Face à la pauvreté, passer de la parole aux actes
Face à la pauvreté, passer de la parole aux actes
Editorial. Si le plan de lutte contre la pauvreté présenté par Macron peut être salué, les associations jugent insuffisant le budget alloué sur quatre ans.
Le président Emmanuel Macron, lors du discours de présentation du plan pauvreté, le 13 septembre à Paris. / Michel Euler / AP
Editorial du « Monde ». Le président de la République a le chic pour effacer d’un mot ou d’une réplique à l’emporte-pièce les discours les mieux préparés et les plus charpentés. Etrange dédoublement verbal dont c’est peu de dire qu’il est contre-productif. Le dernier exemple en date n’est pas passé inaperçu. Samedi 15 septembre, un jeune homme venu visiter l’Elysée dans le cadre des Journées du patrimoine croise le chef de l’Etat et lui expose sa situation : il a fait une formation d’horticulteur, mais ne trouve pas d’emploi et est au chômage. La réponse présidentielle est instantanée : il y a des dizaines de milliers d’emplois non pourvus dans l’hôtellerie, la restauration, le bâtiment…, « il suffit de traverser la rue » pour le constater et pour sortir du chômage, si l’on est « motivé ».
La formule se veut frappée au coin du bon sens. Elle vient malheureusement parasiter la présentation par Emmanuel Macron, deux jours plus tôt, d’un ambitieux plan de lutte contre la pauvreté, dont le chômage, on le sait, est bien souvent l’antichambre. Le défi n’est pas mince, dans un pays où quelque 9 millions de personnes, adultes ou enfants, vivent sous le seuil de pauvreté, c’est-à-dire avec moins de 1 015 euros mensuels pour une personne seule (60 % du revenu médian).
La philosophie d’action et les propositions énoncées par le président de la République sont à la hauteur de l’enjeu. Elles entendent s’attaquer à la pauvreté à la racine, c’est-à-dire à ces « inégalités de destin qui se perpétuent de génération en génération », et permettre à ceux qui sont « assignés » à la pauvreté de « s’émanciper » des déterminants sociaux qui les cantonnent dans la précarité.
Un plan encourageant
Quant aux mesures annoncées, elles apparaissent indéniablement bénéfiques. C’est le cas, notamment, de celles qui concernent la petite enfance : développement des crèches, des modes de garde et de leur prise en charge pour les familles défavorisées qui y ont très peu accès ; plan de formation des professionnels de la petite enfance pour favoriser l’apprentissage de la langue française avant l’entrée à l’école maternelle ; distribution gratuite de petits déjeuners dans les écoles des zones défavorisées.
De même, les mesures en faveur de l’emploi des jeunes (obligation de se former jusqu’à 18 ans, développement de la Garantie jeunes) ou d’aide au retour à l’emploi pour les allocataires de minima sociaux sont salutaires. Enfin, la simplification du maquis des aides sociales que le gouvernement envisage de fusionner dans le cadre d’un « revenu universel d’activité » devrait favoriser le recours à ces dispositifs de protection, trop souvent ignorés par les intéressés.
Reste à passer de la parole aux actes, et d’un plan encourageant – même s’il reste très lacunaire sur les questions du logement et des grands exclus qui sont à la rue – à sa mise en œuvre effective. Le chef de l’Etat n’a pas caché que la construction de « l’Etat-providence du XXIe siècle » serait un effort de longue haleine, « à hauteur d’une génération ». Dans l’immédiat, les 8 milliards d’euros mobilisés sur quatre ans (dont la moitié de mesures nouvelles) apparaissent encore bien timides aux associations et acteurs de la lutte contre la grande pauvreté. De même, la loi instituant le revenu universel d’activité nécessitera de longues concertations et ne pourra guère être mise en œuvre avant 2020. C’est donc une mobilisation et une vigilance constantes qui s’imposent pour que le discours présidentiel produise ses effets.