Les débuts difficiles des LRM à la commission des lois
Les débuts difficiles des LRM à la commission des lois
Par Manon Rescan
L’examen du projet de loi sur la moralisation de la vie publique a donné lieu à de multiples cafouillages.
L’apprentissage du travail parlementaire passe aussi par l’adoption de menus réflexes, simples comme celui de bien couper son micro. Yaël Braun-Pivet, présidente (LRM) de la commission des lois de l’Assemblée nationale l’a compris à ses dépens, mercredi 19 juillet. Dans la matinée, croyant parler de manière confidentielle, elle a eu des mots très durs à l’égard des membres de son groupe. Ces paroles enregistrées ont tourné en boucle depuis.
Un nouveau mauvais coup pour une présidente dont le chemin est semé d’embûches et de maladresses depuis sa prise de fonction. Sa seule arrivée à ce poste prestigieux avait fait grincer nombre de dents. Avocate de formation, la députée des Yvelines n’a pas plaidé depuis bientôt quinze ans, à la faveur d’une expatriation pendant laquelle elle s’est occupée de ses cinq enfants. A son retour, elle s’est engagée aux Restos du cœur, en particulier sur l’accès à la justice pour les plus démunis. Ce mandat de députée est le premier pour cette femme qui a « toujours voté PS » et qui avait battu le sortant LR Jacques Myard lors du second tour des législatives.
Son parcours tranche quand l’usage voulait que la fonction soit réservée à des députés expérimentés. « Ça a pu surprendre mais j’ai été élue par mon groupe », rappelle la quadragénaire qui a décroché le poste contre deux députés sortants, devenant la deuxième femme à accéder à la tête de cette commission sous la Ve République, vingt ans après Catherine Tasca. Une élection à laquelle la volonté de parité n’est pas étrangère et qui a agacé plusieurs de ses collègues jusque dans les rangs de la majorité.
L’élue a déjà fait l’objet de deux indiscrets du Canard enchaîné, l’un rapportant qu’elle avait souhaité ne pas travailler le mercredi matin, jour consacré à ses enfants, l’autre la citant s’interrogeant sur le moment de « voter les décrets ». « C’est ridicule », s’agace-t-elle fustigeant une « invention ». « Elle ne savait pas ce qu’était un rapporteur », siffle un député de l’opposition qui se dit « dubitatif sur son vrai poids dans les négociations avec les ministères ».
« Emotionnellement » favorable
« Tout ce que je peux faire, c’est montrer que je suis légitime et compétente » se défend Mme Braun-Pivet. « Qu’on m’attaque sur ce que je fais dans mon travail », ajoute-t-elle. Pour la loi moralisation, elle a souhaité être rapporteure d’un texte qu’elle défendait ardemment avant même d’accéder à ces fonctions. Un poste qui l’a conduite à rendre un avis ambigu, mercredi matin, se disant « émotionnellement » favorable à un amendement exigeant des candidats aux législatives qu’ils aient un casier judiciaire vierge, mais émettant des réserves « juridiques » en raison des risques d’inconstitutionnalité. Il n’en fallait pas moins pour que les députés s’engouffrent dans ce flou, avant qu’elle ne rende, agacée, un avis favorable. « Elle a surestimé ses capacités à porter un tel texte », lâche, lapidaire, un élu de gauche.
« Je n’ai jamais assisté à des commissions aussi désordonnées », se désole pour sa part le socialiste Olivier Dussopt qui siège pour un troisième mandat d’affilée à la commission des lois. Ses critiques s’adressent plus largement à l’organisation d’un groupe majoritaire qu’il a trouvé « apathique » et au président de séance qui siégeait mercredi à la place de Mme Braun-Pivet, cette dernière ne pouvant avoir la double casquette de présidente et rapporteure. A plusieurs reprises, les commissaires ont été contraints de revoter des amendements pour assurer un juste comptage des voix. Un vote « assis-debout » (les députés se lèvent au lieu de lever la main pour voter) a même été organisé sur l’un des points. « C’est la première fois en dix ans de commission des lois que je vois ça, cela fait un peu brouillon », ajoute Philippe Gosselin du groupe Les Républicains.
« On va tous apprendre, moi y compris »
« On a un groupe qui dort, qui ne sait pas monter au créneau, qui est vautré », s’agaçait, dans l’enregistrement accidentel, Mme Braun-Pivet. « Au fond, elle n’a pas tort, observe Ugo Bernalicis de La France insoumise. Elle allait au front toute seule, sans soutien réel. » En commission, les élus macronistes ont en effet semblé vouloir expédier les travaux, balayant mécaniquement l’essentiel des amendements autres que les leurs, sans pour autant perdre du temps à défendre leur position. « Tout ce qui ne venait pas d’eux était rejeté par défaut, sans explication », relate M. Bernalicis. Cette attitude a valu aux députés LRM une séance de recadrage à huis clos mercredi après-midi avant la reprise des travaux. « Il y a une incompréhension sur le rôle de chacun en commission. On est tous en train de découvrir », confie un élu En marche !.
« Attention aux procès en incompétence, met en garde Erwan Balanant, député MoDem du Finistère. On en fait tout un pataquès parce que la moindre petite erreur est scrutée, mais des micros ouverts, j’en ai vu chez d’autres dans le passé, et des députés prétendument apathiques, j’en ai vu sur d’autres bancs. » « On va tous apprendre, moi y compris », renchérit Mme Braun-Pivet. L’opposition prévient, elle, que cette période de « rodage » ne devra pas se prolonger trop longtemps.