Forum philo « Le Monde » Le Mans 2017. Demandez le programme !
Forum philo « Le Monde » Le Mans 2017. Demandez le programme !
LE MONDE DES LIVRES
Trois jours d’échanges entre des intellectuels, des scientifiques, des écrivains, des artistes sur le thème : « Peur de quoi ? ». Les horaires. Les intervenants. Les informations pratiques.
Suivez en direct sur « Le Monde. fr » l’intégralité des rencontres et des débats du Forum philo
Depuis sa fondation, en 1989, le Forum philo Le Monde Le Mans demeure fidèle à une même vocation : conjuguer l’exigence de la réflexion et le débat citoyen pour penser une question de portée philosophique en résonance aussi bien avec l’actualité qu’avec nos préoccupations quotidiennes. Trois jours durant, des intellectuels, des scientifiques, des écrivains, des artistes… dialoguent dans un esprit de transmission et de pédagogie.
Entrée libre et gratuite. Palais des congrès et de la culture du Mans.
Vendredi 10 novembre
9 h 30 Introduction
10 heures Leçon inaugurale, par Patrick Boucheron, historien
Patrick Boucheron, historien et professeur au Collège de France. / PATRICK IMBERT/COLLÈGE DE FRANCE
« On a toujours raison de se révolter, mais on peut parfois avoir tort de ne pas avoir peur. C’est bien ce que tentait de crier Bertolt Brecht de 1935 à 1938 dans Grand-peur et misère du IIIe Reich à tous ceux qui avaient le tort de ne pas s’alarmer davantage, car ils ne comprenaient pas qu’il y a une catastrophe qui n’est pas d’irruption soudaine mais de continuation irrésistible, si évidemment prévisible que plus personne ne songe à la prévenir. Tocqueville nommait inquiétude cette paralysie de la volonté démocratique, une peur diffuse et vague, incapable de désigner l’objet du péril. Il suffit de la ressentir pour commencer à obéir à tous ceux qui se targueront de vous faire consentir à un pouvoir injuste : “Désespérant de rester libres, ils adorent déjà au fond de leur cœur le maître qui doit bientôt venir”, écrivait-il dans De la démocratie en Amérique. »
11 heures Pause
11 h 15-12 h 15 Forum
Origines de la crainte, terreur des origines
15 heures Alain Corbin, historien
15 h 30 Céline Spector, philosophe
16 heures Gérald Bronner, sociologue
16 h 30 Fragan Gehlker, artiste de cirque
17 heures Pause
17 h 15-18 h 15 Forum
Samedi 11 novembre
Conjurer la peur ?
9 h 30 Jean-Pierre Dupuy, philosophe
10 heures Emilie Tardivel, philosophe
10 h 30 Jean-Baptiste Fressoz, historien
11 heures Marc Crépon, philosophe
11 h 30 Pause
11 h 45-12 h 45 Forum
Images de la peur
15 heures Christophe Honoré, écrivain, réalisateur
15 h 30 Adrienne Boutang, spécialiste des études cinématographiques
16 heures Daniel Mesguich, comédien et metteur en scène
16 h 30 Pause
16 h 45-17 h 45 Forum
20 h 30
Soirée spéciale
Rencontre avec Claude Ponti
Claude Ponti, auteur jeunesse. / Eduardo redondo
Auteur et illustrateur de littérature jeunesse, Claude Ponti a publié en trente ans près de 70 albums (et quelques ouvrages pour adultes), pour lesquels il a créé de multiples univers et personnages inoubliables, tels Pétronille, Okilélé, Oum-Popotte, Lili Prune… Il dialoguera avec Frédéric Potet, journaliste au Monde.
