Un magasin  Debenhams, à Oxford Street, dans le centre de Londres, le 25 octobre. / TOLGA AKMEN / AFP

La liste s’allonge. Après Marks & Spencer, New Look et Homebase, Debenhams réduit la voilure. L’enseigne britannique de grands magasins a annoncé jeudi 25 octobre vouloir fermer 50 de ses 165 points de vente au Royaume-Uni d’ici trois à cinq ans. Le distributeur, qui exploite des immeubles entiers dans les principales villes du pays, n’a pas encore dévoilé les emplacements concernés. Mais, ce plan pourrait entraîner la suppression de 4 000 emplois, d’après les calculs de la presse britannique. Cette figure de la distribution, poids lourd du marché de l’habillement et des produits cosmétiques outre-Manche, emploie 27 000 personnes.

Depuis plusieurs mois, Sergio Bucher, le patron de Debenhams, ancien dirigeant d’Amazon, préparait la City et les pouvoirs publics à de mauvaises nouvelles. Une dizaine de magasins avait déjà été promis à la fermeture. En juin, pour la troisième fois depuis 2018, l’enseigne cotée à la Bourse de Londres avait revu à la baisse ses prévisions de résultats pour son exercice 2018, clos au 1er septembre.

La publication de ses chiffres 2018 a pourtant été, jeudi, une surprise totale. A la suite d’une dépréciation d’actifs, l’enseigne fondée en 1778 affiche des pertes historiques de 491,5 millions de livres sterling (soit 554 millions d’euros) pour un chiffre d’affaires de 2,9 milliards de livres, en recul de 1,8 % sur douze mois. L’exercice 2017 s’était soldé par un bénéfice de 59 millions de livres.

Montée en puissance du commerce électronique

Le plan choc de Debenhams fait la « une » au Royaume-Uni. Car, le secteur de la distribution a déjà payé un lourd tribut à la révolution du Net et à la consommation erratique des ménages depuis l’annonce du Brexit. La chute de la livre sterling a renchéri les prix des produits importés dans le pays et entravé leurs ventes en magasin.

La montée en puissance du commerce électronique pèse sur la fréquentation des points de vente et plombe durablement leur compte d’exploitation alors que les loyers ont continué d’augmenter. De fait, les Britanniques sont de plus en plus nombreux à acheter leurs vêtements en ligne sur les sites Amazon, Asos ou Boohoo, et à faire livrer leurs courses alimentaires à domicile, après les avoir commandées sur la Toile. Outre-Manche, l’e-commerce pèse désormais 18 % des ventes de détail, selon l’Office national des statistiques (ONS), contre 8,5 % en France.

Toutes les municipalités s’inquiètent désormais de l’impact social de ces restructuration

Dès lors, tous les pans de la distribution souffrent. Plusieurs stars ont déjà mis la clé sous la porte. En 2016, l’enseigne populaire BHS a fermé l’ensemble de ses 114 magasins. L’année 2018 est aussi très noire. En mars, l’enseigne de mode New Look a dévoilé vouloir tirer le rideau de 60 boutiques. Deux mois plus tard, Marks & Spencer a annoncé fermer 100 points de vente d’ici à 2022. En août, House of Fraser faisait faillite à son tour. L’enseigne a depuis été reprise par l’homme d’affaires controversé Mike Ashley, fondateur de Sports Direct.

La mode n’est pas le seul secteur concerné. Cet été, Homebase, équivalent britannique de l’enseigne de bricolage Castorama, s’est donné seize mois pour liquider 42 de ses magasins. John Lewis a aussi imposé un plan de réduction des coûts au sein de sa filiale Waitrose. Cette enseigne de supermarchés fermera cinq magasins cet automne, dont deux à Manchester et deux à Londres. Les pharmacies Lloyds sont aussi à la peine, partout en Grande-Bretagne.

Au cours des quatre dernières années, le pays a enregistré la fermeture de 3 200 magasins, d’après les calculs du British Retail Consortium (BRC) à partir des statistiques de l’ONS. Toutes les municipalités s’inquiètent désormais de l’impact social de ces restructurations et de l’avenir de ces locaux de centre-ville que les enseignes délaissent. La crise de la distribution britannique atteint désormais les gestionnaires de centres commerciaux : leur taux de vacance grimpe et les enseignes renégocient leurs loyers. La foncière Intu, propriétaire de centres commerciaux outre-Manche, a ainsi annoncé début octobre revoir à la baisse ses prévisions de croissance de revenus.