A Marseille, la quête des billets pour la finale tourne à la frustration
A Marseille, la quête des billets pour la finale tourne à la frustration
Par Gilles Rof
L’OM n’a reçu que 11 566 places pour la finale de la Ligue Europa et doit gérer une pénurie auprès de ses supporteurs, partenaires et salariés.
Des supporteurs de l’OM lors du match face à Nice, le 6 mai 2018. / PHILIPPE LAURENSON / REUTERS
Après l’euphorie, la frustration. Enivrés par la qualification de leur équipe pour la finale de la Ligue Europa, mercredi 16 mai à Lyon contre l’Atlético Madrid, les supporteurs de l’Olympique de Marseille ont soudain compris qu’ils ne pourraient pas tous vivre le match de l’année. « Tout le monde cherche des billets, c’est du délire », constate un responsable ultra, assuré, lui, d’avoir son sésame. Sur les réseaux sociaux, tous ceux qui de près ou de loin sont liés à l’OM – sponsors, journalistes, supporteurs médiatisés… – sont harcelés. « J’ai mis mon téléphone de côté, je ne réponds plus qu’aux numéros que je connais », glisse un salarié du club.
Comme son adversaire madrilène, dont les supporteurs protestent eux aussi sur les réseaux sociaux, l’OM n’a reçu que 11 566 places de la part de l’Union européenne de football (UEFA), organisatrice de la rencontre et de la compétition. Une dotation extrêmement faible pour un club qui compte 33 000 abonnés et a joué à guichets fermés ses 2 derniers matchs européens à domicile, avec plus de 60 000 spectateurs. Le club de supporteurs Marseille Trop Puissant évoque « une honte ». Son homologue des South Winners dénonce « un scandale », fustige la volonté de l’UEFA de « se démarquer du foot populaire » et rappelle qu’en 1993 à Munich, pour la finale de la ligue des Champions 1993 contre le Milan AC, 25 000 Marseillais étaient dans le stade (1-0).
« Il nous aurait fallu un quota deux fois plus important »
A l’OM, on se garde de charger l’instance européenne, mais on s’interroge sur la méthode de commercialisation des billets de la finale, très en amont de l’événement. Et sur la part conservée pour les finalistes, dans un Groupama Stadium qui compte 57 000 sièges. « Le fait que cela se passe à Lyon, à trois heures de voiture, a fait exploser la demande, note-t-on à la communication de l’OM. Il nous aurait fallu un quota deux fois plus important pour gérer correctement la situation. De l’ordre de ceux que nous recevons pour une finale de coupe de France ou de coupe de la Ligue. »
L’OM a géré la pénurie en privilégiant ses plus fidèles supporteurs. Sept mille neuf cents billets – à 45 et 65 euros – ont été attribués aux associations qui animent toute la saison les virages du Vélodrome et représentent… près de 24 000 abonnés. Cette semaine, Ultras, South Winners, Yankees ou Fanatics serviront d’abord leurs adhérents les plus actifs, qui aident aux tifos, participent aux déplacements. Soit quelques centaines de personnes. « Ceux qui sont allés à Salzbourg pour la demi-finale sont prioritaires », assure Marc, abonné des Dodgers, aujourd’hui encore plus content d’avoir fait le déplacement en Autriche. D’autres ont prévu d’attendre toute la nuit devant les locaux de leur association. Sans certitude.
Seule note d’humour dans cette situation tendue, les South Winners ont proposé, mardi, d’offrir deux places à l’ancien olympien Benjamin Mendy, aujourd’hui à Manchester City. Un ex de la maison menacé de poursuites par l’Olympique lyonnais pour avoir repris, sur Twitter, le chant viral des supporteurs marseillais menaçant de « tout casser » dans le stade rhodanien.
« Ne nous demandez pas des places… nous n’en avons même pas assez pour nos familles »
L’espoir, en revanche, est déjà passé pour une bonne partie des abonnés des autres tribunes du Vélodrome. L’OM a organisé à leur intention un tirage au sort lundi 7 mai sur son site Internet. « Je me suis inscrit. On m’a demandé mon numéro d’abonné, ma carte d’identité… Je n’ai pas eu de nouvelles. C’est mort », témoigne, dépité, Nicolas, assidu au Stade-Vélodrome depuis 2010. Les près de 2 000 chanceux devront, eux, sans faute, se déplacer personnellement, jeudi 10 mai avant midi pour récupérer leur ticket à la billetterie du Stade-Vélodrome.
« Ne nous demandez pas des places… nous n’en n’avons même pas assez pour nos familles », a prévenu, mi-amusé, mi-agacé, Rudi Garcia, l’entraîneur de l’Olympique de Marseille, mardi 8 mai en conférence de presse. « J’en ai pour mes proches, mes amis, et puis c’est tout », complète le jeune milieu de terrain Maxime Lopez, Marseillais d’origine, qui reconnaît que les demandes ont saturé son téléphone. Comme les autres, les joueurs de l’OM ont été rationnés. « Deux invitations et quatre places à acheter par personne. Soit 300 places pour l’ensemble du groupe professionnel, staff compris », précise le club. Dans les autres services, au centre de formation, comme chez les féminines, chaque salarié olympien a reçu une invitation et s’est vu proposer une seconde place payante. L’OM a également acheté deux loges, pour accueillir son actionnaire, l’Américain Frank McCourt, qui, lui, ne ratera pas l’événement.
Comme pour la demi-finale retour, la municipalité marseillaise transformera une partie du Stade-Vélodrome en fan-zone, permettant à plus de 20 000 supporteurs de suivre gratuitement le match. Les frustrés de la finale auront, au moins, l’opportunité de vivre une messe collective. Piètre consolation.