Dimanche 12 novembre
Gouverner par la peur ? Entre rationalité et manipulation
10 heures Edgar Morin, sociologue
10 h 30 Nathalie Prince, spécialiste des études littéraires
11 heures Yves-Charles Zarka, philosophe
11 h 30 Pause
11 h 45-12 h 45 Forum
15 heures Séance conclusive
Jouissances de la peur
Grand entretien avec Elisabeth Roudinesco, historienne de la psychanalyse
Elisabeth Roudinesco, historienne. / bruno klein
Historienne de la psychanalyse, Elisabeth Roudinesco est l’auteure de nombreux ouvrages, où elle conjugue la passion des idées et l’amour de la littérature. Ses livres sont consacrés au devenir du mouvement freudien en France et à l’étranger, mais aussi à des questions d’actualité comme les métamorphoses de la famille (La Famille en désordre, Fayard, 2002) ou le devenir des thérapies de l’âme dans nos sociétés (Le Patient, le thérapeute et l’Etat, Fayard, 2004). Figure intellectuelle engagée, elle est intervenue régulièrement dans le débat public, notamment sur les enjeux de la laïcité, du féminisme ou de l’homoparentalité. Attachée à la mémoire de 1789, elle est également attentive aux nouveaux visages de l’émancipation. A propos des révolutions arabes, elle notait dans Le Monde, en 2011 : « Le pire serait de condamner par avance l’espoir au nom d’une possible dérive à laquelle on finirait par aspirer à force de jouir d’en avoir peur »…
16 heures Pause
16 h 15-17 h 15 Forum
Alain Corbin
La peur des catastrophes naturelles
Durant le Moyen Age et à l’aube des Temps modernes, les tremblements de terre, les volcans, les ouragans, les inondations étaient considérés comme le résultat de la colère divine suscitée par les péchés des hommes. Prières, processions avaient pour but d’obtenir le salut, tant était grande la peur de la damnation. A partir du milieu du XVIIIe siècle, ce type de peur s’efface très lentement. On attribue, peu à peu, les catastrophes à des phénomènes naturels, dont on ignora longtemps les causes. C’est la Terre qui semblait terrifiante. Depuis le milieu du XXe siècle, l’entrée dans l’ère anthropocène a réaménagé la texture de la peur.
Céline Spector
Pouvoir, peur et terreur
L’Etat peut-il rationnellement se fonder sur la peur ? Eclairer les mécanismes distincts des régimes despotiques et totalitaires permet de révéler la perversion inhérente aux sociétés qui usent de la peur ou de la terreur comme passion dominante. A contrario, les procédures de l’Etat de droit garantissent la liberté politique comme envers de la crainte. Dans le sillage de Judith Shklar (1928-1992), le « libéralisme de la peur » conçoit la politique comme moyen d’éviter le pire – l’usage de la cruauté ou de la violence par un pouvoir oppressif.
Gérald Bronner
La peur comme nouvelle idéologie
La peur constitue depuis toujours une information majeure pour notre cerveau et la vie en société. La peur a, d’une certaine façon, sauvé l’espèce parce qu’elle a permis, en des temps autrement plus hostiles, d’anticiper le risque et le danger et d’accroître les chances de survie de nos ancêtres. L’homme n’est plus l’objet de prédation comme il a pu l’être, et la nature des risques que nous encourons dans notre vie quotidienne a beaucoup changé. Pourtant, la peur demeure. Elle tend même à se muer en système idéologique, diffusant des argumentaires qui, sur un marché dérégulé de l’information, deviennent des produits cognitifs viraux.
Fragan Gehlker
Négocier avec la peur
Pour moi, la peur est évidente au cirque. Autant pour le spectateur, qui a peur d’être le complice forcé et passif de l’irrévocable, que pour l’acrobate, qui a peur d’être l’acteur involontaire de son propre drame. L’un des grands enjeux du cirque est donc d’apprendre à négocier avec cette peur. Cela veut dire ne pas se laisser envahir ni laisser envahir son public, mais garder un état de conscience clair et juste. Dialoguer avec nos angoisses pour pouvoir profiter de la beauté à laquelle elles nous donnent accès.
Jean-Pierre Dupuy
Avoir peur du nucléaire
Tel le héros wagnérien, les anticatastrophistes n’ont pas peur. Les frayeurs qui agitent nos contemporains ne sont-elles pas manipulées par les pouvoirs ? Penser ainsi revient à ignorer l’autre côté de la médaille : nous n’avons pas peur de ce qui devrait nous terrifier.
Les maîtres de l’énergie nucléaire n’ont qu’une peur : ils ont peur de la peur des autres. Ils préfèrent mentir outrageusement plutôt que de créer la panique. La dissuasion nucléaire est un équilibre de la terreur. On racontera un été 2017 passé auprès du gouverneur de la Californie alors que deux chefs d’Etat enragés se menaçaient d’annihilation mutuelle.
