La semaine risque d’être longue pour Donald Trump. Le président des Etats-Unis va devoir, en effet, assister en spectateur aux hommages rendus à l’un de ses adversaires les plus implacables, le sénateur républicain de l’Arizona John McCain, emporté le 25 août par une forme particulièrement agressive de tumeur au cerveau. Donald Trump a réagi à sa mort par un message publié sur son compte Twitter dans lequel il a présenté ses condoléances à sa famille. Mais il n’a pas eu un mot pour l’une des plus grandes figures de la vie politique américaine contemporaine, après avoir bloqué selon le Washington Post un communiqué officiel plus louangeur.

Le mépris était sans doute trop profond entre l’iconoclaste qui a déjà modifié avec succès l’ADN du Parti républicain, et le franc-tireur qui se fiait souvent, avant d’arrêter ses choix, à sa propre boussole et à son attachement à son pays plutôt qu’au programme politique de sa formation. John McCain avait d’ailleurs fait savoir avant sa mort que la présence de M. Trump ne serait pas souhaitée à ses funérailles.

Minute de silence à la mémoire de John McCain, dans le stade de Baltimore, le 26 août. / Gail Burton / AP

Donald Trump avait défié avec succès pour la première les lois de la pesanteur en politique, en juillet 2015, en contestant le statut de héros de l’inamovible sénateur de l’Arizona, gagné plus de quarante ans plus tôt dans les geôles vietnamiennes, et que le Parti démocrate a rappelé dans son hommage. Lui avait échappé à la conscription officiellement du fait d’excroissances osseuses aux pieds. Il ne s’était jamais excusé.

La liste était longue de leurs divergences. John McCain a défendu une vision humaniste de l’immigration violemment récusée par Donald Trump. Il a inlassablement plaidé pour des interventions américaines au nom de la liberté, douté de la sincérité de la Russie de Vladimir Poutine, et s’est opposé avec constance, de nouveau au nom des valeurs de son pays, à l’usage de la torture.

Contre la réforme de l’Obamacare

« John McCain était le seul politicien américain d’envergure à incarner le néoconservatisme, cette école de pensée sans corps électoral », a estimé sur Twitter un expert de ce courant, Justin Vaïsse, directeur du Centre d’analyse, de prévision et de stratégie du Quai d’Orsay. Sur tous ces sujets, Donald Trump n’a cessé de défendre des positions diamétralement opposées.

La détestation entre les deux hommes a culminé lorsque le sénateur de l’Arizona a contribué, à l’été 2017, à l’échec de son projet de réforme de l’Obamacare, la protection sociale léguée par l’ancien président démocrate. Cette réforme tenait à cœur à Donald Trump, prompt à exiger des élus de son camp une loyauté absolue.

Jusqu’à son dernier souffle, John McCain s’est d’ailleurs fait un devoir d’appeler les conservateurs à la lucidité face à Donald Trump. Sa voix va désormais cruellement manquer dans une formation qui s’est progressivement résignée à suivre sans broncher l’ancien magnat de l’immobilier.

La disparition du président de la commission des forces armées du Sénat porte un coup sévère au camp déjà amoindri des détracteurs républicains du locataire de la Maison Blanche. D’autant que les élections de mi-mandat, le 6 novembre, vont s’accompagner d’autres départs d’élus intransigeants à propos du style ou des choix de Donald Trump, qu’il s’agisse du second sénateur de l’Arizona, Jeff Flake, ou du président de la prestigieuse commission des affaires étrangères de la Haute Assemblée, Bob Corker (Tennessee). Selon le Washington Post, John McCain et Bob Corker devraient être remplacés par des élus bien mieux disposés à l’égard de Donald Trump : les sénateurs James Inhofe (Oklahoma) et James Risch (Idaho).

Alignement sans nuances

A l’occasion de l’office religieux qui sera rendu samedi 1er septembre à la cathédrale de Washington, les responsables politiques américains tourneront aussi une page des institutions – celle d’un Sénat capable de transcender ses clivages partisans pour parvenir à des compromis entre démocrates et conservateurs. Côté républicain, John McCain s’y était montré toujours favorable à l’intérêt général, qu’il s’agisse du compromis obtenu en 2005 sur des nominations dans la justice, ou d’une réforme de l’immigration torpillée par la suite par la Chambre des représentants contrôlée par les républicains en 2014.

Aucune relève n’est espérée au sein du Grand Old Party. Les primaires en cours confirment la nécessité, pour espérer l’emporter, d’un alignement sans nuances sur Donald Trump, qui défend depuis son arrivée à la Maison Blanche une vision clanique de la politique. Depuis les élections de 2016 et à l’exception du gouverneur sortant de l’Ohio, John Kasich, tous ceux qui s’étaient opposés au magnat de l’immobilier, qu’il s’agisse des sénateurs Marco Rubio (Floride), Ted Cruz (Texas) ou du libertarien Rand Paul (Kentucky) sont rentrés dans le rang.

Ephémère candidat à l’investiture républicaine en 2016, le sénateur de Caroline du Sud Lindsey Graham comptait parmi les élus les plus proches de John McCain. Il est devenu au fil des mois un avocat dévoué de Donald Trump.