Réforme du code du travail : les temps forts de la première semaine de débat à l’Assemblée
Réforme du code du travail : les temps forts de la première semaine de débat à l’Assemblée
Le Monde.fr avec AFP
Les députés ont adopté les neuf articles du projet de loi d’habilitation permettant au gouvernement de réformer le code du travail par ordonnances. Retour sur les moments marquants de cette première semaine de débats au Palais-Bourbon.
La ministre du travail, Muriel Penicaud, le 10 juillet, à l’Assemblée nationale. | CHARLES PLATIAU / REUTERS
A une large majorité, les députés ont autorisé jeudi soir 13 juillet le gouvernement à légiférer par ordonnances sur la réforme du code du travail, réforme phare souhaitée par le président de la République, Emmanuel Macron. Le texte, qui définit le contour des futurs ordonnances, a été adopté avec 270 voix pour et 50 contre.
Sans surprise, les élus de La République en marche (LRM) se sont exprimés en faveur du texte ainsi que la plupart de ceux appartenant aux groupes MoDem, Les Constructifs et Les Républicains. La Nouvelle Gauche, les « insoumis » et les communistes ont voté contre. Alors que les négociations se poursuivent entre le gouvernement et les syndicats, et que le texte va maintenant être transmis au Sénat, retour sur les moments marquants de cette première semaine de débats à l’Assemblée.
Un texte pour donner « à la fois plus de liberté et plus de protection »
Avant que l’examen du texte à proprement parler débute, la ministre du travail, Muriel Pénicaud, a inauguré les débats par discours introductif à la tribune, lundi. « Le chemin que nous proposons pour notre pays, pour les salariés, pour les entreprises, c’est de donner à la fois plus de liberté et plus de protection, en misant sur ce dialogue social et économique ambitieux », a-t-elle affirmé.
« Souvent, la complexité du code du travail » est un handicap pour les entreprises, à qui il faut apporter « plus de souplesse, plus de liberté », a-t-elle encore plaidé sous les applaudissements des députés de La République en marche. De leur côté, les députés communistes et de La France insoumise ont critiqué la méthode du gouvernement qui souhaite aller vite. Ainsi dès l’ouverture de la séance, le PCF Jean-Paul Lecoq (Seine-Maritime) a fait un « rappel au règlement » pour déplorer les conditions d’examen « inédites », des délais « complètement fous », et un « dédain du gouvernement à l’égard des travailleurs ».
Ce fut ensuite au tour du député de La France insoumise, Adrien Quatennens, de s’en prendre à l’exécutif. Pour l’élu du Nord, Mme Pénicaud « déshonore sa fonction » quand elle dit que le code du travail est là pour « embêter 95 % des patrons ». Le ton était plus conciliant en revanche du côté de la droite. Si Gérard Cherpion (LR, Vosges) a critiqué des conditions d’examen du texte « inacceptables », il a assuré qu’il ne pouvait s’opposer à des propositions portées avec son groupe « les cinq dernières années ».
Les partis de gauche, principaux opposants
Les députés de La France insoumise brandissant le code du travail dans l’hémicycle, le 4 juillet. | MARTIN BUREAU / AFP
« Un pied dedans, un pied dehors. » Pour s’opposer à la réforme du code du travail du gouvernement, les députés de La France insoumise ont décidé d’être très actifs à l’intérieur de l’Assemblée nationale et dans la rue. Au cours d’un rassemblement mercredi soir place de la République à Paris avec plus d’un millier de personnes, le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a appelé ses partisans « à une forme d’insurrection morale » contre un « coup d’Etat social ».
Dans l’hémicycle, la contestation a surtout été incarnée par Adrien Quatennens. « Vous n’aurez pas notre blanc-seing pour jouer les apprentis sorciers avec le code du travail », a lancé le député de 27 ans lundi. Ce natif de Lille, qui a su se faire remarquer durant les débats, s’est également adressé avec malice aux députés de la majorité : « Ne vous laissez pas griser par la vague Macron qui vous a portés ici », « N’hésitez pas à vous “insoumettre” ! »
Tour à tour, les parlementaires de gauche ont notamment accusé les députés LRM de « manquer de libre arbitre » ou d’être « des ambassadeurs de la société des héritiers ». « Vous n’avez aucune leçon à nous faire en matière d’origine sociale. Je suis petite fille de couturière », a répliqué l’élue de Paris Olivia Grégoire.
De leurs côtés, les élus communistes ont également saisi chaque opportunité, chaque amendement, pour prendre la parole et demander au gouvernement des clarifications sur ses intentions.
Malgré cette vive opposition au Palais-Bourbon, les députés de gauche n’ont pas réussi à imposer leurs amendements. Le texte, qui définit le contour des futurs ordonnances, a en effet été très peu modifié cette semaine à l’Assemblée nationale. « Le vrai débat aura lieu au moment où on aura le contenu des ordonnances », prévient d’ores et déjà le président du groupe Nouvelle Gauche, le député socialiste Olivier Faure (Seine-et-Marne).
