Protection de l’enfance : un secrétaire d’Etat contre les « situations de détresse »
Protection de l’enfance : un secrétaire d’Etat contre les « situations de détresse »
Le Monde.fr avec AFP
Reconnaissant qu’en la matière « nous devons faire mieux », le premier ministre, Edouard Philippe, a nommé le député LRM Adrien Taquet secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance.
« Il est clair que nous devons faire mieux. » Insistant sur « le défi majeur » que représente la protection de l’enfance, le premier ministre, Edouard Philippe, a nommé, vendredi 25 janvier, un secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance. Il s’agit du député de La République en marche (LRM) Adrien Taquet, membre fondateur d’En marche ! Son secrétariat d’Etat sera placé auprès de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn.
Le gouvernement doit présenter, lundi, les grands axes de sa stratégie en la matière, qui sera soumise à une concertation. « L’enjeu, a déclaré le premier ministre, est de faire en sorte que notre dispositif, l’ensemble des partenaires qui interviennent en matière de protection de l’enfance – la justice, les services sociaux, les conseils départementaux, les associations, l’éducation nationale – puissent travailler collectivement à obtenir de bien meilleurs résultats, pour que ces enfants puissent grandir et trouver leur place dans la société avec plus de facilité et de succès qu’aujourd’hui. »
Déclaration du Premier ministre @EPhilippePM sur la préparation de la stratégie de protection de l’enfance https://t.co/vcW1VbZhtA
— gouvernementFR (@Gouvernement)
Actuellement, 341 000 mineurs font l’objet d’une mesure de protection de l’enfance en France (selon des chiffres de la fin de 2017), dont plus de la moitié sont placés en institution ou dans des familles d’accueil. Un quart des personnes sans domicile fixe sont d’anciens enfants placés.
Machine à broyer des enfants
Un documentaire accablant, diffusé le 16 janvier sur France 3, révélait des violences insoutenables dans certains foyers d’accueil, notamment à Eysines, en Gironde : adultes débordés levant la main sur des enfants, enfants victimes de viols de la part de leurs pairs, éducateurs sans formation… Sa diffusion, qui avait été suivie d’un débat auquel participait la députée LRM Perrine Goulet, elle-même ancienne enfant placée, a suscité une émotion considérable. La députée a demandé vendredi avec plusieurs collègues de la majorité une commission d’enquête parlementaire.
« Comment expliquer que l’aide sociale à l’enfance, censée protéger des mineurs, semble trop souvent une machine à broyer des enfants déjà bien abîmés par la vie ? Comment expliquer que 40 % des SDF de moins de 25 ans sont d’anciens enfants placés et que 70 % sortent sans diplôme de l’aide sociale à l’enfance ? Il n’est plus tolérable de laisser nos enfants continuer à se perdre », argue le texte de la demande. Ouverte aux « députés de tous bords », la demande n’a pas encore été formellement déposée.
« Corriger les dysfonctionnements, c’est bien, mais prévenir les violences, les mauvais traitements, arriver à identifier le plus tôt possible que quelque chose ne va pas, mettre en œuvre des accompagnements personnalisés pour éviter que la situation se dégrade, c’est ça qui est essentiel », a déclaré vendredi Edouard Philippe, annonçant « une mobilisation de moyens supplémentaires ». Le budget de la protection de l’enfance avoisine 8 milliards d’euros par an.
« Angles morts »
La nomination d’Adrien Taquet est un « signe positif », a réagi la Convention nationale des associations de protection de l’enfant (Cnape). La Voix de l’enfant « se réjouit » de cette création, qu’elle « appelait de ses vœux de longue date ». « C’est un très bon signal, surtout couplé à la commission d’enquête parlementaire », a réagi Sylvain Louvet, auteur de l’enquête de huit mois diffusée dans l’émission télévisuelle « Pièces à conviction ».
Parmi les pistes connues de la feuille de route gouvernementale, Mme Buzyn avait annoncé dans le courant du mopis de novembre la prise en charge à 100 % des frais de santé des jeunes confiés aux services sociaux et un accompagnement financier pour ceux qui souhaitent poursuivre des études. La nomination d’un secrétaire d’Etat – et non d’un haut-commissaire, comme le gouvernement l’envisageait –, apporte à Adrien Taquet le poids politique indispensable pour engager la concertation avec les départements, qui sont maîtres d’œuvre sur le terrain.
« Il est temps que l’Etat s’engage », a réagi le département de Seine-Saint-Denis. Les juges pour enfants du tribunal de Bobigny ont lancé récemment un « appel au secours » sur les délais de prise en charge des enfants, qui vont « jusqu’à dix-huit mois » faute d’éducateurs pour exécuter les jugements.
Elu député des Hauts-de-Seine en juin 2017, « marcheur » de la première heure, Adrien Taquet, 42 ans, s’est engagé à « bosser sur les angles morts de la République », notamment le handicap, l’autisme et la condition des détenus. Une sensibilité qui lui sera utile pour s’attaquer aux nombreux « angles morts » de la protection de l’enfance, dont l’insuffisance criante d’éducateurs formés, l’absence d’unités pédopsychiatriques pour soigner les enfants victimes de violences ou encore l’abandon des jeunes sortis du dispositif à 18 ans.