Primaire à gauche : Manuel Valls parfois isolé dans un deuxième débat plus animé
Primaire à gauche : Manuel Valls parfois isolé dans un deuxième débat plus animé
Par Nicolas Lepeltier, Adrien Pécout
A une semaine du premier tour et quatre jours avant un troisième débat, les candidats ont fait valoir leurs différences sur les questions migratoire et environnementale.
Le 15 janvier 2017, à Paris, sur le plateau du deuxième débat de la primaire à gauche. | BERTRAND GUAY / AFP
Autant le premier débat, il y a trois jours, avait semblé terne, autant ce deuxième débat, dimanche 15 janvier, aura davantage fait émerger de divergences entre les sept candidats de la primaire à gauche en vue de la présidentielle.
Et en particulier celles de l’ancien premier ministre Manuel Valls avec ses six concurrents : Benoît Hamon, Arnaud Montebourg et Vincent Peillon (Parti socialiste), Sylvia Pinel (Parti radical de gauche), François de Rugy (Parti écologiste) et Jean-Luc Bennahmias (Front démocrate).
Sur le plateau de RMC, BFM-TV et i-Télé, les débatteurs ont notamment fait entendre leurs désaccords sur les questions de migration et d’écologie. Au terme de deux heures quarante d’échanges, les candidats se sont félicités de ce débat, « beaucoup plus vivant et approfondi que le précédent », selon les mots de Vincent Peillon.
A quatre jours d’un troisième et ultime débat avant le premier tour du scrutin, tous se sont toutefois accordés sur au moins au point : sans surprise, ils s’engagent à respecter l’issue du vote des 22 et 29 janvier et à se ranger derrière le futur vainqueur.
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Leurs divergences : immigration, nucléaire, cannabis…
- La crise migratoire
Si la nécessité de réinventer l’Europe en lui donnant les moyens de développer une politique de défense et de sécurité commune a fait consensus, la crise migratoire a donné lieu à de vives passes d’armes auprès des candidats à la primaire à gauche, Manuel Valls faisant cavalier seul au moment de défendre la politique d’accueil des migrants menée par le gouvernement.
L’ancien premier ministre a défendu avec vigueur l’attitude de la France, qui a accueilli depuis 2015 moins de migrants que d’autres pays européens, l’Allemagne au premier rang : « J’en ai assez qu’ici comme ailleurs on mette toujours cause la France ». « L’Union européenne, c’est des frontières, si nous sommes incapables de protéger nos frontières, alors c’est l’espace Schengen qui sera menacé », a-t-il déclaré, martelant sa volonté d’« une politique migratoire généreuse mais maîtrisée ».
« Sommes-nous à la hauteur de ce que sont nos valeurs ? », a rétorqué Benoît Hamon, qui a rappelé que la France a été un des pays « les moins volontaires pour faire face à ce qu’était cette détresse ». L’ancien ministre de l’éducation plaide pour l’instauration d’un « visa humanitaire » européen et affirme qu’« aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’accueillir plus de migrants ».
Le « droit d’asile humanitaire » européen souhaité par Benoît Hamon est une position notamment partagée par Sylvia Pinel – « cela éviterait une forme de concurrence entre les pays » – mais aussi par Vincent Peillon. Ce dernier a expliqué avoir « un désaccord profond » avec Manuel Valls sur l’accueil des réfugiés, reprochant à l’ancien premier ministre d’avoir fait « la leçon » en Allemagne à la chancelière Angela Merkel, qu’il avait accusée devant des journalistes d’avoir ouvert les portes de l’Europe aux migrants. « Les Français sont souvent plus généreux que leurs dirigeants », a estimé M. Peillon.
- Le nucléaire
Si les candidats ont semblé à l’unisson sur le diesel, il n’en est pas allé de même, en revanche, sur la question du nucléaire. Sans surprise, les écologistes Jean-Luc Bennahmias et François de Rugy réclament la fin du nucléaire et le développement des énergies renouvelables quand Sylvia Pinel s’est, elle, montrée une fervente avocate de l’atome. « Il faut garantir l’indépendance énergétique française grâce au nucléaire, a soutenu la candidate du Parti radical de gauche. Attention à une transition énergétique trop brutale. » Et de préciser : « Le nucléaire et le renouvelable sont complémentaires ».
Les candidats socialistes se sont montrés plus consensuels. Arnaud Montebourg a rappelé que « l’ennemi c’est le carbone, le charbon, le pétrole ». « Nous avons besoin du nucléaire pour réduire cette addiction au carbone », a-t-il argué, rappelant « les centrales qui doivent fermer selon les recommandations de l’Autorité de sûreté nucléaire le seront » s’il était élu président de la République.
