Ni Bolloré ni Petrolin : pour le train, le président béninois préfère Pékin
Ni Bolloré ni Petrolin : pour le train, le président béninois préfère Pékin
Patrice Talon a demandé au groupe français et à son concurrent béninois de se « retirer à l’amiable » du projet ferroviaire entre Cotonou à Niamey.
Nouveau rebondissement dans le dossier du projet ferroviaire qui doit relier le Bénin au Niger, bloqué depuis des années par un imbroglio judiciaire : dans un entretien accordé au magazine français Challenges publié jeudi 22 mars, le président béninois, Patrice Talon, a demandé au groupe français Bolloré et à son concurrent béninois Petrolin de se « retirer, à l’amiable, du projet », assurant qu’ils seront « indemnisés de façon équitable ».
« Un investisseur privé ne peut pas financer seul le chemin de fer que nous voulons », a fait savoir le chef de l’Etat, qualifiant le projet voulu par le groupe Bolloré de « bas de gamme ». « La Chine dispose des moyens financiers nécessaires », a souligné M. Talon, alors que les travaux sont estimés à 4 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros). Et « elle a démontré son savoir-faire technique » en ce qui concerne les infrastructures en Afrique, a ajouté le président, qui s’adresse très rarement à la presse.
Contacté par l’AFP, un responsable des cheminots à Cotonou, la capitale économique du Bénin, a confié avoir « de grandes inquiétudes face à l’allure que prend ce projet qui doit redonner vie à notre activité ».
Une longue bataille judiciaire
En 2008, le Bénin et le Niger avaient lancé un appel d’offres en commun pour la construction et la gestion d’un réseau ferroviaire de 740 km reliant Cotonou à Niamey. Il avait été remporté par Petrolin, la société de l’homme d’affaires Samuel Dossou-Aworet, avant d’être confié en 2013 au groupe Bolloré via la société Bénirail, un partenariat public-privé.
S’en est suivie une longue bataille judiciaire, que Petrolin a remportée en appel en novembre 2015, obligeant le groupe Bolloré et l’Etat béninois à porter l’affaire en cassation, devant la Cour suprême. En septembre 2017, celle-ci a débouté Bolloré, donnant raison à Samuel Dossou-Aworet. Mais le projet est toujours au point mort.
Claudine Affiavi Prudencio, porte-parole de Petrolin, a répondu aux déclarations du président en assurant que « le retrait de Petrolin sera le résultat d’une négociation entre les Etats du Bénin et du Niger ». Des proches de Samuel Dossou-Aworet joints par l’AFP soutiennent que « cette option [le retrait du projet] n’est pas encore formellement notifiée au groupe Petrolin » et qu’« à aucun moment le groupe n’a été défaillant ».
« Les chefs d’Etat [du Bénin et du Niger] ont essayé de les rapprocher [Petrolin et Bolloré] sans succès, a confié à l’AFP un proche de la présidence béninoise. Ce serait à eux de montrer qu’ils peuvent s’entendre pour porter un projet convaincant. » Le groupe Bolloré n’a pas souhaité dans l’immédiat commenter ces déclarations.