Violences sexuelles au sein de l’Eglise catholique : le pape François fait trop peu, trop tard
Violences sexuelles au sein de l’Eglise catholique : le pape François fait trop peu, trop tard
Editorial. Le souverain pontife, en visite en République d’Irlande, a demandé le pardon des fidèles pour les violences sexuelles impliquant l’Eglise. Ce geste ne masque pas la mauvaise gestion de ces affaires par le Vatican.
Le pape François en train de prier, à Knock Shrine, en Irlande, le 26 août. / HANDOUT / AFP
Editorial du « Monde ». Le flot des révélations sur les violences sexuelles au sein de l’Eglise catholique semble ne jamais devoir se tarir. Tout l’été, juges, enquêteurs et procureurs de Pennsylvanie, du Chili ou d’Australie ont alimenté la sinistre chronique de plus de trois décennies d’agressions. En République d’Irlande, cette tragédie a encore dominé la visite du pape François, qui a demandé avec insistance, dimanche 26 août, le pardon des fidèles.
Cette contrition pontificale ne suffira cependant pas à rétablir l’image dévastée de l’Eglise et de son clergé. Dimanche, au lendemain de la rencontre du pape avec des victimes de prêtres irlandais, un ancien nonce apostolique aux Etats-Unis, Mgr Carlo Maria Vigano, accusait François, dans une lettre rendue publique, d’avoir lui-même longtemps couvert les abus commis par l’ex-cardinal Theodore McCarrick, archevêque de Washington, qu’il a fini par démettre du Sacré Collège en juillet. L’ancien nonce, proche de Benoît XVI et connu pour son opposition à François, n’est pas neutre, et le pape s’est ouvertement refusé à commenter ses accusations, demandant aux journalistes de les lire attentivement et de formuler leur propre jugement. Mais le sommet de l’Eglise est aujourd’hui si fragilisé par l’étendue de ces scandales que cette lettre a suffi à empoisonner la dernière journée de la visite du pape en Irlande.
Trop peu, trop tard. A force d’avoir procrastiné et faute d’avoir mesuré en temps utile l’ampleur de la déflagration de ces scandales au sein de la communauté catholique, c’est aujourd’hui le chef de l’Eglise, le pape François, qui en paie le prix. Elu en 2013, il était apparu comme l’une des dernières figures susceptibles d’avoir un discours moral de portée universelle sur les grands sujets d’actualité. Ses propos dénonçant l’inhumanité du traitement des migrants, la puissance de l’argent et les ravages du réchauffement climatique ont fait naître cet espoir.
Le dossier chilien
Mais les affaires de violences sexuelles qui n’ont cessé d’éclater au sein de l’Eglise ont fini par le rendre inaudible sur les autres sujets. Depuis le mois de janvier et sa désastreuse visite au Chili, on ne guette quasiment plus, de sa part, que des commentaires sur le dernier scandale mis au jour. Sur le dossier chilien, il s’est d’ailleurs lui-même mis en position d’accusé, en prenant parti pour un évêque controversé sans même avoir entendu les victimes.
Le Vatican affirme avoir pris des mesures, depuis le début des années 2000 et les révélations sur les scandales du diocèse de Boston et les mauvais traitements infligés aux enfants dans les institutions irlandaises, pour briser l’omerta et prévenir de nouveaux abus. Ce n’est pas faux – mais c’est insuffisant.
Ainsi, aucun mécanisme permettant de juger la responsabilité d’évêques ayant protégé des prêtres dont les abus étaient portés à leur connaissance n’a été mis en place. En outre, l’opacité demeure totale sur la « gestion de carrière », par le Vatican, de figures telles que celle du cardinal déchu Theodore McCarrick, dont apparemment beaucoup de monde connaissait la pratique de mettre des séminaristes dans son lit. Enfin, les mesures prises pour prévenir les abus du clergé sont limitées à quelques pays occidentaux ; rien ne semble prévu dans les diocèses d’Afrique ou d’Asie. Tant que cette réforme ne sera pas vraiment engagée, dans un effort résolu de transparence, le pape François sera privé de son magistère moral.