Benoît Hamon et Vincent Peillon promettent, eux, « 50 % de nucléaire dans le mix énergétique d’ici à 2025 ». « Nous en avons largement les moyens », a souligné le premier, qui avance que « le renouvelable crée six fois plus d’emplois que le nucléaire ».
- La dépénalisation du cannabis
Les candidats ont fait valoir leurs différences sur la dépénalisation du cannabis. Manuel Valls, campé sur son refus d’une telle mesure, une position partagée à demi-mot avec Arnaud Montebourg, préfère mettre l’accent sur la prévention. « Il faut des interdits dans une société », a justifié l’ex-premier ministre, quand Benoît Hamon, favorable à la légalisation du cannabis, comme Sylvia Pinel, constate que « la prohibition n’a jamais été aussi inefficace, nous sommes même les champions d’Europe ».
Vincent Peillon s’engage, lui, à consulter les Français sur la question. Jean-Luc Bennahmias, qui a avoué n’avoir pas fumé avant le débat – « ça m’est arrivé », a-t-il précisé, déclenchant quelques rires –, a dénoncé « quarante ans d’hypocrisie » des responsables politiques, quand François de Rugy propose d’expérimenter la dépénalisation pendant cinq ans et d’en faire le bilan au terme.
De gauche à droite sur la photographie, le 15 janvier 2017, à Paris : Sylvia Pinel, Manuel Valls Vincent Peillon, Jean-Luc Bennahmias, Arnaud Montebourg, François de Rugy et Benoît Hamon. | BERTRAND GUAY / AFP
Leurs convergences : éducation, bilan de Hollande, laïcité
- L’éducation
Vincent Peillon (2012-2014) et Benoît Hamon (2014) ont tous deux été ministres de l’éducation nationale durant le quinquennat de François Hollande. Mais les cinq autres candidats ne les ont pas attaqués sur leurs bilans respectifs. Benoît Hamon affirme que « beaucoup a été fait dans ce quinquennat » et propose « deux mesures pour le primaire » : « dans toutes les écoles, un plafond de 25 élèves par classe, 20 dans les ZEP » et la création d’« un service public de l’aide aux devoirs ».
Manuel Valls propose « un grand service public pour la petite enfance ». Vincent Peillon veut « poursuivre les réformes » lancées. Arnaud Montebourg, pour sa part, promet un « investissement de 7 milliards dans l’éducation nationale » pour « corriger les inégalités ». Des inégalités qui pourraient aussi se résoudre, dans les collèges en difficulté, par la mise en place de deux professeurs par classe, selon Jean-Luc Bennahmias.
- Le quinquennat de Hollande
Le président de la République a préféré passer sa soirée au théâtre devant une pièce de Michel Drucker plutôt que de regarder ce débat dominical. Mais il aura toutefois été question de lui dimanche soir.
Sur les sept candidats à la primaire, cinq d’entre eux ont été ministre durant le quinquennat en cours (Valls, Hamon, Montebourg, Peillon et Pinel). Sans surprises, ils « assument leur responsabilité », comme l’a déclaré Manuel Valls, qui s’est dit « fier d’avoir gouverné ». Y compris MM. Montebourg et Hamon, qui avaient pourtant quitté le gouvernement en 2014 sur fond de désaccords.
François de Rugy et Jean-Luc Bennahmias, en revanche, se sont montrés plus critiques.
Depuis 2012, la présidence a « manqué de cap », selon M. de Rugy, qui « propose la proportionnelle » comme système de représentation politique et préconise « deux référendums d’initiative citoyenne par quinquennat ». En allusion à François Hollande et à sa promesse d’incarner un président normal, Jean-Luc Bennahmias déclare qu’« un président normal, sous la Ve République, c’est impossible ».
- La laïcité
Dernier thème abordé, la laïcité aura donné l’occasion aux sept candidats de revenir à davantage de consensus. Manuel Valls, estime que « la laïcité est remise en cause aujourd’hui, dans les quartiers populaires ». Pour Benoît Hamon, « la laïcité ne doit pas être un glaive », mais une protection », et propose un « retour de l’enseignement moral et civique dans les collèges ».
Arnaud Montebourg insiste sur l’importance de la loi de 1905 actant la séparation des Eglises et de l’Etat, une loi qui, selon lui, établit la laïcité « solennellement constitutionnalisée ». Même point de vue pour Sylvia Pinel, selon laquelle il faut donner du sens à cette loi et ne pas la dévoyer pour stigmatiser telle ou telle partie de la population.