Sécu : premier budget en excédent depuis 18 ans
Sécu : premier budget en excédent depuis 18 ans
Par François Béguin, Raphaëlle Besse Desmoulières
Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit un budget à l’équilibre en 2019. Mais le gouvernement veut poursuivre les économies.
Surtout ne pas laisser s’installer l’idée qu’il y aurait une « cagnotte ». Alors que la Sécurité sociale devrait revenir à l’équilibre en 2019, un an avant la date fixée par le premier ministre à son arrivée à Matignon, le gouvernement d’Edouard Philippe souhaite éviter d’aiguiser les appétits.
Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et son collègue de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin, devaient ainsi afficher, mardi 25 septembre, un projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 intégrant, au prix d’importants efforts demandés au monde de la santé et aux retraités, le retour à meilleure fortune de la « Sécu » : mise en route de mesures du plan santé, déploiement du « reste à charge zéro », suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires…
« C’est un PLFSS à l’image de la politique que conduit le gouvernement : protéger les plus fragiles, investir pour l’avenir et libérer l’économie pour soutenir l’activité, indique Mme Buzyn. C’est un triptyque solide. Tous nos engagements y sont inscrits très concrètement. » Selon les chiffres présentés mardi, 2018 devrait être la dernière année au cours de laquelle la « Sécu » sera dans le rouge, avec un déficit de 1 milliard d’euros du régime général et du fonds de solidarité vieillesse, qui verse les cotisations retraites des chômeurs et le minimum vieillesse. Soit 1,2 milliard de mieux que les prévisions du gouvernement il y a un an.
Cela s’explique notamment par la bonne conjoncture économique du début d’année – en ralentissement depuis – mais aussi par le régime draconien d’économies auquel a été soumis l’hôpital public ces dernières années. Toutes les branches seraient excédentaires, à l’exception de l’Assurance-maladie qui continuerait de présenter un déficit, à 900 millions d’euros. En 2017, ce dernier s’élevait à 4,9 milliards d’euros.
En 2019, la « Sécu » devrait enfin revenir dans le vert avec un solde positif de 700 millions, pour la première fois depuis 2001. Ce chiffre aurait pu être meilleur si le gouvernement n’avait pas décidé de nouvelles règles budgétaires. Une bonne part des économies attendues est due au quasi-gel des pensions de retraites et des allocations familiales en 2019 et 2020. Ces prestations ne seront revalorisées que de 0,3 %, soit bien moins que l’inflation. C’est 1,8 milliard d’euros que la « Sécu » n’aura pas à dépenser. De quoi mécontenter un peu plus les retraités dont 60 % ont déjà dû faire face à l’augmentation non compensée de la CSG.
Face à la grogne des seniors, Edouard Philippe a décidé de lâcher du lest, en annonçant la semaine dernière un geste fiscal, exonérant 300 000 retraités modestes de la hausse de CSG. Soit 350 millions d’euros de dépenses supplémentaires. Autre mesure permise par les nouvelles marges de manœuvres financières de la « Sécu » : l’exécutif a choisi d’avancer d’un an une promesse de campagne d’Emmanuel Macron, en supprimant les cotisations salariales sur les heures supplémentaires à partir de septembre 2019 afin de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat des salariés et aux fonctionnaires. Le coût est estimé à 600 millions d’euros pour ces seuls quatre mois et à 2 milliards en année pleine.
Souffrance entendue
Mais la mesure la plus onéreuse est en faveur des entreprises avec la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi en baisse pérenne de cotisations sociales. Ce qui représente autour de 20 milliards d’euros de dépenses supplémentaires qui ne pèseront cependant pas sur les comptes de la « Sécu », l’Etat s’étant engagé à compenser intégralement ce mouvement.
Afin de montrer que la souffrance d’un monde hospitalier « à bout de souffle » a été entendue, l’objectif national de dépense d’assurance-maladie (Ondam) est desserré, de 2,3 % à 2,5 % en 2019, avec 400 millions d’euros supplémentaires. « Mais à court et à moyen terme, le plan santé et ce relèvement de l’Ondam ne permettront pas de sortir de la logique mise en place ces dernières années, souligne Pierre-André Juven, chercheur au CNRS. La restructuration du système de santé qui a été annoncée est pensée sur plusieurs décennies. »
Autrement dit, les hôpitaux n’ont pas fini de fonctionner sous tension. Le Haut Conseil aux finances publiques a chiffré, lundi, à 3,8 milliards d’euros le montant des économies à réaliser en 2019 pour le monde de la santé contre 4,2 milliards cette année. Si le gouvernement n’a, à ce stade, pas inscrit dans le PLFSS de mesures d’économies visant à enrayer la hausse des arrêts maladie, il ne s’interdit pas de le faire par voie d’amendement lors de l’examen du texte devant le Parlement.
Plusieurs mesures annoncées dans le plan santé ou le plan pauvreté figurent bien dans le PLFSS mais elles ne commenceront à peser dans les dépenses qu’à partir de 2020 (incitations pour les médecins à travailler en réseau, création d’assistants médicaux). La branche maladie devrait en revanche supporter dès l’an prochain un surcroît de dépenses de 220 millions d’euros liées au démarrage du programme de « reste à charge zéro » : 170 millions pour la revalorisation d’actes dentaires et 50 millions d’euros pour l’amélioration du remboursement des prothèses auditives.
Excédentaire, la « Sécu » devra également utiliser ses ressources pour assumer des charges supplémentaires. Contrairement à l’usage, le gouvernement a en effet décidé de ne plus compenser intégralement certains allégements de cotisations sociales décidés ces derniers mois comme les heures supplémentaires ou la suppression du forfait social sur l’intéressement et la participation dans les PME. Soit 2 milliards d’euros d’économies au total pour le budget de l’Etat.
Dans le même temps, le gouvernement prévoit un nouveau transfert de dette ces prochaines années (15 milliards d’euros) à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades). L’objectif du remboursement total de cette dette sociale reste fixé à 2024 et l’organisme bénéficiera de recettes en plus pour y parvenir. De quoi entamer un peu plus les excédents prévus en 2019.