Emilie Tardivel
Vivre sans la peur
Dicté par une réplique d’Hiroshima et de Nagasaki dans les îles Bikini, Vivre dans la peur, film d’Akira Kurosawa (1955), met en scène le paradoxe de la modernité : pour se libérer de la peur de la mort violente, l’homme a redoublé la peur, il l’a transformée en terreur de l’anéantissement. Du Léviathan à la bombe H, une même logique, conjurer la peur par la terreur, donc par une peur au carré. Après les tragédies totalitaires et nucléaires du siècle dernier, ne faudrait-il pas s’en inquiéter, et se demander comme le psychiatre dans le film de Kurosawa : « Est-ce bien lui qui est fou, ou bien nous qui restons indifférents en ces temps de folie ? » Mais à l’ère du nihilisme, à quelle autre logique est-il encore possible de se vouer pour vivre sans la peur ?
Jean-Baptiste Fressoz
Continuer comme avant
Walter Benjamin (1892-1940) dit du progrès qu’« il faut le fonder sur l’idée de catastrophe. Que les choses continuent comme avant, voilà la catastrophe ». Peur de quoi ? De notre aptitude à « continuer comme avant », en dépit des désastres qui s’accumulent. Loin d’être devenues réflexives ou défiantes, nos sociétés fétichisent comme jamais auparavant la croissance et l’innovation. Que le vocable de « progrès » ait perdu de son lustre révèle simplement l’acceptation générale de sa logique : dans les sociétés contemporaines dites « de la connaissance », tendues vers l’innovation, c’est faute d’ennemi que le progrès a perdu son sens politique.
Marc Crépon
La peur, une passion politique
La peur est rarement spontanée ou, plutôt, elle ne l’est jamais exclusivement. Comme toute passion politique, elle n’est pas seulement une adversité, à laquelle les gouvernements et les institutions sont confrontés et avec laquelle ils doivent compter. Non seulement ils ont leur part de responsabilité dans ce qui l’active, mais elle constitue également une dimension de leur action, une carte avec laquelle jouent les forces politiques qui s’opposent sur la scène politique, un atout qu’elles savent pertinemment manipuler selon leurs intérêts particuliers et partisans. Le risque alors est ce qu’elle fait dire et laisse faire. Tous les dictateurs le savent et tous les apprentis dictateurs en ont retenu la leçon. Rien ne vaut la peur pour promouvoir la violence.
Christophe Honoré
Peur d’écrire
Je ne peux écrire que dans la peur. Elle me fixe et me révèle. Si je compare avec le cinéma, cet état de l’écriture est à l’image de ce que je ressens pour les acteurs après que je leur ai dit : « Action ». Ce mot insensé qu’on balance cent fois dans une journée de tournage… Cet « Action » n’est pas du tout le moment où je leur réclamerai d’être plus en vie, d’être « agités ». Non, c’est une alerte, c’est un « Attention », une peur que je leur transmets. Ma peur. Elle circule entre eux et moi le temps de la prise. Elle nous tient serrés dans sa main quelques minutes… C’est de cette peur-là que je parle quand j’évoque la frayeur nécessaire pour écrire.
Adrienne Boutang
Sursauts, relâchements, du « fais-moi peur » au « c’est pour de faux », la peur au cinéma
Au cinéma, la peur se construit autour d’une oscillation incessante entre fausses alertes et révélations terrifiantes. En traversant l’histoire du cinéma d’épouvante, des ombres portées de la lanterne magique aux films récents utilisant les ressources de la technologie (vidéosurveillance, réseaux sociaux) pour faire peur, il s’agira d’interroger ce glissement permanent du vrai au faux. Des récits imbriqués de la série Scream aux jeux d’ombres des classiques de l’horreur (Nosferatu), en passant par les paranoïas souvent justifiées des héroïnes gothiques (Rebecca, Rosemary’s Baby), on suivra les rapports complexes qui relient le cinéma d’horreur à l’imaginaire, de l’envie de se faire peur au besoin de s’apaiser, des monstres de pacotille aux créatures réalistes (La Nuit des morts-vivants).
