L’Allemagne dénonce la position dominante de Facebook sur la collecte de données personnelles
L’Allemagne dénonce la position dominante de Facebook sur la collecte de données personnelles
Le Monde.fr avec AFP et Reuters
L’Office fédéral de lutte contre les cartels a annoncé vouloir obliger le réseau social à limiter la collecte de données sur des applications et services tiers, comme WhatsApp et Instagram.
Le gendarme de la concurrence allemand (Bundeskartellamt, l’Office fédéral de lutte contre les cartels) a annoncé jeudi 7 février sa volonté de contraindre Facebook en Allemagne à limiter la collecte de données personnelles de ses utilisateurs à travers des applications, sites ou services qui ne sont pas directement Facebook.
Ces annonces font suite à des investigations lancées par le Bundeskartellamt à la mi-2016 : l’Office de lutte contre les cartels avait lancé cette procédure après avoir reproché au plus grand réseau social la collecte d’informations sur ses usagers à leur insu. Dans son communiqué, le Bundeskartellamt explique qu’il considère bien que Facebook abuse de sa position dominante sur le marché allemand en ce qui concerne la récolte d’informations des internautes. Ce qui permet ensuite à Facebook de diffuser des publicités ciblées, en fonction des données récoltées, et de récolter de substantiels profits publicitaires.
« Empêcher la fusion des informations »
L’Office fédéral déplore une situation où la collecte de données d’utilisateurs s’opère non seulement sur Facebook, mais aussi sur d’autres applications lui appartenant (notamment Instagram et WhatsApp), et sur les sites qui affichent des boutons « J’aime » ou « Partage » sur Facebook.
« Consulter un site qui contient un bouton “J’aime” suffit à déclencher une collecte de données », regrette par exemple l’autorité de la concurrence. Ce qui permet parfois même à Facebook de récolter des informations au sujet d’internautes… qui n’ont pas de comptes Facebook.
S’il ne remet pas en cause cette collecte de données, fondamentale dans le modèle économique de Facebook, le Bundeskartellamt reproche surtout la concentration opérée par Facebook, qui établit les profils publicitaires de ses utilisateurs à partir de multiples applications et sites utilisés par les internautes. Face à cela, déplore l’Office fédéral, aucun concurrent de Facebook (Google+, LinkedIn, Snapchat, YouTube, Twitter sont cités) ne dispose d’outils de collecte de données de la même envergure sur le marché allemand des utilisateurs de réseaux sociaux.
Pour contrer cette situation, le Bundeskartellamt estime que « Facebook ne peut plus contraindre ses utilisateurs à accepter une collecte quasi llimitée de leurs données » par l’intermédiaire de sites tiers, a résumé Andreas Mundt, à la tête de l’organisme, lors d’une conférence de presse tenue à Bonn. « L’objectif est d’empêcher la fusion de toutes les informations que Facebook collecte à notre sujet », et plus largement de « contraindre les géants de la tech à adapter leur modèle économique au droit de la concurrence », a-t-il déclaré à cette occasion.
Andreas Mundt s’est par ailleurs dit préoccupé par le projet de Facebook de fusionner l’infrastructure de ses services Messenger, WhatsApp et Instagram, révélé par la presse en janvier. « Si un tel projet était mis en œuvre, il ferait l’objet d’un examen antitrust en Allemagne », a dit Andreas Mundt, estimant que cela renforcerait les pratiques que l’autorité dénonce.
Facebook fait appel
Concrètement, Facebook doit maintenant soumettre au Bundeskartellamt « dans les quatre mois » une modification de ses conditions d’utilisation en Allemagne, pour qu’elles limitent la collecte de données via des services tiers, et donnent davantage d’explications et de possibilités de consentement clair aux utilisateurs. « Les conditions d’utilisation de Facebook, de même que la manière et l’étendue avec lesquelles il collecte et utilise ces données, violent les règles européennes de protection des données, au détriment des utilisateurs », estime d’ailleurs l’autorité de la concurrence.
Pour résoudre ces problèmes, « il y a plusieurs options possibles que Facebook doit développer dans les quatre prochains mois et les soumettre au Bunderskartellamt », selon les détails publiés par l’Office fédéral de lutte contre les cartels, qui mentionne aussi que « Facebook a un mois pour faire appel de cette décision ».
Facebook n’a pas attendu un mois. Dans un communiqué diffusé dès le 7 février, quelques minutes après les annonces allemandes, le réseau social a fait savoir qu’il était en désaccord avec le gendarme de la concurrence allemand et qu’il allait faire appel de cette décision. « Le Bundeskartellamt sous-estime la compétition féroce à laquelle nous faisons face en Allemagne, n’a pas pris la bonne mesure de notre respect du RGPD [le Règlement général sur la protection des données, entré en vigueur dans l’Union européenne en mai 2018], et sape les mécanismes permis par les lois européennes pour assurer la protection des données personnelles en Europe », contre-attaquent Yvonne Cunnane, qui gère la protection des données chez Facebook en Europe, et Nikhil Shanbhag, juriste de la société américaine.
Dans cette réponse, Facebook indique notamment avoir pris toutes les mesures nécessaires pour se conformer au RGPD, en donnant à ses utilisateurs de nouveaux outils pour vérifier et contrôler l’usage de leurs données personnelles. Des mesures qui invalident, selon Facebook, les critiques formulées par l’Office fédéral de lutte contre les cartels.
Interrogé par l’Agence France-Presse sur les procédures en cours, Facebook avait déjà expliqué en décembre 2018 que le travail d’investigation du Bundeskartellamt « dress[ait] une image inexacte » du réseau social, qui, selon lui, ne montre aucun signe de position dominante « en Allemagne ou ailleurs ».