Bruno Le Maire, candidat à la primaire de la droite et du centre, à Sete, le 18 septembre. | Arnold Jerocki/Divergence pour "Le Monde"

Bruno Le Maire, député Les Républicains de l’Eure et candidat à la primaire de la droite et du centre, était l’invité du Monde, lundi 26 septembre, lors de la présentation de l’enquête du Cevipof en partenariat avec le journal, réalisée par Ipsos Sopra Stéria, sur les intentions de vote à la primaire et à la présidentielle.

Trouvez-vous que « le débat est nul » ?

Je dirais qu’un des risques majeurs de la primaire, c’est qu’elle n’ait pas lieu. C’est-à-dire que nous ayons une confrontation de personnes, et que nous n’ayons pas le débat qu’attendent les Français depuis trente ans sur les sujets de fond. La situation du pays est dramatique : paupérisation générale, sentiment de déclassement, relégation des territoires, impossibilité pour beaucoup de Français de se soigner correctement, rejet de personnes de plus de 50 ans du monde de l’emploi, fragilisation sur la scène européenne, disparition sur la scène internationale. Voilà la situation de la France aujourd’hui.

Le sujet, pour le moment, c’est « Sarkozyx le Gaulois »…

Justement, ça ne peut pas être le sujet.

Personnellement, avez-vous l’identité heureuse ou malheureuse ?

Ni l’un ni l’autre. Je n’aime pas ce mot d’identité, et je ferai à Bordeaux jeudi [29 septembre] un discours sur la culture, pour bien montrer à quel point l’identité n’a pas à être heureuse ou malheureuse. L’identité, c’est ce qui enferme, c’est immobile. La culture, c’est ce qui ouvre, c’est ce qui change. L’identité est un concept plaqué sur les peurs des Français. Les uns plaquent or pour rassurer les Français en disant : « nous avons l’identité heureuse », les autres plaquent sombre et noir pour jouer sur les peurs des Français. Ce qui fait la France, c’est sa culture, c’est-à-dire une capacité à faire évoluer sans cesse ce que nous sommes, sans en perdre l’essentiel.

Qui va lire vos 1 000 pages de programme ? Ça montre un candidat qui n’a pas l’esprit de la synthèse…

Oui, mais l’esprit de la synthèse, si c’est pour faire de grandes généralités sur la France qui est une grande nation qui va réussir demain, qui est absolument formidable, avec un peuple exceptionnel issu des Gaulois, qui a l’identité heureuse et qui est très bien sur les bords de la Garonne, mais aussi très bien à Neuilly, désolé, ça ne fait pas avancer le schmilblick

Ne craignez-vous pas d’être confronté à un blocage, même en fonctionnant par ordonnances ou sans négocier avec les syndicats ?

C’est une question que je me pose chacun matin. Mon objectif n’est pas simplement de gagner l’élection présidentielle de 2017, c’est de réussir ensuite le quinquennat. Et mes deux adversaires à la primaire ne se posent pas cette question. L’un parce qu’il avance à coups de déclarations péremptoires et caricaturales en se disant : « ça va me faire gagner l’élection », et l’autre parce que sa promesse non dite, c’est : « Dormez bien bonnes gens, ne vous inquiétez pas, je ne suis là que pour cinq ans et je vous laisserai tranquille. »

Alain Juppé a dit au contraire qu’il sera courageux car il ne voudra pas se faire réélire…

Ce n’est pas le message qu’il passe aux Français. Par ailleurs, l’idée de faire un mandat unique est un gage d’affaiblissement au moment où on a besoin d’un président de la République fort. Tout cela est le symptôme d’une démocratie malade : que la France, cinquième puissance économique mondiale, héritière de 1789, en arrive, pour la primaire qui désignera très probablement le prochain chef de l’Etat, à se dire que le choix, c’est entre le retour d’un président de la République qui a été battu, ce qui ne se voit dans aucune autre démocratie au monde, et un candidat qui dit : « Je ne ferai que cinq ans », ce qui ne se voit dans aucune autre démocratie.