Daniel Mesguich
Le théâtre ne fait pas peur
Au théâtre, la peur n’existe pas. La seule peur qu’on y pourrait éprouver, c’est qu’il s’arrête. Un trou de mémoire, un rideau qui resterait coincé… Pour le reste, sur la scène, pas de peur, jamais. Rien de ce que fait l’acteur, rien des « effets » de mise en scène, de lumière, de son, rien ne saurait véritablement faire peur. Parce qu’au théâtre, personne ne meurt jamais. Seuls meurent parfois des remplaçants, les « personnages ». Parce qu’au théâtre, à la fin, Abraham, Isaac et l’agneau nous saluent.
Edgar Morin
Un phénomène anthropologique multidimensionnel
Depuis l’héritage animal jusqu’à la mondialisation et à la crainte des attentats aujourd’hui (organisation Etat islamique) en passant par les dimensions sociologique (angoisse du futur incertain) et psychologique (« Tu trembles, Carcasse, mais tu tremblerais bien davantage si tu savais où je vais te mener », disait le vicomte de Turenne), j’évoquerai la peur comme phénomène anthropologique multidimensionnel. En m’appuyant sur mon expérience de résistant, j’évoquerai aussi les moyens de la surmonter, à commencer par la responsabilité et la solidarité.
Nathalie Prince
Peut-on aimer la peur ?
23 février 1887 : tremblement de terre à Nice. Nietzsche est enthousiaste. La nuit même qui suit le tremblement de terre, à 2 ou 3 heures du matin, il parcourt les rues de la ville. Ce qu’il veut contempler, c’est la peur venue s’afficher sur les visages. Dans ce geste, on peut lire l’expression déroutante, voire scandaleuse, d’une passion fin de siècle pour la peur. Non pas pour ce qui fait peur, mais un attrait pour la peur elle-même. Il apparaît que la peur n’est pas un simple sentiment, mais une expérience, une épreuve, une révélation. Mais qu’expérimente-t-on dans la peur ? Qu’est-ce qui s’y révèle que jusque-là on avait ignoré ?
Yves Charles Zarka
Ambivalence de la peur
Rationalité ou irrationalité de la peur. C’est de l’ambivalence de la peur qu’il sera question, dans la mesure où celle-ci peut en un sens donner lieu à toute sorte de manipulation (populisme), mais aussi, et à l’inverse, conduire à une modification rationnelle des règles de conduite, voire des lois (principe de précaution, par exemple).
Parution
Les actes du 28e Forum, « Hériter, et après »
Hériter, et après ?, sous la direction de Jean Birnbaum, Folio, « Essais », inédit, 192 p., 6,60 €.
« Il faudrait penser la vie à partir de l’héritage, et non l’inverse », disait le philosophe Jacques Derrida (1930-2004). Cette conception d’un héritage vivace, et qui éclaire l’avenir bien davantage encore qu’il nous ancre dans le passé, a fait le lien entre les intervenants du 28e Forum philo Le Monde Le Mans, qui s’est tenu du 4 au 6 novembre 2016. La question de l’héritage y a fait l’objet d’approches aussi sensibles que multiples, pour être envisagée à l’aune de la philosophie, bien sûr (avec Isabelle Stengers, Chantal Delsol, Maël Renouard, Mark Alizart), mais aussi de l’histoire (Mona Ozouf, Pierre Rosanvallon), de la pensée chinoise (Anne Cheng), de la littérature (Olivier Rolin)… « Ce dont nous héritons n’est souvent ni nommable ni saisissable une fois pour toutes, résume en ouverture Georges Didi-Huberman. Pourquoi cela ? Déjà parce que nous héritons d’oublis autant que de souvenirs. Souvent nous ne savons pas qui furent nos donateurs et comment se nomment nos trésors. Nous héritons de la vie, cela est sûr. Nous résultons. »
Evénement organisé par Le Monde, la ville du Mans, l’université du Maine et l’Association des amis du Forum philo Le Monde-Le Mans, en partenariat avec France Bleu Maine.
Entrée libre et gratuite. Palais des congrès et de la culture du Mans.
Renseignements téléphoniques : 02.43.47.38.60.
Le Forum philo est animé par Jean Birnbaum, responsable du « Monde des livres ».