Editorial : printemps cruel pour Theresa May
Printemps cruel pour Theresa May
Editorial. A l’issue des élections générales du 8 juin en Grande-Bretagne, la première ministre tory essuie un échec sur tous les tableaux. Le résultat du vote est confus, hésitant, à l’image de la situation du pays face à l’UE.
La première ministre britannique, Theresa May, vendredi 9 juin, à Maidenhead, en Angleterre. | Alastair Grant / AP
Editorial du « Monde ». La Grande-Bretagne sort affaiblie des élections générales du jeudi 8 juin. A quelques jours du début d’une négociation historique sur la sortie du pays de l’Union européenne, les Britanniques se retrouvent sans majorité gouvernementale claire. Ils pourraient même être appelés à voter à nouveau à l’automne. Tout se passe comme si le oui au référendum sur le Brexit, le 23 juin 2016, avait ouvert une séquence politique cauchemardesque pour le royaume. Ce qui n’est pas surprenant.
Arrivée à Downing Street dans la foulée de la consultation sur le Brexit, la première ministre, Theresa May, avait pris le risque d’élections anticipées pour renforcer sa position avant de négocier avec Bruxelles. Elle disposait de la majorité absolue, elle voulait plus : une majorité de combat, suffisamment large pour réduire au silence les plus anti-européens du groupe parlementaire conservateur. Elle affichait une position de grande fermeté. Elle se présentait comme la seule en mesure de tenir bon « face à Bruxelles ». Elle prenait de haut son adversaire travailliste, Jeremy Corbyn, leader « gauchiste » d’un Labour en pleine crise existentielle. Seule certitude à l’issue du scrutin de jeudi : Mme May essuie un échec sur tous les tableaux.
Avenir politique brumeux
Le parti tory reste le premier à la Chambre des communes, mais perd sa majorité absolue et une bonne dizaine de députés. Le Labour en gagne une petite trentaine, mais demeure en deuxième position. Mme May peut bricoler une fragile majorité de gouvernement avec les élus unionistes d’Irlande du Nord. Elle peut aussi être mise en minorité dans sa formation et appeler à de nouvelles élections à l’automne. Ce vendredi 9 juin, l’avenir politique de Theresa May est aussi brumeux qu’un petit matin d’hiver sur la Tamise.
Mme May a fait une mauvaise campagne, à coup de slogans répétitifs véhiculant une épaisse langue de bois. Ex-ministre de l’intérieur ayant pris le risque de diminuer les effectifs de la police, elle s’est trouvée en position difficile face à la terrible campagne d’attentats – trois en deux mois et demi – qui vient de frapper les Britanniques. Elle a affronté un Jeremy Corbyn rajeuni, moins sectaire qu’à l’habitude, posant un principe de bon sens : il faut donner un coup d’arrêt au démantèlement de l’Etat social en ces temps de globalisation économique – thème que Mme May avançait aussi, mais plus discrètement.
Le Brexit n’a pas été au cœur de cette campagne. Il a pesé en toile de fond. Le résultat du vote est confus, hésitant, à l’image de la situation du Royaume-Uni face à l’UE. Pourquoi faut-il sortir d’une UE que les Britanniques ont tellement contribué à façonner à leur main ? Comment ne pas être frappé par la stupidité de la négociation à venir avec Bruxelles et qui consiste, pour Londres, à tout faire afin de garder un maximum de liens avec l’UE ? Comment ne pas renvoyer aux brexiters certains de leurs mensonges éhontés, et notamment celui consistant à vendre la fermeture des frontières comme une garantie de sécurité face à la terreur islamiste ? En Grande-Bretagne comme en France, les terroristes sont des ressortissants nationaux.
Dans les pourparlers à venir sur le Brexit, qu’il faudra bien ouvrir un jour, il n’est dans l’intérêt de personne de chercher à profiter de ce passage à vide politique que connaissent les Britanniques. Entre démocraties, on respecte l’expression libre de la volonté populaire. Même lorsqu’elle est indéchiffrable.