Romain Duris : « Quand on me choisit pour un rôle, c’est à moi de prouver que c’est une bonne idée »
Romain Duris : « Quand on me choisit pour un rôle, c’est à moi de prouver que c’est une bonne idée »
Propos recueillis par Audrey Fournier
L’acteur, qui incarne Vernon Subutex dans l’adaptation de la saga littéraire de Virginie Despentes, apparaît pour la première fois au générique d’une série
Pour sa première participation à une série télé, l’acteur est à l’affiche de Vernon Subutex, adapté par Cathy Verney des livres de Virginie Despentes, et diffusé sur Canal+ à partir du lundi 8 avril.
Aviez-vous lu « Vernon Subutex » avant d’être approché pour la série ?
Oui, j’ai lu les livres très tôt. J’ai adoré l’écriture de Virginie Despentes, sa radicalité, son authenticité, son intégrité. J’ai discuté avec Cathy [Verney, scénariste et réalisatrice] et j’ai compris ce qu’on allait pouvoir apporter aux mots de Virginie. La magie des images, la magie d’une caméra qui se balade dans les rues de Paris, de pouvoir mettre des visages sur les personnages des livres… Même si j’avais aussi des peurs, comme celle de perdre cette voix off qu’il y a dans les livres, l’œil de Vernon qui observe, sa poésie… Non, en fait, je n’avais pas peur de perdre sa poésie car, avec une caméra, on peut la retranscrire d’une autre façon.
C’est le premier projet de série que l’on vous propose ?
Le premier projet sérieux, en tout cas. J’avais évidemment peur de l’objet télé, même si les séries ont explosé et beaucoup changé ces dernières années. Mais dès lors que j’avais lu les livres, j’étais happé, j’avais envie d’incarner Vernon.
Ces interrogations, j’en ai discuté avec Cathy. Elle m’a convaincu par ses choix : que ce soit le casting, le chef opérateur, l’ambiance qu’elle voulait donner à la série… Quand je suis arrivé sur le projet, je n’avais que le scénario des trois premiers épisodes en main, mais je lui ai dit très tôt que j’espérais que la suite soit comme ci ou comme ça.
La saga « Subutex » a connu à la fois un grand succès critique et populaire, avez-vous appréhendé d’endosser le costume de Vernon ?
Non, ce n’est pas mon caractère, quand on me choisit pour un rôle, je me dis toujours que c’est à moi de prouver que c’est une bonne idée. Je ne me demande jamais si je suis assez ceci ou cela. D’ailleurs Vernon est décrit comme un homme grand avec les yeux bleus… Mais ce qu’il a à l’intérieur, sa poésie et sa philosophie, j’y adhère et je peux y accéder. Je ne me demande pas si je suis le personnage, je m’en empare et je le travaille.
On a lutté pour ne pas que Vernon apparaisse comme un profiteur, pour montrer qu’il est toujours sincère avec les gens qu’il croise. Il est un peu hors système, un peu rêveur mais j’aime ça, ce côté hors du moule, pas à l’aise. J’ai adoré l’interpréter. J’aime son côté utopiste, qui refuse de vivre selon des règles édictées par des gens qui ne lui ressemblent pas.
Vous êtes l’acteur de toute une génération, qui a grandi et muri à l’écran. Comment joue-t-on Vernon, un personnage marginal, voire un peu « destroy », quand on a cette image-là ?
Ça passe par une disponibilité et de l’observation. Mais le « destroy » est surtout intéressant quand on ne le joue pas, quand il n’est pas subi. Il ne faut surtout pas jouer le mec qui souffre. Vernon, même dans sa souffrance, sourit et s’élève. C’est quelqu’un qui a l’œil qui brille, il a confiance en l’humanité et en la vie. Jouer le « destroy », finalement, ce n’est pas très compliqué, ce qui l’est, c’est d’amener de la poésie là-dedans sans que ça fasse fabriqué ni cliché.
Cathy Verney dit que Vernon « rallume les gens »…
Vernon est disquaire, un magasin de disques, c’est un endroit qui rassemble. Quand il croise ses anciens amis, il leur fait du bien. A son contact, ils vivent une introspection, ils se questionnent sur ce qu’ils sont devenus. Chez Xavier, on sent que ça cogne. Chez Emilie, on sent que c’est plus mélancolique, plus doux, en tout cas, c’est émouvant. Chez Sylvie, c’est très barge… Ces gens-là existent vraiment, on a tous croisé des personnes qui nous font penser à qui on était avant.
Il paraît que vous n’aimez pas le rock… Avez-vous changé d’avis ?
Quand j’écoute de la musique, ça me colle à la peau et quand j’écoute du hip-hop, je ne peux pas écouter de rock en même temps, c’est un choix, une sensibilité. J’ai été traversé par d’autres styles de musique dans ma vie. Mais dans le rock, il y a un amour du son, peu importe lequel. Le fait d’écouter de la musique et de la laisser nous transpercer, c’est rock, c’est ce que revendiquent les rockeurs. Le rock a toujours été présent pour moi, sauf que je ne l’ai pas agrippé. Pour Vernon, je l’ai agrippé, j’ai essayé de le comprendre, je l’ai aimé, j’ai cherché son pouvoir. C’est très précieux.