En Italie, Carlo Cottarelli, bête noire des populistes
En Italie, Carlo Cottarelli, bête noire des populistes
Par Jérôme Gautheret (Rome, correspondant)
Nommé à la tête du gouvernement de transition, cet économiste de formation incarne tout ce que rejettent en bloc la Ligue et le Mouvement 5 étoiles.
Carlo Cottarelli, lors de son arrivée à la Chambre basse du Parlement, à Rome, le 28 mai. / Giuseppe Lami / AP
Bien sûr, Carlo Cottarelli n’est pas élu, et au long de sa riche carrière, ce technicien de l’économie est toujours resté à l’écart des fonctions politiques. Mais, à la différence de Giuseppe Conte, le candidat malheureux mis en avant par le Mouvement 5 étoiles (M5S) et la Ligue, les Italiens le connaissaient-ils déjà un petit peu, lorsque le président, Sergio Mattarella, dimanche 27 mai au soir, a annoncé lui avoir confié la charge de tenter de former un gouvernement, dans les pires conditions qui soient.
Né en 1954 à Crémone (Lombardie), économiste de formation, Carlo Cottarelli incarne, presque physiquement, tout ce que rejettent en bloc la Ligue et le M5S. Il a fait ses classes à la Banque d’Italie – un des lieux stratégiques dans la fabrique des élites italiennes –, avant d’entrer au Fonds monétaire international (FMI) en 1988, et d’y faire la plus importante partie de sa carrière. En 2013, sa nomination par le premier ministre, Enrico Letta, au poste de commissaire à la révision de la dépense publique lui avait valu une certaine notoriété, ainsi qu’un surnom : « M. Ciseaux ».
Retourné au FMI, en 2014, comme directeur exécutif pour l’Europe du Sud, il occupait, depuis l’automne 2017, les fonctions de directeur de l’Observatoire des comptes publics de l’Université catholique de Milan. Depuis ce poste d’observation privilégié, il n’avait cessé, durant la campagne législative, de brocarder les promesses électorales de la coalition de centre droit et du Mouvement 5 étoiles, basées, selon lui, sur des prévisions de croissance et d’inflation irréalistes.
Expédier les affaires courantes
Il y a quelques jours, il avait également proposé un chiffrage des diverses mesures envisagées par l’alliance entre Luigi Di Maio (M5S) et Matteo Salvini (Ligue), dont il avait estimé le coût global entre 108 et 127 milliards d’euros, couverts par… 500 millions d’euros de recettes nouvelles. Autant dire que, si sa compétence et sa connaissance des dossiers ne font pas de doute, Carlo Cottarelli aura le plus grand mal à s’attirer les bonnes grâces de ces deux formations, qui, à elles deux, disposent d’une majorité à la Chambre des députés comme au Sénat.
Ayant promis de présenter une équipe de gouvernement resserrée « au plus vite », Carlo Cottarelli s’est vu fixer l’objectif de faire voter le prochain budget, ce qui supposerait qu’il parvienne à obtenir un vote de confiance au Parlement. Dans le cas inverse – nettement plus probable –, il se contenterait d’expédier les affaires courantes jusqu’à des élections législatives qui se tiendraient au début de l’automne.
Très pessimistes depuis plusieurs jours, les marchés n’ont manifesté aucun soulagement à l’annonce d’une nomination qui était pourtant faite pour leur plaire. Lundi, la Bourse de Milan perdait encore près de 2,5 %, tandis que le « spread » – l’écart entre les taux à dix ans allemands et italiens, considéré comme un baromètre du risque – atteignait, le soir, les 230 points de base, soit son niveau le plus haut depuis 2013.