La montée des violences dans le monde compromet les progrès du développement humain
La montée des violences dans le monde compromet les progrès du développement humain
Par Rémi Barroux
Dans son rapport 2016, le Programme des Nations unies pour le développement humain met en garde contre la marginalisation et l’exclusion d’une partie de la population mondiale.
Près de 2,9 millions de personnes sont en état de crise alimentaire en Somalie selon les chiffres publiés par l’ONU. Ici dans un camp de fortune de réfugiés près de Baidoa, dans le sud du pays, le 14 mars. | TONY KARUMBA / AFP
L’exercice est toujours délicat : souligner les progrès réalisés ces dernières décennies quant au développement humain au niveau mondial, tout en alertant sur les nouveaux périls qui menacent. Dans son « Rapport sur le développement humain 2016 », présenté mardi 21 mars à Stockholm, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) tente de faire la part des choses.
« Il faut cibler les progrès pour encourager ceux qui prennent des initiatives, certaines bonnes politiques publiques par exemple, mais il faut signaler les risques importants, les éléments de fracture, explique Magdy Martinez-Soliman, sous-secrétaire général des Nations unies et administrateur adjoint du PNUD. Il faut le reconnaître, la mondialisation est ratée pour un grand nombre de personnes. »
L’édition 2016 de ce rapport permet aussi de vérifier la réalisation des engagements pris dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement (2000) puis des dix-sept Objectifs de développement durable (2015).
Progrès depuis vingt-cinq ans
Les auteurs veulent d’abord rappeler les indéniables progrès du développement humain depuis vingt-cinq ans : recul de la mortalité juvénile de plus de la moitié, avec 43 décès pour 1 000 naissances en 2015 contre 91 en 1990, recul de l’extrême pauvreté avec un milliard de personnes en étant sorti, diminution de l’incidence du virus du sida, du paludisme et de la tuberculose, etc. Autant d’avancées qui, pour le PNUD, indiquent que « des changements fondamentaux sont possibles ».
Mais ces progrès ne sauraient masquer les nouveaux périls. « Certains défis persistent (les privations), d’autres s’aggravent (les inégalités), d’autres encore surgissent (l’extrémisme violent), mais la plupart se renforcent mutuellement, écrivent les auteurs. Les changements climatiques compromettent la sécurité alimentaire, l’urbanisation rapide marginalise les pauvres des villes. »
Dans tous les pays, qu’il s’agisse des économies avancées ou émergentes, des groupes entiers de population restent à la traîne des objectifs de développement. Magdy Martinez-Soliman en a identifié sept. « Pour les femmes, globalement, l’égalité des sexes est loin d’être atteinte concernant l’accès à l’éducation, les salaires, et, surtout, nous n’arrivons pas à endiguer une violence sexiste de plus en plus marquée », constate-t-il.
Les peuples indigènes et les minorités ethniques sont aussi victimes de discrimination, souvent exclus de l’enseignement, de l’emploi, des fonctions administratives et politiques. « En 2012, 51 % des minorités ethniques du Vietnam vivaient dans la pauvreté multidimensionnelle, par rapport à 16,5 % seulement des ethnies majoritaires (Kinh [Viets] ou Hoa) », indique le PNUD.
Conflits régionaux et intranationales
S’ajoutent à ces groupes plus d’un milliard de personnes handicapées, « souvent privées des droits les plus élémentaires », les réfugiés et les migrants – 244 millions de personnes vivent en dehors de leur pays natal et 65 millions vivent en situation de déplacement forcé dans le monde – et les communautés lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT), elles aussi en situation d’exclusion. « Dans une douzaine de pays, les personnes LGBT risquent la peine de mort », rappelle l’administrateur adjoint du PNUD.
Les défis restent donc colossaux. Mais, à l’échelle planétaire, le principal péril, en 2016, pourrait bien être la montée de la violence, marquée par des conflits régionaux mais aussi des tensions intranationales. « Le mécanisme d’exclusion le plus direct est sans doute la violence. Elle peut être motivée par la consolidation du pouvoir politique, la protection du bien-être des élites, le contrôle de la distribution des ressources, la saisie de territoires et de ressources et la promotion d’idéologies fondées sur la suprématie d’une identité et d’un ensemble de valeurs », écrit le PNUD.
La priorité, au-delà du développement économique, qui ne constitue plus l’alpha et l’oméga du bien-être pour les Nations unies, consiste à assurer l’autonomie et des possibilités d’expression à ces groupes marginalisés et laissés pour compte de la mondialisation. Il faut assurer la croissance pour tous, favoriser leur inclusion en leur laissant, précise le PNUD, « la possibilité de se faire entendre, de revendiquer leurs droits ».
Plus concrètement, le programme des Nations unies pour le développement avance quelques idées d’investissements prioritaires, comme les « programmes de repas scolaires ». Ils sont au cœur aussi bien des questions de sécurité alimentaire que de nutrition ou de protection sociale. « Ce peut être une forte incitation à la scolarisation des enfants, comme l’ont montré de nombreux programmes en Afrique », avancent les auteurs du rapport.
Menace du changement climatique
Le rapport consacre une partie importante à la nécessité de s’attaquer aux changements climatiques, qui « mettent en péril les vies et les moyens d’existence des populations pauvres ou marginalisées ». « Le changement climatique est la plus grande menace pour la race humaine », explique Juan Manuel Santos, président de la Colombie et prix Nobel de la paix 2016, dans une contribution spéciale adjointe au rapport, en soulignant l’investissement de son pays dans la croissance verte.
Le PNUD rappelle, lui, la nécessité d’encourager les politiques de tarification du carbone, la suppression des subventions aux énergies fossiles ou encore la définition d’un « coût social du carbone ». Mais ces politiques ne sauraient se résumer à des calculs de tarifs ou de subventions. Il faut planifier les politiques de transport, d’urbanisation, d’occupation des sols, l’efficacité énergétique et les techniques agricoles « climato-intelligentes ».
Comment expliquer à des populations fragilisées dans des pays frappés par la crise l’apport que représente l’arrivée de personnes migrantes ? Le rapport suggère les politiques nationales soient complétées par des actions au niveau mondial, permettant de dépasser les passions.