Démarrage timide de la vente du fonds d’Aristophil
Démarrage timide de la vente du fonds d’Aristophil
Par Roxana Azimi
Les enchères sur une partie du fonds de manuscrits et autographes d’Aristophil organisées à Drouot ont totalisé 3,8 millions d’euros et un taux d’invendu de 29 %.
Le rouleau manuscrit des « 120 journées de Sodome » du Marquis de Sade a été classé Trésor national et retiré de la vente. / CHRISTOPHE ENA/AP
La première vente du fonds de manuscrits et autographes d’Aristophil, organisée mercredi 20 décembre à Drouot par Claude Aguttes, était très attendue. Par l’Hôtel des ventes parisien, qui espérait clore son chiffre d’affaires sur un feu d’artifices. Mais plus encore par les 18 000 petits épargnants qui ont vu leurs économies partir en fumée dans ce fonds d’investissement mis en liquidation judiciaire en 2015.
Petite piqûre de rappel : soupçonné d’escroquerie en bande organisée et de pratiques commerciales trompeuses, Gérard Lhéritier, fondateur d’Aristophil, avait vendu depuis 2003 plus de 120 000 manuscrits et autographes à prix fort à des investisseurs, via un système d’indivision, tout en conservant la garde de leurs biens.
Deux manuscrits classés retirés de la vente
Lundi 18 décembre, les deux lots phares, le rouleau manuscrit des 120 journées de Sodome du Marquis de Sade et les premier et deuxième Manifeste du surréalisme d’André Breton ont été classés Trésors nationaux et retirés de la vente. Pour mémoire, Gérard Lhéritier avait acheté pour 7 millions d’euros le manuscrit de Sade avant de le revendre aux investisseurs d’Aristophil pour 12,5 millions d’euros. Ce document est aujourd’hui estimé entre 4 et 6 millions d’euros. La décision de classement de ces manuscrits était prévisible tant l’Etat les convoite depuis longtemps. « J’avais des acheteurs étrangers pour ces lots, mais on va négocier à partir du 1er janvier avec l’Etat, qui a accepté de les acheter au prix du marché international pour ne pas léser les braves gens qui ont tout perdu dans cette histoire », confie Claude Aguttes.
Faute de locomotive, la vente qui a totalisé 3,8 millions d’euros et un taux d’invendu de 29 % n’a rien d’un succès. Le lot le plus important, le manuscrit d’Ursule Mirouët d’Honoré de Balzac s’est certes adjugé 1,17 million d’euros. Une lettre de Napoléon Bonaparte à Joséphine s’est aussi vendue pour 320 320 euros, sur une estimation de 60 000 euros. En revanche le récit du naufrage du Titanic, estimé 400 000 euros, et revendu 1 million d’euros par Gérard Lhéritier aux petits épargnants, est resté sur la touche. « Il était sans doute estimé trop cher, on le remettra en ventes dans un ou deux ans, lorsque nous ferons une vente spéciale dédiée aux manuscrits américains », déclare Claude Aguttes.
La dispersion ne fait que commencer
Pour l’expert et marchand parisien Frédéric Castaing, qui avait participé à l’inventaire de ce fonds, ce coup d’envoi est un échec cuisant. « Additionner les pièces phare dans une seule vente était une erreur, c’est mauvais pour les propriétaires et pour les ventes futures », estime-t-il. CParti, une association représentant des copropriétaires du fonds d’Aristophil, avait déjà dénoncé début décembre l’impréparation de la vente et un catalogue « bric-à-brac propre à désorienter l’acheteur ». Et de s’inquiéter pour la suite des opérations.
Car la dispersion fleuve ne fait que commencer. Plusieurs centaines de ventes sont prévues sur une période de 6 à 7 ans. Mais Claude Aguttes refuse d’en donner le calendrier. « On va prendre notre temps, botte-t-il en touche. Il fallait démarrer, mais on va aller doucement pour la suite. » Quelle que soit la temporalité choisie, une chose est sûre : les investisseurs d’Aristophil ne retrouveront pas toutes leurs billes, loin s’en faut…