Exposition : le Sahara plus vivant que jamais
Exposition : le Sahara plus vivant que jamais
Par Mustapha Kessous (Marseille, envoyé spécial)
Le Musée d’arts africains, océaniens et amérindiens, à Marseille, propose de s’immerger dans ce désert qui fait tant fantasmer les grands voyageurs.
Des migrants traversent le Sahara entre le Niger et la Libye, en mai 2016. / Joe Penney / REUTERS
Dans ce grand désert, il y a toujours une trace à suivre. Un chemin de dunes qui mène vers une oasis perdue ; un sentier creusé par les passages des contrebandiers en pick-up ; une piste touristique tracée par une caravane de chameaux. Le Sahara n’est pas qu’une immensité couverte de sable, c’est aussi un lieu en perpétuel mouvement où se croisent les histoires du monde depuis des millénaires.
Malgré un soleil qui brûle, les hommes ont réussi à bâtir tout au long de cette étendue désertique – qui s’étire sur 5 000 km de l’ouest à l’est de l’Afrique – des cultures, des langues, des civilisations. Du 10 mai au 1er septembre, l’exposition « Sahara, mondes connectés », au Musée d’arts africains, océaniens et amérindiens, à Marseille, propose de s’immerger dans ce désert qui fait tant fantasmer les grands voyageurs.
Le Sahara est « un monde miraculé », comme le dit Charles Grémont, commissaire de l’exposition et historien à l’Institut de recherche pour le développement (IRD). Il n’est pas un vide infini et aride où seuls survivent les serpents et autres scorpions ; cette mer de sable abrite des récits heureux ou tragiques témoignant d’un passé glorieux.
Sédentarisation des Touareg
Dès la première salle, trois majestueuses stèles prêtées par le musée du Quai Branly-Jacques Chirac, écrites en arabe et en tifinagh (l’alphabet berbère), rappellent qu’« il y a toujours eu une présence humaine dans le Sahara », comme l’explique Marianne Pourtal Sourrieu, la conservatrice du musée.
Ce désert hostile a condamné les Touareg à une existence nomade, car l’immobilité, c’est la mort assurée. Il faut chercher de l’eau, se rendre d’une étape à l’autre pour se nourrir ou commercer avec des tribus voisines. Au fil des siècles, les Touareg ont pu développer un art à travers leurs bijoux typiques et les tambours sacrés qu’on peut entendre, dit-on, jusqu’à deux jours de marche. Le Sahara n’est pas qu’un lieu de silence…
Coran manuscrit et étuis, Mauritanie, cuir et papier, fin XIXe-début XXe siècle. / Pauline Guyon / Musée du Quai Branly-Jacques Chirac
Mais depuis une cinquantaine d’années, ces nomades ont dû stopper peu à peu leur transhumance. Les grandes sécheresses au Sahel, en 1973 et 1974, les ont poussés à revoir leur mode de vie et à accepter de se sédentariser. Il suffit de regarder l’immense carte accrochée à l’un des murs du musée pour constater le nombre de villes qui constellent désormais le Sahara et mesurer à quel point ce désert est peuplé.
Le thé, symbole de l’hospitalité
On entend au loin l’appel à la prière et le son des rues de Tombouctou. La deuxième salle propose de partager un moment sous une tente. Des objets y évoquent le quotidien des Touareg : sandales, tapis, transistor et théières. Le thé est devenu le symbole absolu de l’hospitalité des Sahariens. Comme le veut la coutume ancestrale, trois verres sont servis aux invités : « Le premier est âcre comme la vie, le deuxième est doux comme l’amour, le troisième est suave comme la mort », dit-on. « On casse un peu un mythe, car cette coutume remonte en réalité au début du XIXe siècle, lorsque les ambassadeurs européens sont venus au Maroc », souligne Mme Pourtal Sourrieu.
Juste à côté, un espace vidéo est installé, qui diffuse des images de sentiers. Assis en face sur un petit banc, on a l’impression de conduire un de ces 4x4 à travers ces chemins cabossés en suivant sur une petite télévision Life Without Death (« vie sans mort »), le documentaire du Canadien Frank Cole, qui avait réalisé en 1989 une traversée du Sahara de l’Atlantique à la mer Rouge, seul, à dos de chameau. Cet homme avait souhaité entreprendre ce périple afin d’affronter l’éventualité de la mort après le décès de son grand-père. Il a été assassiné par des brigands en octobre 2000, dans le nord du Mali, lors d’une nouvelle traversée du Sahara.
Depuis quelques décennies, cette zone est devenue trop dangereuse : les trafiquants n’hésitent pas à tuer pour quelques grammes d’or ou litres d’essence et les djihadistes y ont installé leurs camps. « Combattre et dialoguer », la troisième salle, explique comment le Sahel a été le terrain de conflits entre tribus, contre les puissances coloniales et aujourd’hui contre le terrorisme, avec la présence de casques bleus ou de militaires occidentaux.
Titouan Lamazou et Leila Alaoui
Malgré tout, le Sahara reste un lieu de passage, une terre d’aventure pour les scientifiques et pour les (rares) touristes ; un pont aussi pour les migrants qui rêvent d’un meilleur avenir en Europe. Tel est le thème de la quatrième et dernière salle. Mais ce désert est devenu une tombe qui recueille le désespoir d’une partie de ces migrants subsahariens.
« Crossings », de Leila Alaoui, 2013. / Courtesy Fondation Leila Alaoui & Galleria Continua San Gimignano / Beijing / Les Moulins / Habana
L’exposition « Sahara, mondes connectés » rappelle avec lyrisme l’histoire des différents peuples qui animent ce désert. Sous une lumière chaude, ces histoires sont racontées tout au long des quatre salles par des œuvres de Titouan Lamazou (photos, aquarelles, dessins), mais aussi par d’autres artistes comme Leila Alaoui, morte en 2016 après l’attentat de Ouagadougou. L’exposition nous fait rencontrer la culture des « hommes bleus », le surnom des Touareg. Le Sahara, malgré tous les dangers, n’a jamais été aussi vivant.
« Sahara, mondes connectés », jusqu’au 1er septembre au Musée d’arts africains, océaniens et amérindiens, situé au centre de la Vieille Charité, 2, rue de la Charité, 13002 Marseille. Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 heures. Entrée 9 euros, tarif réduit 5 euros.