Trois choses à savoir sur l’élection présidentielle iranienne
Trois choses à savoir sur l’élection présidentielle iranienne
Par Edouard Pflimlin
Les Iraniens votent, vendredi 19 mai, pour élire leur président. Tour d’horizon sur les candidats, les règles du scrutin et les pouvoirs du président.
Initialement, 1 600 personnes s’étaient inscrites à l’élection présidentielle. Mais seules six candidatures ont été approuvées. Affiches à Téhéran, le 10 mai. | Ebrahim Noroozi / AP
Quelque 56,4 millions d’Iraniens âgés de 18 ans et plus (sur une population de 79 millions d’habitants, en 2015, selon la Banque mondiale) sont appelés aux urnes, vendredi 19 mai, pour désigner leur président. L’élection présidentielle est couplée à des élections municipales. Candidats, rôle du président, organisation du pouvoir à la tête du pays… Tour d’horizon, en trois questions, pour mieux appréhender ce scrutin.
Qui sont les candidats et comment sont-ils désignés ?
Initialement, 1 600 personnes s’étaient inscrites à l’élection présidentielle. Mais seules six candidatures ont été approuvées. C’est au Conseil des gardiens – un corps clérical non élu de douze membres – qu’il est revenu d’analyser et de vérifier ces candidatures. Mahmoud Ahmadinejad, qui a effectué deux mandats de président, de 2005 à 2013, s’était ainsi enregistré pour concourir cette année mais a été disqualifié.
Au bout du compte, ce sont cinq candidats qui se présentent devant les électeurs et les électrices, dont le président sortant, Hassan Rohani, 68 ans, au pouvoir depuis 2013. Mohammed Bagher Ghalibaf, le maire de Téhéran, s’est en effet retiré de la course présidentielle, lundi 15 mai (lire l’article de Ghazal Golshiri). Il a appelé à voter pour Ebrahim Raissi, principal rival du président Hassan Rohani.
Quelles sont les règles du scrutin ?
La constitution exige que le président soit un « chiite pieux ». Celui-ci est élu pour un mandat de quatre ans. Une même personnalité ne peut faire au maximum que deux mandats consécutifs. Pour gagner, un candidat doit obtenir plus de 50 % du vote. Si aucun candidat ne gagne la majorité, un deuxième tour entre les deux candidats principaux a lieu une semaine plus tard.
L’actuel président, Hassan Rohani, avait été élu en 2013 dès le premier tour avec 50,7 % des voix. Mais un sondage effectué la semaine dernière par le Centre de sondage des étudiants iraniens, un organisme officiel, créditait Hassan Rohani de 42 % de voix, contre 27 % pour Ebrahim Raisi et 25 % pour Mohammad Bagher Ghalibaf.
La grande inconnue du scrutin présidentiel est le taux de participation et la tenue d’un possible second tour, le 26 mai, si l’un des candidats n’obtient pas plus de 50 % des voix.
Quels sont les pouvoirs du président ?
La présidence reste subordonnée au guide de la révolution (rahbar) qui, dans la théocratie qu’est l’Iran, où le pouvoir des religieux est immense, a le dernier mot sur les questions étrangères et intérieures. Ce chef suprême est actuellement l’ayatollah Ali Khamenei, né en 1939. Il est le guide depuis 1989.
En tant que faqih, Ali Khamenei est le premier juriste islamique qui peut interpréter les documents religieux et la loi islamique, la charia. Il est désigné par l’Assemblée des experts, composée de 86 membres, élus tous les huit ans au suffrage universel, et qui peuvent, en théorie, le destituer en cas d’incapacité ou de maladie.
« Sur le plan strictement juridique, le pouvoir du guide est comparable à celui des chefs d’Etat de la plupart des pays démocratiques, mais toute la différence tient à son appartenance à un puissant réseau clérical instauré par la Révolution islamique », souligne Bernard Hourcade, directeur de recherche émérite au CNRS, ancien directeur de l’Institut français de recherche en Iran et auteur de Géopolitique de l’Iran. Les défis d’une renaissance (Armand Colin, 2016).
Les pouvoirs du guide sont conséquents. Il élimine les candidats à la présidentielle et peut démettre le président de ses fonctions. Il est le commandant des forces armées. Il nomme également de nombreux fonctionnaires et juges, et désigne jusqu’à six membres du Conseil des gardiens de la constitution (composé de douze religieux), l’une des institutions les plus emblématiques du pouvoir absolu du clergé : c’est ce conseil qui est chargé de veiller au caractère constitutionnel – c’est-à-dire islamique – des lois et d’arbitrer les conflits entre le Parlement et le gouvernement.
» Lire aussi « La structure du pouvoir iranien » (en anglais)
Même si le président reste subordonné au chef suprême, il exerce une influence notable sur la politique. Ses pouvoirs sont notamment de concevoir le budget, superviser les dossiers économiques, proposer la législation au Majlis, le Parlement iranien (composé de 290 membres), exécuter les lois, signer lois et traités, présider le conseil de sécurité nationale et nommer le cabinet des ministres (18 ministres le composent) et d’autres officiels en province.
C’est par exemple le président Rohani qui a défendu l’accord nucléaire, conclu en 2015, par lequel l’Iran a accepté de freiner son programme nucléaire en échange de la levée de certaines sanctions internationales. C’est aussi M. Rohani qui a engagé le processus de dégel des relations avec l’Occident.
Un tel accord aurait été inimaginable pendant la présidence de Mahmoud Ahmadinejad (2005-2013), qui a régulièrement défié l’Occident et les Etats-Unis en particulier. L’accent de M. Rohani sur la diplomatie et son engagement à ouvrir l’Iran à la communauté internationale, par rapport à l’approche isolationniste d’Ahmadinejad, illustrent les nuances que les différents acteurs apportent au rôle de président.
Les présidents ont également une influence sur l’économie. Les choix politiques effectués par l’ultraconservateur Ahmadinejad – dépenses inconsidérées, multiples interventions sur le marché des changes et corruption institutionnalisée – avaient par exemple pesé sur l’économie iranienne. Ils avaient notamment conduit à faire grimper l’inflation jusqu’à 40 %. Selon les médias iraniens, le taux de 2016 était de 7,5 % sous la présidence d’Hassan Rohani.