La Belgique se mobilise pour sauver un universitaire condamné à mort en Iran
La Belgique se mobilise pour sauver un universitaire condamné à mort en Iran
Par Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, Correspondant)
Le professeur de médecine Ahmadreza Djalali est détenu depuis 2016 à Téhéran. Les autorités iraniennes l’accusent de corruption et d’espionnage.
« Les professeurs ne sont pas des criminels », peut-on lire sur cette affiche lors d’une manifestation de soutien à Ahmadreza Djalali, à Bruxelles, le 14 décembre. / VIRGINIE LEFOUR/AFP
La Belgique s’inquiète du sort d’Ahmadreza Djalali, 46 ans, professeur invité à l’Université flamande de Bruxelles (VUB) condamné à mort par la justice iranienne, le 21 octobre, pour ses liens présumés avec le Mossad, les services secrets israéliens.
D’origine iranienne, diplômé de l’université de Tabriz mais exilé en Europe, M. Djalali participait, en avril 2016, à une visite académique à Téhéran. Il a été appréhendé, incarcéré et inculpé pour corruption et activités d’espionnage. Dans une lettre écrite en août, ce professeur renommé, urgentiste et spécialiste de la médecine de catastrophe, a affirmé qu’il avait auparavant refusé de travailler pour les services secrets iraniens, ce qui lui vaudrait cette condamnation. Il indiquait également avoir été contraint de faire des aveux après avoir été soumis à une torture psychologique.
Le 9 décembre, la famille de l’universitaire, marié et père de deux enfants, a appris que son avocat avait « oublié » d’introduire un appel auprès de la Cour suprême contre la décision du juge Abolqassem Salavati, réputé pour ses opinions ultraconservatrices. L’avocat serait apparemment proche de ce magistrat, selon le professeur Gerlant van Berlaer, un collègue de M. Djalali.
La mobilisation en faveur de ce dernier a été lente, ce qui s’explique sans doute par le fait que, domicilié en Suède – il enseigne à l’Institut Karolinska de Stockholm –, il est également professeur à l’Université de Novare, en Italie, et à Bruxelles.
Placé à l’isolement durant trois mois
Les appels à la diplomatie européenne lancés par son épouse, Vida Mehrannia, seraient par ailleurs restés sans suite. Cette dernière estime, ainsi qu’elle l’a expliqué récemment au quotidien La Repubblica, que la haute représentante Federica Mogherini est la seule à pouvoir infléchir la décision de la justice iranienne. L’ancienne ministre italienne a longuement négocié l’accord sur le nucléaire iranien, qu’elle défend vigoureusement face à l’administration Trump, qui a refusé, en octobre, d’endosser ce texte conclu en 2015.
« Une grâce éventuelle de M. Djalali dépend désormais des autorités religieuses à Téhéran », juge quant à lui Philippe Hensmans, le responsable d’Amnesty International Belgique. L’organisation a lancé une pétition qui rassemble désormais des milliers de signatures tandis que les parlements fédéraux et régionaux belges, ainsi que les universités du royaume et le président du Parlement européen, en appellent désormais au régime iranien pour qu’il gracie le scientifique. Le ministère belge des affaires étrangères affirme suivre l’affaire « en permanence » par son ambassade, en liaison avec la diplomatie suédoise.
« M. Djalali est sans doute devenu une victime collatérale de la récente décision de Donald Trump », juge un diplomate européen. En affichant sa fermeté sur le cas de M. Djalali, comme sur celui de l’Irano-Britannique Nazanin Zaghari-Ratcliffe, condamnée à 5 ans de prison pour avoir prétendument tenté de renverser le régime, le régime de Téhéran voudrait s’assurer à tout prix le soutien des Européens en prenant en otages certains de leurs ressortissants, affirme la même source.
Placé à l’isolement durant trois mois, détenu sans pouvoir choisir un avocat durant sept mois, puis se voyant refuser les défenseurs qu’il avait désignés, le scientifique serait, selon ses proches, très affaibli. Il aurait perdu une vingtaine de kilos et souffrirait de problèmes d’estomac nécessitant une hospitalisation.
La VUB craint que l’exécution de son professeur soit désormais « inévitable ». Une hypothèse « difficile à vérifier », juge toutefois Jonathan Holslag, spécialiste des relations internationales au sein de cette université.