Attentat à Kaboul : comment l’ambassadeur allemand a sauvé son personnel
Attentat à Kaboul : comment l’ambassadeur allemand a sauvé son personnel
Par Jacques Follorou (Kaboul - envoyé spécial)
Walter Hassmann avait fait évacuer son bâtiment plusieurs mois avant l’attaque, craignant qu’il subisse le même sort que le consulat visé à Mazar-e-Charif.
Devant l’ambassade allemande, à Kaboul, le 31 mai. | MOHAMMAD ISMAIL / REUTERS
Selon le NDS, les services secrets afghans, le camion piégé qui a provoqué la mort de plus de 150 personnes à Kaboul, le 31 mai, s’est arrêté à deux cents mètres de l’endroit de l’explosion, à l’angle de l’ambassade d’Iran. Une voiture est venue à sa hauteur pour procéder au remplacement du chauffeur.
Le camion orange, siglé au nom d’une compagnie de collecte des eaux usées, a ensuite repris sa route jusqu’à l’entrée de la zone verte, au niveau de l’ambassade d’Allemagne. Puis sa citerne chargée de TNT a explosé. D’après des experts britanniques, la puissance de la déflagration a été renforcée par l’emploi de RDX, un explosif militaire.
Le pire attentat depuis la chute du régime taliban, fin 2001, aurait pu être pire encore si l’ambassadeur allemand, Walter Hassmann, n’avait pas pris la décision, quelques semaines auparavant, de vider les locaux de ses occupants. Quelques mois plus tôt, le 10 novembre 2016, une attaque qui avait détruit une bonne partie du consulat allemand de Mazar-e-Charif – tuant 6 personnes et en blessant 128 autres – avait changé la donne pour le diplomate. Cette opération avait été revendiquée par les talibans « en représailles », dirent-ils, aux frappes aériennes américaines du 3 novembre à Kunduz (Nord-Est), qui avaient fait au moins 32 morts et 19 blessés.
Un bâtiment visible et vulnérable
Mazar-e-Charif avait longtemps été considérée comme l’une des villes les plus paisibles du pays. C’est dans cette cité et sa région qu’étaient positionnées les forces allemandes déployées au sein de l’OTAN jusqu’à fin 2014. Des instructeurs allemands y demeurent toujours en soutien à l’armée afghane, qui s’est installée dans les bases occupées jusqu’alors par les troupes de Berlin. Mais l’attaque contre le consulat illustrait la détérioration des conditions sécuritaires et montrait la montée en puissance des insurgés.
Aussi, dès le mois de novembre, l’ambassadeur Hassmann prend la décision de réévaluer la sécurité des emprises allemandes sur le territoire afghan. Le verdict est sans appel pour l’ambassade : située en bordure de l’une des rues les plus passantes du centre de Kaboul, dans le quartier de Wazir Akbar Khan, et haute de deux étages, elle est largement visible de la route et vulnérable à une attaque similaire à celle du consulat. Plusieurs centaines de personnes y travaillent, personnels allemands et afghans.
Selon un représentant du ministère des affaires étrangères allemand, interrogé par Le Monde, M. Hassmann obtient dès la fin 2016 l’accord de sa chancellerie pour vider le bâtiment et déplacer ses personnels. L’édifice est peu à peu désaffecté. Les diplomates allemands et les employés afghans sont priés de travailler dans d’autres locaux, notamment ceux se trouvant en retrait de l’ambassade, sur le grand terrain qui sert d’enclave diplomatique à l’Allemagne, voire, pour la plupart, de rester dans leur résidence dans l’attente d’une solution plus sécurisée. Il ne restait que le gardien, qui est mort le 31 mai.