En Europe, le Brexit ne fait pas envie
En Europe, le Brexit ne fait pas envie
Editorial. La victoire du « out » au référendum du 23 juin au Royaume Uni n’a pas sonné le début de la fin de l’Union européenne.
Editorial du « Monde ». Il y a cinq mois, les Britanniques votaient en faveur du Brexit. A près de 52 % des suffrages, les sujets du Royaume-Uni décidaient de quitter l’Union européenne. Le reste de l’Europe a pris peur. Cette manifestation de rejet sonnait le début de la fin de l’UE. A tout le moins, elle portait un coup terrible à l’image de l’Union. Elle allait susciter des vocations, marquer le début d’un détricotage de ce que les Européens ont mis plus d’un demi-siècle à bâtir. Grosse vague de « blues » sur le Vieux Continent. A tort.
Car la vérité est que le Brexit ne fait pas envie. L’europhobie ne traverse pas les eaux froides de la Manche. Au contraire. L’Europe est cette chose bizarre qui ne suscite guère d’enthousiasme dans les opinions de ses membres mais, pour autant, que personne ne veut quitter. Moins que jamais. Le référendum du 23 juin 2016 chez nos cousins britanniques a même plutôt renforcé l’attachement à l’Union européenne. C’est une bonne nouvelle, à la veille des élections qui doivent avoir lieu cette année aux Pays-Bas, en France et en Allemagne.
Pas d’effet « domino »
Un sondage réalisé par l’institut Win Gallup du 25 novembre au 7 décembre – auprès de 14 969 Européens – indique que le Brexit n’a pas produit d’effet « domino » : dans tous les Etats membres, la majorité des Européens souhaitent que leur pays reste dans l’UE. Dans la plupart des pays, les chiffres sont même plutôt en hausse à la suite du Brexit. Détail qui a son importance : seuls 46 % (et non plus 52 %) des Britanniques voteraient aujourd’hui pour le Brexit.
Une étude IFOP pour la Fondation Jean-Jaurès témoigne du même phénomène en Allemagne et en France. Dans ces deux pays, qui sont au cœur de la construction européenne, l’appartenance à l’UE est cotée à la hausse. Commandées par la Fondation Robert-Schuman, une série d’enquêtes menées en novembre par l’IFOP au sein de l’UE (Allemagne, Espagne, France, Italie, Pologne) témoignent d’un regard réaliste porté sur le Brexit. Une majorité des sondés n’y voient pas une catastrophe pour l’Europe, mais une affaire qui affaiblira l’économie britannique.
L’UE n’est plus une histoire d’amour
L’Italie apparaît comme le maillon européen le plus faible. Elle est le pays où l’euroscepticisme est le plus fort. Et, pourtant, même en Italie, les partis anti-européens sont obligés de tenir compte de l’état de l’opinion : l’europhobie ne fait pas un programme de gouvernement. A tel point que le Mouvement 5 étoiles de l’Italien Beppe Grillo a esquissé une vaine tentative de rapprochement avec le groupe le plus « européiste » du Parlement européen, celui du Belge Guy Verhofstadt.
Mais, aux Pays-Bas comme en France, les formations d’extrême droite, comme le Parti pour la liberté de Geert Wilder ou le Front national de Marine Le Pen, ont bien compris aussi que leur tropisme anti-européen était minoritaire : elles ne prônent plus la sortie de l’UE. Il en va de même en Allemagne, où l’AfD a changé de bouc émissaire, passant de l’UE aux immigrés en général.
L’UE n’est pas, n’est plus, une histoire d’amour : elle ne stimule guère notre libido politique. Mais tout se passe comme si les Européens saisissaient bien le profil du monde qui s’annonce, marqué par le réveil d’un nationalisme brutal, dans l’Amérique de Donald Trump, la Chine de Xi Jinping, la Russie de Vladimir Poutine, l’Inde de Narendra Modi. Dans cet univers de blocs de puissance, le seul instrument qu’ont les Européens pour tenir leur place, c’est l’UE. Pas romantique, mais efficace.