d’un point central pour évoquer une carrière, un moment particulier de l’histoire de la musique. Laquelle, au vu des premières parutions, est plutôt rock et pop.
Avec On a tué John Lennon – New York, 8 décembre 1980, ce jour est… celui de l’assassinat de l’ancien Beatles par Mark Chapman. Jacques Colin revient sur le geste de Chapman, son incarcération, l’après pour les fans, la famille, ainsi qu’une longue analyse bien menée de la sacralisation de Lennon qui a suivi.
Autre titre, celui consacré à Trust et à la scène hard-rock française, puis, en mai, un récit sur The Clash et un sur la rivalité entre Blur et Oasis. Sylvain Siclier
« On a tué John Lennon – New York, 8 décembre 1980 », de Jacques Colin, Le Castor astral, collection « A Day in The Life », 190 p., 15,90 €.