Présidentielle au Sénégal : « La bataille de Ziguinchor aura bel et bien lieu »
Présidentielle au Sénégal : « La bataille de Ziguinchor aura bel et bien lieu »
Par Salma Niasse Ba (envoyée spéciale à Ziguinchor, Sénégal)
Tous les prétendants au scrutin du 24 février ont défilé en Casamance. La confrontation majeure a opposé le président Macky Sall à Ousmane Sonko, originaire de cette région.
Une rue de Ziguinchor, capitale historique de la Casamance, au Sénégal, en mars 2016. / Jean-Francois Huertas / REUTERS
D’habitude si propres, les rues pavées du centre-ville de Ziguinchor portent encore les traces des meetings politiques qui l’ont animé ces derniers jours. A même le sol, des sachets d’eau vidés par centaines, mais aussi des affiches aux couleurs des cinq candidats à la présidentielle du 24 février qui s’y sont tous succédé entre le 10 et le 13 février. La Casamance, située au sud du Sénégal, est en particulier un bastion à fort enjeu pour le président sortant Macky Sall et pour le candidat Ousmane Sonko, originaire de cette région et populaire parmi l’électorat jeune.
Ce 11 février, la tension est forte entre les militants des Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), le parti d’Ousmane Sonko, et ceux de la mouvance présidentielle. Et pour cause : leurs caravanes électorales traversent au même moment la région de Ziguinchor et les deux hommes, favoris du scrutin dans la région selon certains observateurs, doivent s’y affronter le soir même en meeting. Chacun a en tête les violences qui ont opposé dans la matinée des militants de Tambacounda, une localité voisine, faisant un mort. Pour chaque camp, la priorité est donc d’éviter tout débordement tout en remportant cette première bataille : celle de la mobilisation.
« Mettre une raclée à Sonko »
« Macky Sall a payé les jeunes pour venir le soutenir, s’énerve un cadre du Pastef. Il a loué tous les bus, même ceux qui n’étaient pas utilisés par ses militants. Cela pour nous empêcher de mobiliser. Mais les gens nous ont rejoints à pied ou en charrette et, finalement, on a davantage rassemblé qu’eux ». Même son de cloche du côté de Benno Bokk Yakaar, la coalition du président Sall, qui déclare être la plus nombreuse.
Au-delà de la guerre des chiffres, l’objectif affiché des deux hommes est d’infliger une écrasante défaite au camp adverse le 24 février. Dans la mouvance présidentielle, on vise 98 % des suffrages exprimés, quand M. Sonko n’attend pas moins de 85 % des votes. « Le président veut mettre une raclée à Sonko pour lui montrer que, même dans son fief, c’est lui qui domine. La bataille de Ziguinchor aura bel et bien lieu », avance Mamadou Mané, journaliste spécialiste de la région.
La menace semble être prise au sérieux par Ousmane Sonko qui a sillonné la Casamance trois jours durant, multipliant les meetings y compris de nuit. Originaire de Bignona, au nord de Ziguinchor, la figure montante de la scène politique sénégalaise cherche à consolider sa base électorale dans cette zone acquise depuis peu par le chef de l’Etat sortant. En effet, Abdoulaye Baldé, le maire de la ville, surnommé « l’homme fort de Ziguinchor » en raison de sa popularité, a rallié le camp présidentiel fin novembre 2018. Si Ousmane Sonko a mené la bataille de la mobilisation, il manque d’alliés. Or, les consignes de vote des dirigeants locaux pourraient être déterminantes pour le scrutin du 24 février.
Consolider le processus de paix
La Casamance revêt une importance électorale à l’échelle du pays. « Les zones de forte concentration démographique comme les régions de Dakar, Diourbel et Thiès sont les grands bastions électoraux, représentant plus de 50 % de l’électorat. Néanmoins, très souvent, la différence se fait au niveau des autres localités comme Ziguinchor, Kaolack et Saint-Louis, ainsi que dans le monde rural », décrypte Mamadou Mané.
Enfin, se joue dans cette région, en proie à une crise indépendantiste depuis 1982, une question nationale : la consolidation du processus de paix, abordée par tous les candidats en meeting à Ziguinchor. Le président sortant dit vouloir parachever le processus, tandis qu’Ousmane Sonko, fils de la région, explique être le mieux placé pour mettre un terme au conflit. Lors d’une rencontre avec la plate-forme des femmes pour la paix en Casamance, le 13 février, ce dernier a déclaré que, s’il était élu, il irait chercher les rebelles retranchés dans des maquis pour les ramener à la vie civile.