Les réformes adoptées, agrémentées de deux nouvelles mesures
L’Assemblée a validé l’ensemble des mesures prévues par le projet de loi du gouvernement : CDI de chantier (conclus pour la durée d’une mission), plafonnement des indemnités prud’homales, place centrale accordée à la négociation d’entreprise, modification du compte pénibilité ou encore report d’un an de l’entrée en vigueur du prélèvement à la source… Sur les 335 amendements examinés, seuls 38 ont été adoptés, sans vraiment chambouler l’esprit général du projet de loi.
Les discussions n’ont fait varier le texte sur le fond que sur deux points majeurs :
La ministre du travail, Muriel Pénicaud, s’est engagée dans la nuit de mercredi à jeudi à « augmenter les indemnités légales » de licenciement en septembre. Cette augmentation sera mise en place en septembre « par mesure réglementaire », a-t-elle précisé. Elle a demandé par conséquent le retrait d’un amendement du député Aurélien Taché (LRM, Val-d’Oise) allant dans ce sens.
Les députés ont adopté un amendement présenté par Les Républicains permettant de réformer les licenciements économiques en limitant le périmètre d’appréciation des difficultés économiques au plan national. Aujourd’hui, les difficultés économiques d’une entreprise sont appréciées par rapport au groupe auquel elle appartient, c’est-à-dire au niveau européen, voire mondial. Cette mesure, qui figurait dans le projet de loi El Khomri avant d’être retirée, était très décriée par les syndicats, qui craignent que des groupes organisent artificiellement des déficits en France pour pouvoir licencier.
Les principaux points de cristallisation du débat
Le financement des syndicats
Mardi soir, l’Assemblée s’est déchirée entre députés de La France insoumise et communistes d’un côté, et élus de la majorité, voire Les Républicains, de l’autre. La source des tensions : une forme de chèque syndical, prévu dans le projet de loi. Sans mentionner explicitement ce dispositif, le texte ouvre, dans son article 2, la possibilité pour le salarié « d’apporter au syndicat de son choix des ressources » financées par l’employeur.
Aucune organisation patronale ou syndicale, sauf la CFDT, n’est demandeuse de cette promesse d’Emmanuel Macron, a rappelé Pierre Dharréville (PCF, Bouches-du-Rhône). Agacé que la majorité soit « régulièrement prise à partie », le député LRM du Val-de-Marne Frédéric Descrozaille a appelé à « lâcher la bride » alors que « les salariés ne votent pas aux prud’hommes ou ne se syndiquent pas » souvent. A ses yeux, « comme pour la politique, le syndicalisme comme il existe depuis des décennies a fait la preuve de son inefficacité ». L’amendement LFI de suppression de cet article a été rejeté par 212 voix contre 27.
.@fdescrozaille (REM) : "Le syndicalisme depuis des décennies a fait la preuve de son inefficacité."… https://t.co/ZIcBcnZqG4
— LCP (@LCP)
Jean-Luc Mélenchon (LFI) a dénoncé « des applaudissements à l’idée que les syndicats sont inutiles » ou de « grosses machines » alors que « CGT, FO ou SUD se sont construites dans les luttes ». « Vous ne faites que reprendre des arguments qui, naguère, étaient ceux de Mme Le Pen ou de son père contre les organisations syndicales », a-t-il lâché.
- Le référendum d’entreprise
Le vote de l’article 1er du projet de loi, qui vise notamment à faire plus de place à la négociation d’entreprise, a également donné lieu à des échanges vifs mardi surtout autour de la consultation des salariés par voie de référendum. « Insoumis » et communistes y ont vu une volonté de « faciliter le recours à la consultation des salariés pour valider un accord » et une « manœuvre » pour « court-circuiter » les syndicats. Le groupe Nouvelle Gauche a, quant à lui, jugé la formule trop « vague ». Le rapporteur, Laurent Pietraszewski (LRM, Nord), a au contraire vanté « une deuxième chance laissée à la négociation collective en cas de blocage ».
Le recours au télétravail
Mercredi soir, l’examen des amendements portant sur l’alinéa consacré au fait de « favoriser le recours au télétravail », a donné lieu à une passe d’armes entre députés LRM et LFI.
Loïc Prud’homme (LFI, Gironde) a stupéfié les députés de la majorité en défendant la suppression de cet amendement, expliquant, notamment, que le télétravail « casse les moyens de lutte au travail ». « C’est incroyable qu’au XXIe siècle on puisse tenir de tels propos », lui a rétorqué le député LRM de Paris, Sylvain Maillard, évoquant une « vision d’un autre temps ».