Dans les business schools les plus cotées, le coût d’un MBA complet atteint 50 000 ou 70 000 euros, voire ­davantage. / Domaine public

Qui paie ? Qui finance les MBA ? Nombre de participants prennent à leur charge l’intégralité de la ­facture, souvent corsée, de leur cursus – en particulier pour les programmes à temps plein (« full time » MBA). Mais beaucoup s’efforcent de trouver d’autres sources de financement, au moins pour une partie de la dépense.

Traditionnellement, il n’est pas rare, en effet, que l’employeur ­accepte d’investir dans la formation MBA d’un collaborateur qu’il tient à conserver. Les grands groupes anglo-saxons, et notamment les cabinets de ­conseil en stratégie ou les banques d’affaires, ont fréquemment eu recours à cette pratique.

Certaines sociétés ont même ­signé des accords avec des écoles, pour leur envoyer chaque année quelques cadres à haut potentiel. La Fondation Renault finance par exemple le MBA de diplômés de pays où l’entreprise est présente (Brésil, Russie, Turquie, Maroc…), dans le cadre d’un partenariat avec l’IAE Paris-Sorbonne et Dauphine. Le groupe Renault est également partenaire du MBA « full time » de l’ESCP Europe, et y propose notamment des études de cas « réels » sur ses métiers. Carlos Ghosn, le PDG, est le parrain de la première promotion.

Mais, aujourd’hui, ces pratiques sont nettement moins répandues. D’abord parce que, dans les MBA à temps plein, la majorité des participants ont quitté l’employeur. De leur côté, soucieuses de leur budget, les entreprises y regardent à deux fois avant de ­financer l’intégralité d’un cursus dont le prix, dans les business schools les plus cotées, atteint 50 000 ou 70 000 euros, voire ­davantage. D’autant que cela peut créer des rancœurs en interne… « En général, les entreprises préfèrent soutenir la formation d’un plus grand nombre de collaborateurs », observe Nathalie Lugagne, directrice déléguée à l’Executive Education d’HEC Paris.

Des ristournes

Il y a pourtant des exceptions. Ainsi à l’Insead, McKinsey, Bain ou le Boston Consulting Group restent parmi les principaux « sponsors » du programme. Et si bien des firmes renoncent à ­financer des MBA, d’autres prennent parfois le relais. « Il arrive que des PME acceptent de payer un EMBA [MBA à temps partiel], afin de fidéliser un de leurs dirigeants-clés, observe ainsi Stéphanie Ousaci, directrice des opérations des MBA à EM Lyon. Mais elles ne sont pas légion. »

Le plus souvent, les entreprises se contentent d’un financement partiel, au besoin assorti d’un aménagement de l’emploi du temps. Aux candidats de compléter eux-mêmes leur budget. Pour cela, de multiples possibilités s’offrent à eux. D’abord, obtenir une aide : la plupart des écoles offrent chaque année quelques bourses « d’excellence », réservées aux éléments les plus brillants, ou des bourses « au mérite » pour les candidats de milieux peu favorisés.

On trouve aussi, ici ou là, des aides destinées aux futurs créateurs ou aux candidats de pays émergents, des bourses réservées aux femmes… Certains gouvernements étrangers versent également des bourses, tout comme le ministère français des affaires étrangères (bourses Eiffel). Idem pour divers organismes privés comme le Rotary Club. Et les candidats peuvent aussi négocier une ristourne auprès de la direction de l’école… Dans tous les cas, il ne s’agira pas d’un financement intégral du programme. Mises bout à bout, ces sommes couvrent pourtant parfois l’essentiel du budget. « Au total, environ la moitié de nos participants béné­ficient d’une aide, sous une forme ou une autre », estime Sandra ­Richez, codirectrice du Global MBA de l’Edhec.

Autre piste classique, le recours à un prêt bancaire. Le niveau ­actuel des taux d’intérêt, très bas, rend cette formule attrayante : les participants empruntent couramment autour de 1 %, hors ­assurance. « C’est un investissement conséquent, certes. Mais les diplômés qui veulent prendre leur carrière en main ne doivent pas hé­siter, insiste Jacques Maisetti, codirecteur de l’Executive MBA de l’IAE d’Aix-Marseille. Après tout, beaucoup ne rechignent pas à dépenser plusieurs centaines d’euros par mois pour l’achat d’une voiture… »

Montage complexe

Reste, enfin, le recours aux ­différents dispositifs de la ­formation continue. On peut ainsi faire financer son MBA dans le cadre du plan de formation de son ­entreprise, utiliser le mécanisme du compte permanent de for­mation (CPF), se tourner vers le Fongecif… « Pour les Executive MBA, les DRH demandent de plus en plus aux candidats d’épuiser d’abord toutes les possibilités de financement, avant de compléter éventuellement, constate William Hurst, ­directeur d’Audencia Executive Education. Certains demandent aussi au collaborateur d’utiliser une part de son temps de congés pour se former et de renoncer à son bonus variable… » Entreprises et salariés entrent ainsi dans une logique de co-investissement dans la formation MBA.

Résultat, de plus en plus de ­participants combinent différents modes de financement : res­sources personnelles, fonds de formation continue, bourse, prêt bancaire… Dans le cas de Trium, le global MBA « de luxe » (frais de scolarité : 130 000 euros), monté par HEC avec la London School of Economics et New York Stern University, on peut distinguer trois groupes : « Un tiers de nos participants sont entièrement financés par leur employeur, un tiers paient eux-mêmes leur cursus, et les autres jonglent entre ­divers modes de financement », indique Nathalie Lugagne. Mais la répartition varie d’un MBA à l’autre. « Le plus souvent, nos ­participants ne paient que quelques milliers d’euros de leur poche, le reste étant pris en charge de diverses façons », note-t-on à l’IAE d’Aix-Marseille.

Le montage des dossiers se ­révèle complexe et réclame un vrai savoir-faire, voire une expertise. Aussi les écoles se mobilisent-elles. HEC, par exemple, ­emploie une personne à temps plein pour conseiller les candidats dans leurs démarches. Même chose à Audencia : « Nous expliquons aux participants les mécanismes de la formation professionnelle, nous les aidons à négocier avec leur employeur ou à utiliser leur CPF, expose William Hurst. Ces démarches peuvent prendre plusieurs mois. » A l’IAE d’Aix-Marseille, une cellule est chargée de monter les dossiers, en actionnant tous les leviers possibles. Même chose à EM Lyon. L’ingénierie de financement des MBA devient ainsi un nouveau service pour les business schools.